Aziz Rabbah, ministre de l'Energie, des Mines et du Développement durable À dix-neuf mois de l'échéance de 2020, le ministre de l'Energie, des Mines et du Développement durable, Aziz Rabbah confirme que l'engagement de produire 42% de l'électricité nationale à partir de sources renouvelables sera respecté. Pour 2030, il affiche également un optimisme béat, en raison des nombreux acquis déjà engrangés par le royaume. Reste cependant à relever plusieurs défis pour asseoir le business model marocain de transition énergétique. Comment compte-t-il s'y prendre ? Entretien. Peut-on dire que le Maroc est bien parti en matière de transition énergétique ? Le processus de transition énergétique a été engagé depuis 2009 au Maroc, suite aux hautes orientations royales pour, à la fois développer les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et l'intégration régionale. Depuis, ce modèle a permis de satisfaire une partie de notre demande énergétique à partir de sources renouvelables, alors qu'on dépendait presque totalement des importations. D'ailleurs, le souverain a marqué sa satisfaction quant à l'état d'avancement de la transition énergétique, lors de la dernière réunion qu'il a présidée, le 26 avril dernier, consacrée à l'énergie.Toutefois, il a donné ses hautes instructions pour poursuivre la mobilisation des acteurs afin de faire de ce secteur une véritable locomotive de l'économie nationale. Si oui, est-ce qu'il faut comprendre que l'objectif de porter la production électrique à partir de sources énergétiques à 52% dans le mix-énergétique marocain en 2030 sera largement dépassé ? Les programmes lancés enregistrent en effet des avancées très satisfaisantes et nous prévoyons même de dépasser l'objectif de 42% fixé initialement à l'horizon 2020. En effet, à fin 2017, le taux de pénétration des énergies renouvelables dans le mix énergétique était d'environ 33,6 %. La capacité installée tournait autour de 2965 MW, dont 1015 MW de source éolienne, 180 MW d'origine solaire et 1770 MW de source hydrauliques. Cette année, cette dynamique va se poursuivre, puisque nous nous attendons à ce que la capacité installée des EnR atteigne, à la fin de l'année en cours, 3785 MW; ce qui portera leurs parts à environ 39,26 % dans le mix énergétique. Pour la période 2018-2021, le plan d'équipement électrique prévoit une capacité additionnelle de 6 690 MW, dont 5283 MW en EnR (soit 78,9%); tandis que pour celle portant sur 2022-2030, les capacités à réaliser ne sont pas encore définies par le plan de l'équipement électrique, mais, je peux vous dire que nos objectifs à l'horizon 2030, seront atteints en raison de l'expertise cumulée par nos institutions, l'attractivité de notre business model, le potentiel considérable dont nous disposons et l'intérêt croissant des investisseurs et bailleurs de fonds. Les trois sources de production propre de l'électricité, que sont le solaire, l'éolien et l'hydraulique, se sont vues attribuer le même objectif en termes de volume de production à l'horizon 2020. Est-ce que cette répartition va changer une fois que le Maroc arrivera à cette échéance ? Notre objectif est d'optimiser notre mix électrique autour de choix technologiques fiables et compétitifs, en combinant les différentes technologies offertes dans le domaine des énergies renouvelables. En 2009, on s'est fixé comme objectif de porter à 42% la part des EnR dans le mix électrique à l'horizon 2020, avec 14% de source éolienne, solaire et hydroélectrique et ce, à travers la réalisation d'une capacité installée totale de 6000 MW dont 2000 MW pour chaque filière. En 2015, nous avons revu à la hausse notre objectif en portant la part des EnR à 52% en 2030. Pourtant, notre objectif à cette échéance est d'injecter une capacité supplémentaire de 10 GW, dont 4560 MW de sources solaires, 4200 MW éoliennes et 1330 MW hydrauliques. C'est ainsi qu'à cet horizon, la part de l'éolien et du solaire sera de 20%, tandis que celle de l'hydraulique, elle sera de 12%. Parmi ces trois sources, quelle est celle qui présente le plus de potentiel de développement ? Le Maroc dispose d'un potentiel considérable en énergie éolienne, estimé à 25.000 MW en on-shore et 250.000 MW en off-shore. Pendant ce temps, le potentiel