La charte de la majorité est un document «solennel» concocté par les quatre partis du gouvernement qui sera signé jeudi 10 avril. Il stipule un règlement intergouvernemental et se décline comme un «vade mecum» et un code de conduite entre les quatre forces qui se partagent la gestion des affaires. Dans quelle mesure ce document consensuel fera-t-il éviter des dissensions qui sont de l'ordre de fond ? Cela fait maintenant des semaines que le projet de charte de la majorité a été mis sur la table des discussions entre le PJD, le RNI, le MP et le PPS. Il a été adopté par les quatre partis de la coalition gouvernementale le 20 mars dernier et célébré comme un événement survenu à un moment où le Maroc, entre ouverture de la session parlementaire du printemps, et présentation par le Chef du gouvernement du plan d'action - qui s'apparente à une déclaration générale - cède à l'exigence de cohérence. Cette présentation qui adoptera un caractère solennel et festif à la fois, aura lieu le 10 avril prochain. Outre les dirigeants des quatre partis au pouvoir, leurs secrétaires généraux ou membres des bureaux politiques et même leurs groupes parlementaires assisteront à cette sorte de concordat médiatique. Qu'elle coïncide avec l'ouverture de la session parlementaire du printemps donne à cette cérémonie des atours d'union proclamée, non sans susciter des commentaires critiques et même goguenards de la part de beaucoup. Cinq mois après l'arrivée sur la scène gouvernementale du RNI, sur laquelle tout a été dit, mais rien n'est dit au fond, il est devenu impératif pour le Chef de gouvernement et le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, leaders des deux premières formations en tête, d'expliquer à leurs bases respectives et à l'opinion publique les tenants et aboutissants d'un rapprochement - commandé par les circonstances - qui a sauvé la mise, suite à la fracture créée par le départ du Parti de l'Istiqlal. Autant dire que la participation du RNI au gouvernement d'Abdelilah Benkirane, après avoir suscité un vif débat au sein du PJD, notamment sur le dispatching des postes de l'Economie, des Finances et du Budget, entre autres, n'était pas chose aisée. D'autant plus que les dirigeants du RNI posaient d'irréductibles conditions à leur participation dont justement la mise en œuvre d'une charte de gouvernement. Cette charte qui a fait l'objet de discussions infinies, d'une navette de modifications et d'ajustements, enfin d'une finalisation au niveau des principes, se veut une manière d'entente, un corpus de quelques pages qui a été rendu public. Les responsables du RNI ont exigé dès le lancement des négociations avec le PJD que leur poids dans le balancier et leur rôle sur l'échiquier du gouvernement soient pris en considération, à la fois en termes de nombre de postes et de partage du pouvoir, disons de responsabilité. C'est si vrai que, on l'a bien constaté, les négociations pour parvenir à un consensus ont duré plusieurs semaines et que le Chef de gouvernement, soucieux de ne pas perdre sa crédibilité vis-à-vis de l'opinion, a fini par céder aux pressions du RNI. Et ces pressions, dira-t-on, comment s'expriment-elles ou qu'expriment-elles au juste ? En fait, du temps de la première expérience du PJD, notamment avec l'Istiqlal, il n'y avait aucune exigence, quelle que fût sa nature, formulée ou même prononcée du bout des lèvres par les partenaires de la 1ère coalition ! Et de fait, l'emprise et une certaine prévalence du parti islamique étaient d'autant plus exercées sur les autres formations que certains, ils étaient légion, en concevaient de l'aigreur. La charte de la majorité est venue rectifier le tir et redorer le blason des partis, soucieux d'instaurer un nécessaire équilibre entre les partis de la cohabitation et surtout d'éviter que l'un d'entre eux puisse être tenté de «tirer à lui la couverture» ! Prosaïque, la formule recouvre, en effet, un autre sens : en fait, il s'agit pour chaque parti d'assumer jusqu'au bout la mission qui lui est dévolue dans le cadre de la formation du gouvernement, déclinée en pôles ! Il s'agit surtout de mettre un terme aux tentations d'interférer du PJD qui avaient marqué le premier gouvernement Benkirane et donné lieu à de terribles cafouillages. La charte, enfin, c'est la reconnaissance «sui generis» des attributions et compétences de chaque parti dans le cadre du partage implicite et induit par le dernier remaniement. L'esprit de la charte obéit à une plateforme de règles auxquelles se soumettent les partis, à savoir une meilleure coordination, des réunions périodiques, l'implication des groupes parlementaires - ce qui est une nouveauté -, un timing de concertation respecté et l'obligation de communiquer entre les quatre composantes. Le ministre du Tourisme, Lahcen Haddad, membre du bureau politique du Mouvement populaire, exprime sa grande satisfaction et estime que «l'adoption de la charte de la majorité constitue un nouveau départ pour celle-ci». Peut-on considérer que la signature de la charte, jeudi 10 avril, un jour avant l'ouverture de la session parlementaire, renforcera la cohésion de la majorité en ses différentes instances, gouvernementales, parlementaires et institutionnelles ? On sera fixé dès lors que le candidat soutenu par cette même majorité au poste de président de la Chambre des représentants, en l'occurrence Rachid Talbi Alami, sera élu...Mais aussi, au lendemain de la marche de protestation annoncée pour le mardi 8 avril par les centrales syndicales, UMT, CDT et FDT...