Cette nouvelle levée de fonds finalisée cette semaine, qui a porté sur 1 Md d'euros, n'a pas été aussi médiatisée qu'à l'accoutumée. Pourtant, le ministre des Finances a effectué la traditionnelle tournée à l'international pour tâter le pouls des investisseurs et leur présenter le «produit» Maroc. Le taux d'intérêt appliqué à cet emprunt est de 3,5%, un taux inférieur à ceux des précédentes sorties. Libeller cette dette en Euro y est pour beaucoup. Explications. Encore une sortie réussie pour le Maroc ? Sans doute, à condition que le taux de change ne réserve pas de mauvaises surprises dans le futur. Le timing de l'opération n'est pas innocent et il a joué comme la dernière fois un rôle important dans la détermination d'un taux d'intérêt relativement bas, quoique nous ne connaissions pas encore la prime de risque qui a été appliquée à ce papier. Rappelez-vous, il y a un peu plus d'un an, le Trésor avait réussi une sortie en Dollar au taux de 4,4%, contre 4,55% en 2010. Cette baisse apparente cachait une hausse de la prime de risque appliquée à la dette marocaine. Ce qui donc causa cette amélioration des conditions fut la baisse du prix du dollar «à la sortie d'usine». La Banque Centrale américaine venait de faire un nouveau geste sur ses taux directeurs. Une situation qui rappelle drôlement les conditions de ce nouvel emprunt. Cela donne même l'impression que la décision a été prise rapidement pour profiter de la diminution du taux directeur de la Banque centrale... cette fois européenne. Elle a eu lieu voilà à peine 10 jours. Une diminution qui a été accompagnée par de nombreuses autres mesures qui ont à leur tour réduit le prix de l'Euro à la sortie d'usine. Au sein de la Direction du Trésor, c'est la première raison invoquée. «Nous avons choisi d'aller sur le marché de l'Euro parce qu'il offre de bonnes conditions de liquidités et les taux sont cléments», explique une source proche du dossier qui complète son argumentaire par des raisons plus politiques, économiques et stratégiques que financières: «Revenir sur l'Euro après 4 années d'absence nous a permis d'actualiser notre relation avec les investisseurs qui opèrent dans cette devise. C'est important de garder le contact avec l'ensemble des investisseurs et le meilleur moyen de connaître leur appréciation de notre économie est de leur présenter du papier frais. Ils y ont souscrit et les conditions de l'emprunt témoignent de leur confiance». Il est prévu, du moins très souhaitable, que le ministre de tutelle organise une conférence de presse dans les jours à venir pour présenter le détail de l'emprunt. Il faudra hélas attendre ce moment pour connaître la réelle appréciation des investisseurs de ce papier en analysant la prime de risque. Le Maroc est sorti à l'heure de pointe Cela dit, il faut signaler que cet emprunt a été souscrit 2 fois. C'est-à-dire que les investisseurs ont demandé 2 Mds d'euros d'obligations publiques, alors que l'Etat n'en voulait qu'un milliard. La dernière fois, le papier marocain a été souscrit plus de 6 fois. Mais c'est cela le premier avantage du Dollar. Les investisseurs sont plus nombreux à souscrire dans cette devise que dans n'importe quelle autre. Auprès de la Direction du Trésor, on relativise: «cet indicateur est important, mais il ne faut pas le sortir de son contexte. Les conditions du précédent emprunt ont changé et le taux de souscription actuel, qui est de 2, doit être interprété dans les conditions actuelles. L'aversion au risque n'est plus la même pour le papier des pays émergents, mais en plus, la sortie du Maroc a coïncidé avec celle de l'Espagne, de la Corée du Sud, de l'opérateur de télécommunications Etisalat, pour ne citer qu'eux. Les investisseurs ont dû faire des choix dans une palette de bons papiers. Etre souscrit deux fois face à cette concurrence est plutôt une bonne nouvelle». Des fondamentaux inchangés Le Maroc est parti à la rencontre des marchés dans un contexte interne de resserrement de liquidités identique à celui de 2012, avec un déficit public de 7,3%, le tout chapeauté par une croissance molle mais avec une dette totale du Trésor qui ne représente que 60% du PIB, selon les chiffres officiels. 59,6% plus exactement, ce qui laissait de la marge à une plus grande dépendance des marchés financiers extérieurs (www.financesnews.press.ma). Outre l'image du Maroc, cette dette a bénéficié de l'abondance de liquidités sur le marché européen, couplée à la faiblesse des rendements obligataires aux Etats-Unis et en Europe. Autre point : en Europe et à partir de la dernière décision de la BCE prise il y a quelques jours, les dépôts des banques auprès de la banque centrale bénéficient d'une rémunération négative ! De quoi pousser les plus récalcitrants à prêter et donc à permettre aux investisseurs de rechercher des actifs plus rémunérateurs associés à un risque raisonnable. Le Maroc a surfé sur la vague... comme il l'avait fait par le passé. Evolution de la prime de risque des emprunts souverains marocains La prime de risque, qui est le différentiel que souhaitent avoir les investisseurs par rapport au taux de référence (par exemple taux directeur de la BCE), et qui permet de mesurer le risque d'un papier de dette, était de 275 points de base (Pbs) en 2012, alors qu'en 2010 lors de l'émission, elle n'était que de 200 pbs et de seulement 55 pbs en 2007. D'ailleurs, cette prime de risque sur la dette marocaine est en hausse rapide depuis 2009. Le Maroc semble avoir fait une bonne affaire, mais cela n'empêche pas de continuer à surveiller de très près les agrégats macroéconomiques et de mettre en oeuvre une politique structurelle pour rééquilibrer les comptes publics. L'idée est de basculer d'une politique opportuniste en matière d'emprunts à une véritable position d'emprunteur solide et inspirant.