Cette nouvelle politique ne peut aboutir sans une batterie de lois, notamment sur la traite, l'asile et l'immigration, actuellement en préparation selon les autorités en charge de cette épineuse question. Encore moins sans les moyens financiers afin d'assurer une meilleure intégration des immigrés en leur donnant accès à tout droit auquel peut prétendre un Marocain. Néanmoins, il y a l'ambition pour ce faire ! Depuis quelques années, les autorités marocaines s'étaient rendues à l'évidence que le Maroc n'est plus un pays de transition migratoire mais de résidence pour immigrés venus d'Afrique et d'ailleurs de manière légale ou illégale. Cette réalité a été accentuée par la difficulté de traverser vers la rive nord de la Méditerranée via le détroit de Gibraltar, le Maroc étant séparé uniquement de 14 km de son voisin l'Espagne. Et pour que cette réalité soit assimilée et qu'une politique réelle soit mise en place pour prendre en charge ces flux migratoires qui finissent par se sédentariser dans ce carrefour qu'est le Maroc, il faut attendre le discours royal du 6 novembre 2013, prononcé à l'occasion du 38ème anniversaire de la Marche Verte. Dans ce discours, le Souverain souligne que «Face à l'accroissement sensible du nombre des immigrés venus d'Afrique ou d'Europe, Nous avons invité le gouvernement à élaborer une nouvelle politique globale relative aux questions d'immigration et d'asile, suivant une approche humanitaire conforme aux engagements internationaux de notre pays et respectueuse des droits des immigrés». Deux mois plus tard, le pays lançait une grande opération de régularisation des immigrés vivant au Maroc, bien évidemment remplissant un certain nombre de conditions, qui n'incluent pas forcément les réfugiés ou les demandeurs d'asile. Cette opération qui s'étale sur une année, est la plus longue des histoires de régularisation dans le monde, se targue Anis Birou, le ministre chargé des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migration. Invité à la 17ème édition du «Carrefour des Idées», organisée par la Fondation diplomatique à Rabat, le ministre a défendu bec et ongles la nouvelle politique migratoire du Maroc. Tout en défiant quiconque qui dirait que les immigrés en situation irrégulière issus de l'Europe jouissent d'une souplesse quant au traitement de leurs demandes, au détriment des immigrés d'origine africaine ou asiatique. Interpellé sur cette question, le ministre a tenu à rappeler devant une cinquantaine d'ambassadeurs et de diplomates venus débattre de la question, que les conditions sont les mêmes pour tout immigré en situation irrégulière quelle que soit sa nationalité et qu'il n'y a aucun traitement préférentiel, ou de faveur contrairement à la question qui lui a été posée lors de ce débat. Le ministre estime que cette politique permettra aux bénéficiaires de jouir de tous les droits et obligations ... Encore faut-il avoir les moyens financiers nécessaires que le Maroc doit mettre en place pour une meilleure intégration des immigrés dans la société marocaine. Aussi, le ministre a-t-il esquivé la question d'un représentant qui se demandait quel sort serait réservé aux immigrés en situation irrégulière dont la demande serait rejetée ? Arguant, histoire d'écarter le spectre de l'expulsion, que le cadre règlementaire doit être bien bouclé. En attendant le projet de loi sur la traite, celui sur l'asile et celui de l'immigration, la question demeure légitimement posée. Quoique si l'on croit l'affluence des bureaux ouverts dans le cadre de cette grande opération, la question n'a certainement pas inquiété. Toujours est-il que sur les 10.000 demandes en à peine deux mois d'activité de ces bureaux, seules 500 cartes ont été octroyées! Mais patience, l'opération se poursuit jusqu'au 31 décembre et le pays compterait quelque 40.000 immigrés illégaux. Encore faut-il que tous les ingrédients soient réunis, notamment le cadre réglementaire à compléter, pour que nos hôtes puissent jouir pleinement de leurs droits les plus élémentaires et surtout préserver les droits humains de ces autres immigrés qui ne peuvent malheureusement demeurer sur le territoire national. I. Bouhrara MRE et réadmission : Une autre paire de manche Le ministre a été interrogé par l'ambassadeur d'Autriche concernant la lenteur, selon les propos dudit ambassadeur, du traitement des demandes des autorités européennes pour reprendre des Marocains arrivés sur le sol européen de manière illégale. Il s'agit en effet de la question de réadmission mais juste des ressortissants marocains. Anis Birou raconte alors une anecdote qui s'était produite lors de son séjour en 1999 en Italie, dans le cadre d'une délégation marocaine, et qui avait coïncidé avec l'arrivée d'une embarcation de clandestins sur lîle de Lampedusa. Faisant partie de la même délégation officielle, le maire de Fès de l'époque est prié de se rendre sur l'île afin de voir de plus près cette histoire. Une fois sur place, il discute avec les clandestins qui prétendent être Marocains mais qui finalement ne connaissent rien au Maroc, confondus par les questions du Maire sur leur lieu de naissance, d'habitation etc. Pour Anis Birou, le pays est prêt à réadmettre ses ressortissants pourvu qu'on prouve qu'ils sont Marocains. Et l'Ambassadeur de l'Autriche de répliquer, que certains clandestins sont arrêtés avec leurs papiers marocains ou autre documents l'attestant et pourtant, la partie marocaine ne réagit pas aux requêtes des autorités européennes. Remarque suite à laquelle le ministre a semblé avoir perdu son latin.