Les éleveurs se plaignent de la hausse des intrants, alors que les consommateurs redoutent l'effet néfaste des intermédiaires. Le budget des familles est mis à rude épreuve suite à la succession d'événements à forte dépense. Les prix devraient osciller dans une fourchette de 40 à 50 DH le kilo. Moins de deux semaines nous séparent de Aïd Al-Adha. Chaque année a ses propres spécificités. Les interrogations qui taraudent souvent les esprits sont celles relatives au prix et à l'état de santé du cheptel. Comme d'habitude, le discours du ministre de l'agriculture est toujours rassurant quant à une offre qui excède la demande. «En dépit du déficit hydrique enregistré durant la campagne agricole 2013-2014, les prix des matières premières entrant dans l'alimentation animale sur le marché national ont enregistré une légère baisse, en notant que la campagne agricole 2013-2014 a connu un report de stock important des disponibilités fourragères du cheptel provenant de la campagne agricole précédente, qui a été caractérisée par une bonne production agricole», explique-t-on auprès du ministère de l'Agriculture. Les avis divergent Un point de vue qui n'est pas partagé par plusieurs éleveurs. «Cette saison est marquée par des récoltes assez moyennes qui ont eu un effet sur les disponibilités en matière d'aliment de bétail. L'aliment composé a gardé des prix stables mais d'autres ont vu leur prix augmenter du fait de la diminution de l'offre. Il s'agit du son, de l'orge et aussi des bottes de paille», explique Bouchaib Kassoumi, président d'une association d'éleveurs dans la région de Benslimane. Dans les régions du Sud du Maroc comme Rhamna, Abda et Souss, le prix de l'aliment de bétail est nettement supérieur à la normale. Le cumul pluviométrique est identique à celui d'une année de sécheresse. «Plusieurs éleveurs n'ont pas jugé opportun d'investir dans l'engraissement d'ovins ou de caprins pour Aïd Al-Adha du fait que le coût d'exploitation est jugé élevé et du coup les marges se rétrécissent d'année en année. Certains ont réduit le volume de leur bétail pour faire face aux charges. Cela aura un impact sur l'offre-produit», explique Abdallah Benhamza, président d'une association d'exploitants à Sebt Gzoula dans la région d'Abda. Concernant les prix, les professionnels prévoient une quasi-stagnation par rapport à l'année dernière même si on note des fluctuations par rapport à la période d'achat. Au début, les prix commencent à des niveaux supérieurs, par la suite ils affichent une certaine stabilisation. Et durant les deux derniers jours on peut s'attendre soit à une baisse, soit à une hausse des prix du fait de l'élasticité de la demande. «Les éleveurs ont compris que pour avoir un bon produit pouvant être vendu à un prix raisonnable, ils doivent entretenir leur bête à travers une alimentation saine et équilibrée et un suivi vétérinaire adéquat», explique Benbarek Fenniri, président de l'Association nationale ovine et caprine (Anoc). S'agissant des prix, il indique que «les prix pratiqués cette année seront les mêmes que ceux des dernières saisons avec une légère tendance à la hausse ou à la baisse les trois derniers jours. Il faut compter entre 40 et 50 DH le kilo». La vente au kilo dans les grandes surfaces ou dans les fermes organisées a connu ces dernières années un développement notoire, mais les citoyens préfèrent l'achat sur la base du gabarit du mouton. L'absence de circuits de distribution encadrés et contrôlés laisse malheureusement la porte ouverte à toutes les dérives. C'est une activité qui n'est pas toujours organisée : la prédominance de l'informel et la présence des intermédiaires et autres chennakas biaisent les transactions, ce qui se traduit par une grande différence entre le prix départ ferme et celui payé par le consommateur. Pour sa part, Nabil Haddaji, avocat au barreau de Casablanca et membre de l'Association de protection des consommateurs, estime qu'il y a un phénomène fondamental qui va peser sur le marché : «les bourses des familles sont mises à rude épreuve cette année du fait des différents événements budgétivores qui se sont succédé comme le Ramadan, les vacances estivales et la rentrée scolaire. Comme Aïd Al-Adha arrive en dernier, certains ménages n'auront d'autre choix que de réduire le budget dédié. Ceux qui ont l'habitude d'immoler plusieurs bêtes vont diminuer le nombre et certains couples peuvent basculer vers la célébration de l'Aïd avec les beaux-parents ou les parents ou opter carrément pour des voyages». Par ailleurs, il est certain que Aïd Al-Adha reste une belle opportunité pour les éleveurs d'améliorer leur trésorerie et entamer la saison agricole 2014/2015 dans de bonnes conditions. Le ministère de l'Agriculture a fait savoir que les transactions commerciales des animaux d'abattage à l'occasion de l'Aïd permettront de réaliser un chiffre d'affaires dépassant les 8,5 milliards de DH dont une grande partie sera transférée au milieu rural. Le discours rassurant du ministère Les disponibilités en ovins et caprins, destinés à l'abattage à l'occasion de l'Aïd Al-Adha, couvrent largement la demande. Le ministère de l'Agriculture et de la pêche maritime fait état d'une offre de 7,7 millions de têtes dont 4,6 millions d'ovins mâles et 3,1 millions d'agnelles et de caprins. La demande est estimée à 5,3 millions de têtes, dont 4,2 millions d'ovins mâles et 1,12 million d'agnelles et de caprins. Pour le ministère de tutelle, l'approvisionnement du marché a pu se dérouler dans de bonnes conditions, grâce aux efforts conjugués des acteurs de la filière et de l'Etat, notamment à travers l'opération sauvegarde du cheptel. L'état sanitaire des animaux est bon dans l'ensemble des régions du Royaume, grâce aux programmes de surveillance continue, au renforcement des encadrements sanitaires, aux campagnes prophylactiques et aux traitements contre les maladies réputées contagieuses à incidences économiques, menés par les services vétérinaires relevant de l'Office national de la sécurité sanitaire et alimentaire (ONSSA).