La première vocation de la fiscalité est de doter l'Etat et les collectivités locales de ressources financières leur permettant de financer les besoins croissants de la collectivité. A cette raison d'être fondamentale, s'ajoute la grande propension de l'outil fiscal à promouvoir un secteur ou un produit et encourager ou décourager des pratiques bien déterminées. D'où la célèbre formule de «bâton ou carotte fiscale». Le rôle de la fiscalité permet de mieux cerner la posture du nouveau gouvernement Aziz Akhannouch. Au regard de certaines dispositions du PLF 2022, la nouvelle équipe gouvernementale a fait le choix d'utiliser le levier fiscal afin de pousser les Marocains à rationaliser leur consommation d'énergie. Il importe également de garder à l'esprit que l'élaboration du PLF 2022 intervient dans le cadre de la mise en œuvre de la loi-cadre n° 69-19 portant réforme fiscale. Cette dernière ne manque pas de mettre en relief le rôle de la fiscalité dans le financement de la transition écologique et du développement durable du Royaume. Des mesures inédites En matière de fiscalité verte, il est clair que le gouvernement Akhannouch, installé récemment, a fait preuve d'ingéniosité. Ce que l'on ne peut pas dire des gouvernements dirigés par le PJD, même si c'est sous l'ère du parti de la lampe que le Maroc a instauré l'exonération du paiement de la vignette automobile pour les véhicules électriques et hydriques. Et ce, avec l'objectif de promouvoir la mobilité durable, en phase avec la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi, le gouvernement Akhannouch n'a pas fait dans la dentelle. Bien au contraire, car le PLF 2022 prévoit, entre autres, l'augmentation du droit d'importation de 2,5% à 40% appliqué aux tubes et lampes à incandescence énergivores. A travers cette mesure de nature à renchérir les prix des produits précités, l'Exécutif compte promouvoir l'efficacité énergétique ainsi que les ampoules à basse consommation. Le PLF 2022 suggère également la création d'une taxe intérieure de consommation (TIC verte) sur les produits de grande consommation et équipements énergivores. Outre les velléités financières, l'objectif derrière cette nouvelle mesure fiscale est de pénaliser l'achat des climatiseurs, réfrigérateurs, congélateurs et lampes à incandescence énergivores. Ceci dit, l'Etat doit veiller à ce que les produits moins consommateurs d'énergie soient accessibles et à la portée de la majorité des ménages marocains. Il est de bon augure de constater que le produit de la TIC verte servira à financer un puissant levier d'inclusion social. Il s'agit du Fonds d'appui à la protection sociale et à la cohésion sociale, deux gros chantiers du Royaume. Dans le même ordre d'idées, il y a lieu de mentionner la consécration par le PLF 2022 du principe de neutralité de la TVA sur les opérations de vente portant sur les panneaux photovoltaïques et chauffe-eaux solaires. Concrètement, il est prévu pour l'année prochaine l'application du taux réduit de 10% (contre 20%) aux panneaux photovoltaïques et aux chauffe-eaux solaires à l'intérieur (marché domestique) et à l'importation. Ce qui contribuera à baisser les prix de ces équipements peu consommateurs d'énergie. Mieux encore, le PLF 2022 instaure l'exonération à l'intérieur et à l'importation des produits et matières entrant dans la fabrication des panneaux photovoltaïques acquis localement ou même importés par les fabricants desdits panneaux. Au-delà de la pertinence de ces différentes mesures fiscales, le gouvernement doit veiller à l'évaluation de l'impact de celles-ci. Ce qui permettra d'apporter des correctifs si nécessaires. Là où le bât blesse L'une des dispositions qui prête le flanc aux critiques est la mise en place de la TIC écologique portant sur le recyclage de certains produits et équipements électroniques (téléviseurs, téléphones portables, ordinateurs et batteries pour les véhicules). Cette proposition pour le moins étonnante est faite à l'heure où le taux de recyclage des déchets ménagers reste particulièrement faible au Maroc (moins de 10%). Cette donne conforte quelque part l'idée qu'il serait beaucoup plus opportun de mettre en place une carotte fiscale plutôt qu'une taxe, susceptible de dissuader des acteurs intéressés par le secteur. Le nouveau gouvernement argue que cette taxe, inspirée des pratiques internationales, qui concerne les produits pouvant présenter un risque de pollution au terme de leur cycle d'utilisation, devrait servir à assurer une meilleure gestion des déchets des équipements électriques et électroniques.