47 projets EnR ont été réalisés jusqu'à aujourd'hui avec un investissement global d'environ 52,2 milliards de dirhams. Le pays abrite, entre autres, une usine de pales éoliennes à Tanger, qui a nécessité un investissement de 100 millions d'euros, avec à la clef 750 emplois et trois sociétés d'assemblage de photovoltaïque à Tanger, Skhirate et Casablanca. La stratégie dédiée aux énergies renouvelables a donné ses fruits. Aujourd'hui, 3.950 MW sont déjà opérationnels en énergie solaire, éolienne et hydroélectrique. Tour d'horizon avec Aziz Rabbah, ministre de l'Energie, des Mines et de l'Environnement, qui livre les derniers développements relatifs au secteur des énergies renouvelables.
Propos recueillis par M. Diao
Finances News Hebdo : Quelle appréciation faites-vous de l'évolution de la dépendance énergétique du Maroc au cours des dernières années ? Aziz Rabbah : Le Maroc a décidé de manière très volontariste, d'aller dans la voie de la transition énergétique. Il a réussi en moins d'une décennie à développer un modèle énergétique basé sur les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et l'intégration régionale. En plus, la production des énergies propres, en particulier les énergies renouvelables et le gaz interviennent dans tous les secteurs économiques et sociaux. Le Maroc ambitionne également de développer un écosystème industriel autour des énergies renouvelables, notamment pour la fabrication des composants et des équipements des énergies renouvelables au niveau national. Dans ce sens, le Maroc a déjà réalisé : • L'usine de pales éoliennes à Tanger (100 millions d'euros et 750 emplois). • Trois sociétés d'assemblage de PV : Tanger (250 MW), Skhirate (30 extensible à 60 MW), Casablanca (15 MW)). Aujourd'hui, le Maroc avance avec sérénité dans sa transition énergétique, et ce par la forte impulsion donnée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Que Dieu L'Assiste, dans sa déclaration lors de la COP21 à Paris, pour porter la part des énergies renouvelables à plus de 52% dans la puissance installée à l'horizon 2030. Cette stratégie a donné ses fruits, et aujourd'hui, 3.950 MW sont déjà opérationnels en énergie solaire, éolienne et hydroélectrique. Il est à noter que le Maroc est engagé dans une transition énergétique, qui se traduit déjà par une marge de réserve électrique très satisfaisante et une réduction de la dépendance énergétique d'environ 98% en 2008 à 90,5% actuellement, en raison essentiellement de la montée en puissance des énergies renouvelables. Les avancées réalisées dans la transition énergétique marocaine sont l'aboutissement (i) d'une grande volonté politique, (ii) d'une stratégie énergétique claire, (iii) de projets attractifs, de réformes visant l'ouverture du marché des énergies renouvelables au privé et la mise en place de modèles de partenariats pertinents. Le Maroc accorde également une importance particulière à toutes les solutions énergétiques, notamment les nouvelles filières des énergies renouvelables, comme la biomasse, l'hydrogène vert et l'énergie marine, qui permettront de diversifier son mix énergétique, et de confirmer sa position de leader à l'échelle du continent et international.
