La Banque centrale s'attend à une année 2021 meilleure que prévue en termes de croissance. Pour les exercices à venir, les finances publiques resteront sous pression, avec des niveaux de déficit et d'endettement élevés.
Par Y. Seddik
Sans surprise, Bank Al-Maghrib a observé une pause dans sa politique monétaire pour ce premier Conseil de l'année 2021, avec un taux directeur maintenu à 1,5%. Un statu quo qui intervient après une année où la Banque centrale a déployé un arsenal de mesures permettant de maintenir l'économie à flot. Des mesures qui avaient été saluées et qui ont pris le temps de se répercuter sur la sphère réelle, et particulièrement sur les coûts de financement. En effet, sur l'ensemble de l'année 2020, les taux débiteurs ont baissé de 49 points de base en moyenne. Les TPME ont le plus profité de la situation, avec une baisse de 119 pbs des taux débiteurs appliqués par les banques. Cet élément a sans doute influé le choix monétaire du Conseil, qui a estimé «que l'orientation de la politique monétaire reste largement accommodante, assurant des conditions de financement adéquates». Reprise économique vs immunité collective En ce qui concerne la croissance, le déploiement du vaccin contre la Covid-19, le maintien prévu des mesures de soutien budgétaires et monétaires, les conditions climatiques favorables et les effets positifs escomptés de la mise en place du Fonds Mohammed VI pour l'investissement renforcent l'optimisme quant à une reprise plus vigoureuse de l'activité économique. La Banque centrale a d'ailleurs apporté des révisions aux hypothèses retenues dans le scénario de décembre dernier, en y rajoutant ces nouveaux paramètres. Résultat des courses : l'institution monétaire table désormais sur une croissance de 5,3% pour 2021, après une forte récession de 7% en 2020, la plus forte jamais enregistrée depuis le début de la compilation des comptes nationaux. Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, a estimé que la relance économique ne sera totale que lorsqu'on aura touché l'immunité collective. C'est-à-dire, lorsque nous aurons vacciné entre 70% et 80% de la population ou 20 millions de personnes. Pour lui, «le 5,3% de croissance annoncé est d'abord déterminé de façon essentielle par le niveau de la récolte et l'augmentation de la valeur ajoutée agricole, qui progresserait de 17,6%, sous l'hypothèse d'une production céréalière prévue autour de 95 MQx». Malgré la reprise économique qui se profile, les incertitudes ne se dissipent pas. Toujours lucide et pragmatique, le wali a prévenu qu'«un niveau exceptionnellement élevé d'incertitudes persiste, en lien notamment avec l'évolution de la situation et les capacités actuelles de production des vaccins ainsi que les délais de leur livraison». Les finances publiques sous pression Après s'être établi à 7,6% du PIB en 2020, le déficit budgétaire devrait revenir à 7,2% du PIB en 2021, au lieu de 6,5% prévu en décembre. Ces prévisions incorporent une légère progression des recettes fiscales, tenant compte des projections de BAM de la croissance économique plus optimistes que celles retenues en décembre. Du côté des dépenses, celles d'investissement et de compensation en particulier ont été revues à la hausse. Pour 2022, le déficit hors privatisation est estimé à 6,7% du PIB. La conséquence directe de l'aggravation du déficit budgétaire est évidemment l'endettement du Trésor. Depuis 2015, celui-ci se stabilisait autour de 65% du PIB. Selon les estimations de BAM, l'endettement du Trésor aurait augmenté à 77,4% du PIB en 2020, et devrait atteindre 79% en 2021, puis 81,3% en 2022. «D'un seul coup (entre 2019 et 2020 : ndlr), nous avons pris plus de 10 points sur l'endettement. Il y aura aggravation de la dette du Trésor jusqu'en 2022», a souligné le wali. Notons enfin que sa composante intérieure progresserait de 58,4% du PIB en 2020 à 58,5% en 2021, et se situerait à 60,2% en 2022. La dette extérieure du Trésor passerait de 19% du PIB en 2020 à 20,5% en 2021, puis à 21,1% en 2022. Pressions désinflationnistes en 2020 Le Conseil a également noté que sous l'effet des pressions désinflationnistes émanant de la demande, l'inflation est restée faible en 2020. Avec la reprise de l'activité et l'augmentation des cours internationaux du pétrole et de certains produits alimentaires, elle devrait s'inscrire en hausse, tout en demeurant à des niveaux modérés, passant à 0,9% en 2021, puis à 1,2% en 2022. Sa composante fondamentale connaîtrait une évolution similaire, s'établissant à 1,2% en 2021 après un taux de 0,5% en 2020, puis s'accélérant à 1,5% en 2022. Des prévisions qui devront rassurer les opérateurs, s'il le fallait, sur l'orientation des taux à court terme.