Le partage d'informations plus ou moins stratégiques n'est pas le fort des cimentiers marocains. Holcim a tout de même dérogé à cette règle à l'occasion de la présentation de ses résultats. Et si l'opérateur n'a pas voulu répondre à plusieurs questions d'analystes concernant ses capacités de production, ses marges commerciales à l'export ou encore sa stratégie de développement d'avant fusion avec Lafarge, le management a tout de même livré ses anticipations chiffrées à l'horizon 2017 pour la consommation de ciment... Morosité ambiante. Difficile de soutirer des informations stratégiques au management de Holcim, même pour les analystes les plus insistants. En mettant en avant le risque de se mettre à nu face à la concurrence, le président du groupe, Dominique Drouet, a balayé du revers de la main un ensemble de questions relatives au taux d'utilisation des capacités de production du groupe au Maroc. Une information capitale pour déterminer l'efficacité opérationnelle d'une entreprise. Et si au final ce comportement n'était que le reflet de la concurrence accrue que se livrent les industriels du secteur ? On n'en saura pas plus. Comment se comportera le marché d'ici 2017 ? Voilà une question à laquelle nombre de concurrents répondraient par des phrases vagues qui ne les engagent en rien. Voilà une information hautement stratégique, car on peut en déduire les intentions des entreprises en termes d'investissements et de stratégies commerciales. Voilà une information que Holcim a pourtant rendue publique. Le groupe s'attend ainsi à une consommation annuelle de 14,3 millions de tonnes (Mt) en 2014, soit une baisse comprise entre 4 et 6% par rapport à 2012. En 2015, la consommation nationale serait de 13,9 Mt, en baisse de 3%, alors qu'elle se stabiliserait autour de 13,7 Mt en 2016 et 2017, en baisse de 1% par rapport à 2015. Pour déterminer ce scénario central, le cimentier s'est basé sur la corrélation entre la formation brute de capital fixe, les projections de consommation de ciment par habitant au Maroc et celles de consommation globale de ciment en année glissante. Ce scénario central prévoit donc une baisse de la consommation jusqu'en 2015, puis une stabilisation jusqu'en 2017. En somme, rien de bien réjouissant. Pour le management, ce scénario central est un avis qui n'engage que lui et peu être «contesté» par la presse, les analystes et les concurrents du groupe. Autre précision : rien ne prouve que Holcim verra ses ventes corrélées à ces anticipations. A noter tout de même qu'elle s'attend à un deuxième semestre peu favorable qui contrebalancera la hausse de ses produits d'exploitation de 9% au S1. La succession de fêtes religieuses en serait la cause. Les leçons du scénario central Holcim croit en son scénario. La société n'est pas dans un cycle d'investissement, mais plutôt de restitution : en atteste la distribution d'un nouveau dividende exceptionnel qui portera sur près d'un milliard de dirhams avant la fin de l'année, résultat de la fusion avec Holcim AOZ. En répondant à une question d'un journaliste sur la générosité des dividendes de Holcim cette année, Christophe Siraudin, directeur financier du groupe, a déclaré «que c'est une simple restitution à l'actionnaire de ce qui lui appartient, en l'absence de projets d'investissement dans l'immédiat. C'est la seule lecture qu'il faut faire de cette opération». Ensuite, ce scénario pousse à s'interroger sur le comportement des opérateurs à l'horizon de la prévision. Vont-ils maintenir les prix fixes malgré la hausse des coûts de production (10% rien que pour l'électricité) au détriment de leurs marges ? Vont-ils les baisser pour gagner en parts de marché ou seront-ils amenés tôt ou tard à répercuter cette hausse sur les prix au risque d'entraîner un cercle vicieux de la consommation ? Le management de Holcim, lui, sans donner de détails, déclare que les prix ont grimpé au premier semestre chez la filiale du groupe suisse, sans pour autant dépasser la progression de l'inflation. Autant dire qu'ils sont restés stables, étant donné que l'inflation ne dépasse pas 1% sur la période. Autre question : si la fusion est réussie au Maroc, comment se comportera le nouvel ensemble face à la stagnation du marché ? Car, rentabilité oblige, il faudra sans doute faire des arbitrages sur les investissements à garder et ceux à céder. Là aussi, le président de Holcim rassure, tout en restant prudent : «nous avons des investissements complémentaires avec Lafarge en ce qui concerne la distribution et l'engagement environnemental. Mais je ne peux pas parler au nom de l'ensemble, car nous ne serons pas les seuls à prendre des décisions en cas de fusion». Holcim écarte tout projet de désinvestissement en cas de fusion. Pour l'instant. Ce sont donc autant de questions qui restent en suspens face à ces anticipations que seule une politique plus expansionniste pourrait renverser, étant donné la forte baisse des mises en chantier dans le résidentiel et la forte marge de progression dont disposent les projets d'infrastructures qui ne pèsent que 6% dans le total des mises en chantier. Le projet de fusion à la Primature Selon Dominique Drouet, président du Directoire, le dossier relatif à la fusion Holcim-Lafarge a été déposé à la Primature le 18 août dernier. Le chef du gouvernement a deux mois pour rendre sa décision sur la fusion ou transférer le dossier au Conseil de la concurrence. Drouet assure que les deux entités resteront concurrentes jusqu'à la dernière minute et n'échangeront pas d'informations d'ici là. Un discours similaire à celui de Lafarge. Au niveau mondial, la finalisation de la fusion est prévue mi-2015.