F.N.H. : Justement, au cours de ces dernières années, le Maroc a déployé des efforts afin de se positionner sur le créneau de l'hydrogène vert. Quelles sont les attentes du pays en la matière et le volume des investissements à consentir pour faire du Royaume un acteur important dans ce domaine ? A. R. : Dans le cadre de l'accélération du renforcement des capacités du Royaume en matière de développement technologique du secteur des énergies renouvelables, et dans le but de faire du Maroc un des pays pionniers dans le domaine de la production des combustibles verts, afin d'aller de l'avant vers la mise en place de nouveaux partenariats énergétiques à forte valeur ajoutée, une Commission nationale d'hydrogène a été créée et une feuille de route de production de l'hydrogène et ses dérivés à base d'énergies renouvelables a été élaborée. Cette commission aura pour missions de diriger et assurer le suivi de la réalisation des études dans le domaine d'hydrogène, ainsi que d'examiner la mise en œuvre de la feuille de route de production de l'hydrogène et ses dérivés à base d'énergies renouvelables. Le Maroc est placé parmi les pays à plus fort potentiel pour la production et l'export de molécules vertes (ammoniac, méthanol, etc.). Selon les études faites à ce sujet, il pourrait capter jusqu'à 4% du marché mondial de l'hydrogène, soit près de 3 milliards de dollars si l'on considère le marché de 2018. L'hydrogène peut être produit à partir des énergies renouvelables. Une combinaison hybride d'énergie solaire et éolienne peut fournir un facteur de charge élevé pour le processus d'électrolyse, ce qui permet d'obtenir un coût compétitif de l'hydrogène vert. Le Maroc dispose de tous les atouts pour développer sa production de l'hydrogène vert. Les potentialités du Royaume ont été énumérées et exploitées en grand volume, depuis le lancement de la stratégie énergétique en 2009, qui est venue confirmer les ambitions du Maroc de renforcer son mix énergétique par l'exploitation des EnR pour atteindre plus de 52% à l'horizon 2030 et, par conséquent, à décarboner son économie à horizon 2050. Le Maroc a toutes les potentialités qu'il faut pour réussir ce pari. Son écosystème dispose d'une expertise reconnue et jouit d'une grande crédibilité au niveau des bailleurs de fonds et partenaires internationaux. Le potentiel en renouvelable dont dispose le Royaume le positionne dans la cour des grands pays susceptibles de développer la technologie hydrogène vert. Plusieurs facteurs entrent en jeu : • Au-delà du mix énergétique, la pertinence de sa stratégie de transition énergétique; • Sa proximité avec l'Europe fait du pays une destination appropriée pour développer cette industrie énergétique. La production de l'hydrogène vert ouvrirait au Maroc de grandes perspectives, notamment à l'export, et la production d'ammoniac pourrait jouer un rôle important dans cette ouverture à l'international. Combiné à l'azote, l'hydrogène permettra à long terme au Maroc d'économiser les 2 millions de tonnes d'ammoniac importées annuellement. Cette chaîne de valeur s'enrichirait davantage grâce au recyclage du carbone pour produire du méthanol synthétique, du kérosène synthétique ou encore du diesel synthétique, et autres. Parmi les actions engagées, on relève aussi la création de la plateforme nationale de recherche et développement, en l'occurrence le centre «Green H2A». Ce projet se veut une plateforme de test comprenant des pilotes de petites puissances d'électrolyses, d'ammoniac vert, du méthanol vert et de combustibles synthétiques. L'Agence marocaine pour l'énergie durable (Masen) ambitionne pour sa part de développer un projet de référence portant sur l'hybridation (éolien, solaire etc.).
F.N.H. : Le Maroc projette de porter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique à 52% en 2030. Selon vous, la crise liée au Coronavirus, toujours d'actualité, ne risque-t-elle pas de compromettre l'atteinte de cet objectif national ? A. R. : Le développement des énergies renouvelables représente un pilier de la stratégie énergétique nationale. Cette stratégie vise à porter la part des énergies renouvelables dans le mix électrique à plus de 52% à l'horizon 2030. Une capacité totale d'environ 3.950 mégawatts est déjà opérationnelle, représentant environ 37% de la capacité électrique réalisée. Cette capacité contribue à la satisfaction de la demande d'électricité d'environ 20%, ce qui a permis d'enregistrer une diminution du taux de la dépendance énergétique de 97,5% en 2009 à 90,5% actuellement. Parmi les facteurs qui ont entravé l'avancement de certains projets, il y a la régularisation de l'assiette foncière des sites destinés à abriter certains projets d'énergie renouvelable, car la plupart des terrains ne sont pas enregistrées et la plupart des propriétaires de ces terrains n'ont pas de documents justifiant leur propriété. Ce problème a entraîné un certain retard dans la planification de la mise en service de certains projets. Cependant, ce retard n'a pas impacté la sécurité d'approvisionnement électrique du pays.
