Interpellé sur les propositions de la Commission sur le nouveau modèle de développement en matière de politique monétaire, Abdellatif Jouahri a rappelé les fondamentaux de l'action de l'institution qu'il dirige. Par A. Hlimi
Recherchez l'expression «Politique monétaire» dans le rapport général de la Commission sur le nouveau modèle de développement et vous tomberez sur un paragraphe, un seul, qui interpelle la stratégie de la Banque centrale en la matière ! On y propose notamment l'adaptation des règles macro-prudentielles aux besoins de financement de l'économie nationale et une conduite de la politique monétaire qui concilie de manière plus équilibrée les objectifs de croissance et d'inflation dans le cadre d'un mandat dual. Comprenez par-là que Bank Al-Maghrib devrait moins se focaliser sur l'inflation, qui devient structurellement maîtrisée, et lier plutôt sa politique à d'autres indicateurs macroéconomiques, à l'image d'autres Banques centrales, comme la Réserve fédérale américaine (FED) qui, officiellement, a mis l'emploi au cœur de sa politique l'été dernier, ou encore la BOJ japonaise qui essaye d'agir sur la croissance depuis des années déjà. Le commentaire du wali était donc très attendu à ce sujet, l'occasion pour lui de rappeler les fondamentaux de son mandat. Abdellatif Jouahri a renvoyé les journalistes à l'article 6 des statuts de Bank Al-Maghrib, qui indiquent que l'objectif principal de la Banque centrale est la stabilité des prix. La formulation est importante, puisque le terme utilisé est «principal» et non «unique», ce qui laisse de la latitude à Bank Al-Maghrib pour agir en dehors de ce cadre. Le même article précise que la Banque centrale accomplit sa mission dans le cadre de la politique économique et financière du gouvernement, sans préjudice à l'objectif de stabilité des prix. Dit autrement, tant que l'objectif de stabilité des prix est atteint, la Banque centrale peut entreprendre d'autres actions en faveur de l'économie. Les réserves de change seront dopées par une allocation de DTS du FMI de 11 Mds de dollars Les avoirs officiels de réserve (AOR) devraient atteindre 328,5 milliards de dirhams à fin 2021 et 338,6 Mds de DH à fin 2022. «Tenant compte notamment des tirages extérieurs du Trésor, ainsi que de l'allocation de DTS (droits de tirages spéciaux) prévue par le FMI, les AOR de Bank Al-Maghrib avoisineraient 328,5 Mds de DH à fin 2021 et 338,6 Mds de DH à fin 2022, soit l'équivalent de plus de 7 mois d'importations de biens et services», a fait savoir Jouahri. Le wali a précisé que ces allocations DTS, dont le montant atteint 11 Mds de dollars, «sont reprises au niveau des avoirs extérieurs de BAM et sont également comptabilisés en engagements à long terme, permettent à la Banque centrale de renforcer ses réserves, les arbitrer contre des devises, outre les utiliser pour financer ses dépenses». Cette émission de DTS a été proposée par le staff du FMI à son Conseil d'administration. Elle porte sur 650 Mds de dollars et concerne l'ensemble des pays membres, et ce pour faire face aux problèmes de liquidités qui peuvent survenir les 5 années à venir. La quote-part du Maroc est de 0,19% de ce montant, soit 10,8 Mds de dollars. Le wali a indiqué que le Maroc va tirer sa quote-part. Plusieurs expériences à l'actif de BAM En 2014 déjà, Bank Al-Maghrib a introduit un dispositif de refinancement auprès des banques, destiné à soutenir les TPME exerçant dans le secteur de l'industrie ou dont au moins 40% du chiffre d'affaires sont réalisés à l'export. Une manière de soutenir un secteur qui peinait à convaincre les banques. Cette action, qui n'a pas pour but la stabilité des prix, a permis à des milliers d'entreprises d'accéder aux crédits. D'ailleurs, à ce jour, les banques ont fait de ce dispositif un vrai relais de communication et de croissance. Une autre initiative en faveur de l'économie, beaucoup plus récente cette fois-ci, est en lien avec le dispositif massif de financement lancé il y a un an au démarrage de la crise sanitaire. Bank Al-Maghrib a ouvert les vannes du crédit et réduit ses conditions de refinancement pour permettre aux banques de continuer à irriguer l'économie, malgré le pic de craintes. Là aussi, cette action, qui continue de donner ses fruits, n'avait pas pour but la stabilité des prix. Abdellatif Jouahri invite tout de même à l'ouverture du débat sur le sujet de la modification du cadre de son intervention avec les membres de la Commission et tout autre acteur concerné. Il a expliqué que la réorientation de la stratégie de la Banque centrale est tout à fait envisageable, à condition de ne pas tomber dans l'excès. «Il ne faut pas me demander de laisser filer l'inflation ou le déficit», a résumé le wali, des éléments dont la maîtrise a fait la crédibilité de la Banque centrale que l'on connaît aujourd'hui.