Elle vise à allonger les délais pour permettre aux expropriés d'examiner le dossier. Le texte impose à l'Etat ou la collectivité d'exproprier la totalité du bien immobilier lorsque la partie restante est inexploitable.
Par C. Jaidani
Pour mener à bien ses différentes missions au niveau de la réalisation des infrastructures de base (routes, écoles, hôpitaux, barrages…), l'Etat et les collectivités territoriales ont le droit de procéder à des expropriations de terrains pour utilité publique. En principe, l'opération se fait en concertation avec les propriétaires, selon certaines conditions bien précises et conformément aux lois et à la réglementation en vigueur. Mais, dans la réalité, les offres proposées sont le plus souvent rejetées par les propriétaires du fait qu'elles ne correspondent pas à la valeur du bien. Parfois, l'expropriation ne touche qu'une partie du bien; l'autre partie devient inexploitable. C'est dans ce cadre qu'une proposition de loi a été déposée dernièrement par l'USFP à la Chambre des représentants. Le texte veut modifier les articles 6, 10 et 23 de la loi 7.81 relative à l'expropriation pour utilité publique et occupation temporaire. La nouvelle mouture revoit également à la hausse le délai légal permettant aux expropriés de s'enquérir de la décision administrative. Actuellement, ce délai est de deux mois à partir de sa publication au Bulletin officiel. «Ce délai est insuffisant pour assurer aux propriétaires leur plein droit. Il est utile de le revoir à la hausse dans la mesure où il ne présente aucun risque pour l'administration ou la collectivité expropriatrice», souligne Chokrane Amam, président du groupe parlementaire de l'USFP à la Chambre des représentants. A noter que cette proposition de réforme de la loi fait suite à plusieurs manifestations, protestations et sit-in de citoyens contestant la valeur et la procédure de l'expropriation. Il faut rappeler aussi que ce sujet a été évoqué par le Roi lors de son discours à l'occasion de l'ouverture du Parlement en 2016. Le Souverain avait affirmé que «de nombreux citoyens se plaignent des affaires d'expropriation, soit parce que l'Etat ne les a pas indemnisés pour leurs biens, soit parce que l'opération d'indemnisation traîne pendant de longues années au préjudice de leurs intérêts ou parce que le montant de l'indemnisation est en deçà des ventes en vigueur et bien d'autres raisons encore». La nouvelle proposition de loi veut donner plus de garantie et de temps pour les expropriés afin qu'ils examinent le dossier et, éventuellement, se préparent aux circonstances de l'opération. «Le plus souvent, ce sont des logements ou des terrains agricoles qui sont expropriés et qui se trouvent dans l'indivision. Le montant que reçoivent les personnes concernées ne leur permet pas d'acquérir chacune son propre bien immobilier. Elles sont contraintes d'opter pour l'exode rural, avec tout ce que cela entraîne comme problématiques socioéconomiques», souligne Nabil Haddaji, avocat au barreau de Casablanca. Et d'ajouter qu'«une bonne partie des affaires soumises aux tribunaux administratifs concerne l'expropriation. Même après un bon procès qui peut durer au minimum trois ans entre le tribunal de première instance et l'appel, avec tout ce que cela nécessite comme expertise et contre-expertise, les jugements prononcés fixent des valeurs d'indemnisation nettement en deçà du marché».
Revoir le système d'indemnisation Les expropriés sont indemnisés selon une procédure bien déterminée. C'est une commission regroupant les représentants de plusieurs départements ou administrations (Finances, Intérieur, Habous, Equipement, Eaux et forêts…) qui détermine le montant à percevoir. Ce système hérité du protectorat a montré actuellement ses limites. Les prix sont foxés sur la base de la moyenne des transactions effectuées lors des dernières années. Le plus souvent, ces prix sont nettement en déphasage avec ce qui se pratique réellement à cause de l'existence de fausses déclarations fiscales. Le problème, c'est que les prix sont uniformes et standard et ne font aucune distinction par rapport aux spécificités de chaque terrain (fertilité du sol, proximité des voies de communication, du réseau de l'eau et de l'électricité…)