Pour certains observateurs, les récentes circulaires de l'Office des changes sonnent le glas d'une plus large convertibilité de la monnaie nationale, le Dirham. En revanche, certains monétaristes estiment que ces mesures auront un faible impact sur la convertibilité. De plus, la réalité économique du pays concorderait toujours avec un contrôle des changes. Le train de mesures prises dans la Loi de Finances 2014 et leur mise en application via les récentes circulaires de l'Office des changes transcendent la sphère de la politique de change du pays, eu égard à leurs profondes implications macroéconomiques. A noter que la circulaire 3/2014 de l'Office des Changes autorise les citoyens marocains, les étrangers et même les sociétés non exportatrices à détenir désormais un compte en devises dans l'optique de faciliter l'utilisation des dotations annuelles pour effectuer des voyages (touristiques et professionnels) à l'étranger. A travers cette mesure, d'aucuns peuvent y voir une plus large convertibilité du Dirham, mais cette vision est à tempérer. A en croire Mohammed Akaaboune, professeur en politique monétaire, il s'agirait simplement d'un «changement de support de la dotation annuelle en devises». Celui-ci estime le coût d'opportunité de cette mesure faible pour les Marocains, qui devront en plus s'acquitter des frais de tenue de compte (voir entretien). Pour l'heure, il est prématuré de parler d'une plus large convertibilité au Maroc. Et pour cause, la convertibilité du compte financier reste toujours impossible pour les citoyens marocains (interdiction de détenir des biens à l'étranger ou d'échanger des devises pour des opérations d'investissement hors du pays). En revanche, la question qui se pose est de savoir pourquoi les autorités monétaires entendent toujours avoir une emprise sur la convertibilité du billet de banque. Justification du contrôle des changes Le pays est cité en exemple au niveau régional en matière de développement économique. Pour autant, certains de ses indicateurs présentent des vulnérabilités (réserves de devises, position extérieure globale, balance commerciale, etc.) et inhibent, par conséquent, l'accélération vers la convertibilité qui permettrait aux citoyens d'échanger librement le Dirham contre des devises. L'actuelle politique de change ayant pour socle une libéralisation progressive (en raison, entre autres, de la rareté des devises) s'emploie, grâce à la stratégie de contrôle, à lutter contre la fuite des capitaux et encourager le rapatriement de ces derniers. D'où le sens de la circulaire 1/2014 instituant la contribution libératoire au titre des avoirs et liquidités détenus à l'étranger. Cette mesure a pour but, à terme, de constituer un levier pour mobiliser plus d'épargne afin de booster les investissements, tout en contribuant à remettre à flots le cash des banques qui pâtissent de l'érosion de leur liquidité. Cela dit, certains monétaristes s'interrogent sur la prédictibilité du réel impact de la circulaire 1/2014 sur l'épargne et l'investissement à long terme et, surtout, de l'usage des sommes rapatriées en raison des mesures jugées plus incitatives que coercitives. L'autre argument militant en faveur de l'inconvertibilité au Maroc est le coût de la convertibilité et les risques qu'elle engendrerait sur l'économie nationale. Il convient de citer, entre autres, la sortie massive des capitaux et l'écueil d'échanger massivement le Dirham contre les devises, ce qui conduirait à la chute de la valeur de la monnaie nationale. Cela dit, les restrictions à la convertibilité au Maroc ont par ailleurs créé un marché parallèle. La fuite des capitaux a été estimée à 4 Mds de dollars en 2005 et à 2 Mds de dollars en 2012. Du reste, une plus large convertibilité du Dirham permettrait de réduire le problème du rationnement des devises et, surtout, d'assurer plus de rapidité des transactions à l'étranger. Mais cela suppose aussi des prérequis cardinaux, à savoir une puissance nationale, un système monétaire stable et une convertibilité des opérations en capital que le pays, eu égard à ses objectifs économiques immédiats, n'érigent guère en priorité actuellement. A présent, les différentes mesures prises jusque-là penchent incontestablement vers une convertibilité graduelle ayant pour ligne de mire la sauvegarde des réserves de devises estimées à 150 Mds de DH seulement en 2013 (4 mois et 7 jours d'importations). Au final, les deux circulaires citées précédemment restent globalement bien accueillies au sein de l'opinion publique, mais ne sont pas pour autant révolutionnaires par rapport à la politique de contrôle des changes poursuivie.