Le gouvernement Benkirane est encore loin des objectifs fixés en matière de réduction du taux de chômage. La mesure gouvernementale relative à la hausse du Smig est considérée par les syndicats d'illogique, d'inhumaine et d'inconstitutionnelle. L'Exécutif est appelé à accélérer le rythme des négociations avec les partenaires sociaux, sous peine de provoquer une grève générale. Réduire le taux de chômage, créer de nouveaux emplois, renforcer la forma-tion pour adapter la demande à l'offre... telles sont les promesses électorales que chaque gouvernement promet de concrétiser au cours de son mandat. Le gouvernement d'Abdelillah Benkirane n'a pas dérogé à la règle en se fixant comme objectif de ramener le taux de chômage à 8% à l'horizon 2016 par la création de 130.000 emplois/an durant les 5 prochaines années. Or, jusqu'à présent, l'Exécutif est loin du compte. En témoignent les derniers chiffres du HCP. En effet, la dernière note d'in-formation sur la situation du marché du travail au premier trimestre de 2014 révèle une hausse du taux de chômage de 0,8%, passant de 9,2% à fin 2013 à 10,2%. Visiblement, avec cette hausse qui est le solde entre les nouveaux postes créés et ceux perdus, les choses se compliquent davantage pour le gouvernement qui ne sait plus à quel saint se vouer. Une paix sociale menacée Le Maroc a durant cette décennie entrepris plusieurs réformes structurelles dans divers secteurs, y compris dans le domaine de l'emploi et du dialogue social. Parmi les réalisations-phares, celle du Code du travail en 2004 ainsi que l'assurance mala-die obligatoire (AMO), en plus des augmentations de salaires et l'amélioration d'un certain nombre d'indemnités. Or voilà que le train du changement et de l'amélioration des condi-tions de travail s'est arrêté en cours de route. A l'enthousiasme des Marocains qui prévoyaient avec l'arrivée du PJD au pou-voir une accélération sans précédent des réformes, c'est plutôt un regain de pessi-misme qui s'est installé. Le climat social est désormais électrique à cause du gel des salaires ainsi que du blocage des négociations et du dia-logue social qui dure depuis plus de deux ans. Les syndi-calistes parlent même d'une coupure sans précédent du dialogue social avec le gou-vernement, qualifiant les deux dernières années des pires de cette décennie. Miloud Moukharik, secrétaire général de l'Union marocaine du travail (UMT), estime que l'actuel Exécutif a balayé du revers de la main les avancées sociales enregistrées durant les dix dernières années. L'union fait la force De l'avis des syndicats, aucune mesure palpable n'a été prise pour améliorer les conditions de travail et de vie des sala-riés. On constate plutôt une dégradation des conditions, notamment avec la dimunu-tion du pouvoir d'achat causée par les différentes augmenta-tions des prix de produits de base, ainsi que l'instauration d'un nouvel impôt à la classe moyenne. Il a fallu que les syndicats (UMT, CDT et FDT) s'unissent et organisent une grande marche le 6 avril pour bous-culer le gouvernement. Avec ces deux actions qui ont servi d'électrochoc, le mouvement syndical a poussé les pouvoirs publics à réagir. Résultat, la reprise des négo-ciations et l'annonce d'une mesurette, comme l'a quali-fiée Miloud Moukharik, relative à l'augmentation du Smig. En effet, il a été décidé de hausser le salaire minimum de 10% en le fixant à 3.000 DH dans la fonction publique et à moins de 2.500 DH dans le privé. Une hausse qui sera opérée en deux tranches : 5% dès le 5 juillet 2014 et 5% le 5 juillet 2015. Le secrétaire général de l'UMT estime que cette décision uni-latérale, qui ne satisfait pas les attentes minimales de la classe ouvrière et des salariés en général, est illogique et inhumaine. L'écart entre le Smig public et privé est injus-tifié et il est même inconsti-tutionnel. D'autant plus que «le Smig actuel ne permet à un salarié de survivre que pendant 8 jours et avec le minimum de besoins, d'après une étude réalisée par l'UMT», précise le patron de l'UMT. Cette décision prise la veille de la Fête du travail est consi-dérée par certains comme étant une miette jetée aux travailleurs(es) pour calmer les esprits chauffés. D'autres, en revanche, en l'occurrence la CGEM, l'ont qualifiée de décision politique au goût amer pour les entre-prises marocaines, mettant ainsi en péril leur compétiti-vité. Il faut cependant reconnaître que cette décision a le mérite de mettre en accord syndicats et patronat, même si les motifs divergent. Ceci dit, les syndi-cats ne comptent pas baisser les bras et menacent même d'utiliser leur seule arme, à savoir la grève générale au cas où le gouvernement sous estimerait leurs doléances et revendications. D'ailleurs, le front syndical est revenu à la charge le 10 mai, juste après le départ de Christine Lagarde, DG du FMI. Cette dernière a d'ailleurs insisté, lors de sa visite, sur l'importance du volet social. Les syndicats sont aussitôt montés au créneau pour exi-ger de l'Exécutif la reprise immédiate des négociations pour la concrétisation des revendications et la protection des libertés syndicales. Une liberté qu'ils estiment bafouée ces derniers temps, malgré le cadre réglementaire. Une autre paire de manche.