Faut-il encore le rappeler ? Quand bien même l'élaboration de la Loi de Finances (LF) 2014 intervenait dans un contexte marqué par l'apparition de quelques signes de reprise au niveau international, il n'en demeure pas moins que les hypothèses sur lesquelles elle tablait s'affirment de jour en jour irréalisables et irréalistes. La prolifération des données contradictoires plonge l'économie dans le désarroi. En vue de donner plus de tonus à nos hypothèses et pour mieux confronter les idées, nous avons posé les mêmes questions à deux éminents économistes : Larabi Jaïdi et Najib Akesbi. Bien que chacun ait sa propre analyse, ils sont tous les deux unanimes quant à l'immobilisme politique qui prend en otage notre économie. Les pronostics de croissance au terme du premier trimestre 2014 qui, tout en étant nuancés selon la partie émettrice, versent dans un même sens : celui de la faiblesse sinon par rapport aux perspectives de croissance, du moins par rapport aux hypothèses de la LF 2014. Notamment un taux de croissance de 4,2%. Si les perspectives de croissance économique pour le Maroc sont jugées encourageantes dans le dernier rapport du Fonds monétaire international (croissance du PIB de 3,9%), les indicateurs nationaux sont moins optimistes. En cela, le Centre marocain de conjoncture (CMC) projette un taux de croissance n'excédant guère les 2,6%. «Le repli de la croissance qui s'annonce assez important cette année ne tient pas seulement aux vicissitudes du climat et ses implications quant aux performances du secteur agricole. Des facteurs contraignants plus profonds affectant aussi bien l'environnement interne qu'externe sont à l'origine de la persistance de déséquilibres qui fragilisent les ressorts de l'activité et sa dynamique de croissance», souligne le CMC. L'industrie trinque Qu'il s'agisse de la demande adressée à l'économie qui ne cesse de s'affaiblir ou du déficit de compétitivité à l'export, ce sont autant de contreperformances ayant contribué à cet état de fait. A côté de la quasi-stagnation des recettes au titre des voyages et des transferts des MRE, les flux d'investissements étrangers entrants sont en baisse de plus de 40 % au terme du premier trimestre de l'année, souligne la même source. Si quelques secteurs tirent tant bien que mal leur épingle du jeu, il s'avère clairement que les principales activités industrielles, commerciales et de services sont en net repli. Les activités du bâtiment et travaux publics connaissent, quant à elles, une contraction nettement plus marquée, comme en témoigne l'évolution des ventes du ciment au cours des derniers mois (www.financenews.press.ma). Les conjoncturistes notent également que la tendance au ralentissement semble affecter aussi les activités de services, avec la contraction des dépenses de consommation intérieure et la relative stagnation de l'apport de la demande touristique depuis le début de l'exercice. L'enquête de conjoncture de Bank Al-Maghrib elle, est plus optimiste ! Réalisée auprès des industriels, elle est à la faveur d'une poursuite de redressement de l'activité du secteur au cours du premier trimestre 2014 avec 52% des industriels qualifiant le climat général des affaires de moyen et 30% de bon. Au titre du deuxième trimestre, ces mêmes industriels prévoient une amélioration de leurs activités, avec 60% des anticipations pour un climat des affaires moyen et 28% pour un climat bon. Le taux de chômage au-dessus de la barre symbolique des 10% Mais s'il y a un indicateur des plus révélateurs de la santé de notre économie, c'est bien celui du taux de chômage. Et malheureusement, pour ce début d'année, ce taux a franchi la barre symbolique des 10%. Entre le premier trimestre de l'année 2013 et la même période de 2014, le nombre de chômeurs au Maroc a augmenté de 114.000 personnes, dont 74.000 en milieu urbain et 40.000 en milieu rural, atteignant 1.191.000 personnes. Le taux de chômage est ainsi passé de 9,4% à 10,2%, enregistrant un accroissement de 0,8 point, selon le Haut Commissariat au Plan. Les ménages à l'expectative Tous ces éléments ne sont pas sans incidences sur les ménages. Par le biais de l'indice de confiance des ménages (ICM), on peut mesurer la perception qu'ont les ménages marocains de tous ces éléments précités. Au cours du premier trimestre de 2014, l'ICM montre que les perceptions des ménages relatives à l'évolution future du niveau de vie se sont dégradées. Le solde synthétisant cet indicateur enregistre, en effet, une baisse de 3,5 points par rapport au trimestre précédent et de 6,3 points par rapport à la même période de 2013. Près de 54% des ménages marocains considèrent, au premier trimestre de 2014, que le moment n'est pas opportun pour faire des achats de biens durables, alors que 22,3% pensent le contraire. Avec -31,3 points, le solde relatif à cet indicateur enregistre une légère amélioration par rapport au trimestre précédent (+0,5 point) et une détérioration par rapport au même trimestre de l'année précédente (-3 points). Seuls 5,8% des ménages affirment pouvoir épargner une partie de leur revenu. Le solde de l'indicateur relatif à la situation financière actuelle des ménages s'établit ainsi à un niveau négatif de -31,3 points, en détérioration aussi bien par rapport au trimestre précédent (- 1,8 point) qu'au même trimestre de 2013 (-1,5 point). Quant à l'évolution passée de leur situation financière personnelle, les opinions des ménages, au premier trimestre de 2014, se sont améliorées de 0,6 point par rapport à un trimestre auparavant, mais se sont détériorées de 1,7 point par rapport à la même période de 2013. La même tendance est observée pour les perceptions des ménages sur l'évolution future de leur situation financière personnelle, le solde correspondant ayant enregistré une hausse de 2,9 points par rapport au trimestre précédent et une baisse de 3,3 points comparativement au premier trimestre de 2013. Tout ce qui précède laisse plus ou moins présager que les pronostics n'augurent rien de bon en 2014. Et malgré une situation qui laisse fort à désirer, nos responsables se targuent des réformettes réalisées. Il s'agit bel et bien de réformettes parce que les réformes de fond ne sont pas encore entamées. Afin de donner plus de tonus à nos hypothèses, nous avons posé les mêmes questions à deux éminents économistes, Larabi Jaïdi et Najib Akesbi : bien que chacun ait sa propre analyse, ils sont tous les deux unanimes quant à l'immobilisme politique qui prend en otage notre économie. Dossier réalisé Par Soubha Es-Siari & Imane Bouhrara