F.N.H. : Le Maroc doit investir des montants colossaux dans les énergies renouvelables au cours de cette décennie afin d'atteindre l'objectif précité. Concrètement, quelles sont les pistes qui vous semblent opportunes pour la mobilisation du financement nécessaire ? A. R. : Quatre régimes d'investissements existent dans le secteur des énergies renouvelables au Maroc : 1. Production d'électricité pour le compte de l'ONEE et Masen à travers des partenariats publics privés; 2. Une bonne partie des projets est développée dans la cadre de la loi 13-09, par le privé : • 100 projets EnR sont réalisés, en cours de réalisation ou de développement; • 47 projets EnR réalisés jusqu'à aujourd'hui avec un investissement global d'environ 52,2 milliards de dirhams; • L'investissement total des projets en développement : environ 53,8 milliards de dirhams. 3. L'autoproduction : ce régime permettra aux consommateurs de produire euxmêmes de l'électricité pour satisfaire leurs propres besoins, notamment les industriels. Cela permettra de drainer beaucoup d'investissements qui auront un impact socioéconomique positif, notamment la création d'emploi. • MorSEFF : Mobilisation d'une ligne de financement MorSEFF, par le financement de 59 projets, de 417,90 MDH, notamment pour les entreprises agroalimentaires, de parachimie, automobile, industrie de papier et industrie électrique et matériaux de construction dont les économies d'énergie peuvent atteindre 50%. • Un montant de 150 millions d'euros a été mobilisé par MorSEFF et son programme subséquent MorSEFF + lancé en 2018, qui ont permis de financer à fin 2019 plus de 270 projets, engendrant une réduction de 102.725 t CO2 par an et des économies d'énergies de l'ordre de 350.000 MWh/an. 4. Investissement de l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) pour la mise à niveau et le développement du réseau électrique national (7 à 8 milliards de dirhams par an). Présence des entreprises en provenance de 12 pays qui investissent dans le secteur des énergies renouvelables (Italie, Belgique, Portugal, France, Espagne, Arabie Saoudite, Etats-Unis d'Amérique, Emirats Arabes Unis, Chine, Japon, Allemagne, l'Inde). Le Maroc monte en grade dans l'attractivité pour l'investissement en Afrique. Il est devenu le deuxième pays africain le plus attractif dans le classement de la banque d'affaires sud-africaine «RMB Investments». Cette performance, il la doit à la nette amélioration de l'environnement des affaires. Le Maroc est l'un des pays les mieux classés d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, en matière d'attractivité pour les énergies renouvelables, selon le cabinet comptable britannique Ernst & Young (EY). Il est bien positionné dans le classement, occupant ainsi la 13ème place sur 40 pays. Au-delà des potentiels énormes des énergies renouvelables dont dispose le Royaume, cette attractivité s'est construite autour de deux aspects. D'abord, le montage financier exceptionnel des projets de production d'électricité à base de ressources renouvelables. C'est notamment dans le solaire et l'éolien que cette approche a fait ses preuves. La structuration des modèles IPP (Independent Power Production) retenue sur les projets d'envergure lancés a permis au Royaume un meilleur partage des risques entre développeurs privés, bailleurs de fonds et donneur d'ordre public. A cela s'ajoute la garantie d'achat par l'Etat de l'énergie produite, établie dans le cadre d'un contrat PPA (Power Purchase Agreement), qui lie le producteur privé à l'ONEE, étalé sur plusieurs années (20 à 25 ans). La combinaison de ces facteurs et l'attractivité entraînée ont, par ailleurs, favorisé une forte concurrence entre les opérateurs privés dans les procédures d'attribution des marchés. La compétition des offres a contribué à tirer vers le bas les coûts de production et, in fine, les tarifs finaux de commercialisation de l'électricité produite. «Ce qu'il y a de particulier dans l'approche marocaine de PPP sur les énergies renouvelables, est le degré de risque financier absorbé par le donneur d'ordre institutionnel», relève-t-on dans le rapport d'Ernst&Young. Par ailleurs, l'amélioration du degré d'attractivité aux investissements du Royaume est aussi à mettre à l'actif de l'évolution des textes réglementaires régissant la production privée de sources renouvelables. La refonte du cadre législatif et réglementaire est en cours pour tenir compte des changements qu'a connus ce secteur en matière d'encouragement de l'investissement, notamment à travers la simplification et la dématérialisation des procédures d'investissement, le renforcement de la transparence et l'amélioration de la bancabilité des projets. Parmi les modèles attractifs pour le développement des moyens de production d'électricité à travers les différents modèles et les avantages qu'ils offrent, on distingue : la production concessionnelle, l'autoproduction et l'ouverture du marché de la production et de la commercialisation d'électricité produite à partir des énergies renouvelables.