solaire est estimé à 20.000 MW, avec un ensoleillement de plus 3.000 heures par an et une irradiation moyenne de près de 6,5 kwh/m2/jour.Notre intérêt porte également sur d'autres filières comme la biomasse et les STEP marines pour lesquelles nous avons engagé des études pour évaluer notre potentiel. Mais, ce qu'il faut savoir en définitive, c'est que notre choix est orienté lors de la conception de notre plan d'équipement. En effet, ce plan tient compte, à la fois, de notre potentiel en une source d'énergie et de la maturité technologique de notre pays dans cette source. C'est ainsi que parmi les sources renouvelables déployées dans le cadre de notre stratégie énergétique, l'énergie solaire notamment photovoltaïque, est celle qui présente le plus de potentiel de développement actuellement. Cette filière est entrée dans un cycle de baisse des coûts, de déploiement croissant de panneaux et de progrès technologique accéléré. Et selon les prévisions, ce n'est pas encore fini. En effet, des économies d'échelle croissantes, des chaînes d'approvisionnement de plus en plus compétitives et de nouvelles améliorations technologiques, continueront de réduire davantage les coûts de cette filière énergétique. Sur quelles sources d'énergie misez-vous le plus pour rehausser le niveau d'intégration des entreprises marocaines qui tourne, selon les derniers chiffres, à près de 35% actuellement ? Le Maroc vise à travers ses programmes ambitieux, la maîtrise des technologies prometteuses de valorisation des ressources énergétiques renouvelables et le développement d'une industrie locale destinée au marché marocain et à l'exportation. C'est dans ce sens que l'intégration industrielle locale constitue une composante importante dans les cahiers des charges pour la réalisation des programmes d'énergies solaire et éolienne, développés respectivement par Masen et l'ONEE. À travers ce dispositif, le Maroc a pu bénéficier d'un taux d'intégration respectivement de 32% pour la centrale solaire NOOR I et 35% pour NOOR II et plus de 55% pour le projet éolien intégré de 850 MW, grâce à l'implication des partenaires nationaux dans le processus de développement de ces projets. Le niveau d'intégration industrielle dans le solaire, sera incessamment rehaussé grâce à l'ouverture de la moyenne et basse tension. Nous misons en effet sur cette réforme en cours pour accroître le potentiel d'intégration industrielle, à travers les activités de génie civil, de fabrication et montage des structures porteuses, d'assemblage des miroirs, de réalisation de câblages et des composants électriques. Au fait, peut-on avoir une idée sur ce que vous entendez par business model du secteur de l'énergie ? Le «business model» énergétique marocain est basé essentiellement sur l'ouverture du secteur de l'énergie; notamment celui des énergies renouvelables au privé, l'accès au financement, le renforcement des capacités et l'encouragement de la R&D. Le cadre législatif et réglementaire mis en place, a permis l'ouverture au privé du marché de la production et de la commercialisation d'électricité renouvelables, avec accès au réseau électrique national THT et HT et elle a également permis, selon certaines conditions, l'accès aux réseaux électriques MT et BT. Les modèles de financement développés permettent la répartition des contraintes financières liées au développement des projets d'énergie par le privé, l'optimisation de la conception des projets électriques et un meilleur dimensionnement de l'investissement. Sur quelles sources d'énergie propre comptez-vous le plus pour bâtir le business model du secteur de l'énergie ? Le Maroc mise sur toutes les sources d'énergies renouvelables, notamment le solaire, l'éolien, l'hydraulique et nous sommes même en train d'introduire la biomasse.Comme nous l'avons déjà dit, les filières solaire et éolienne continuent de progresser au regard de l'importance de notre potentiel, des prix records du kwh enregistrés déjà par les projets lancés et du développement de l'expertise locale. Avec l'achèvement de la refonte du cadre législatif, réglementaire et institutionnel que nous avons entamée, notamment la simplification des procédures d'investissement et la publication de certains textes réglementaires, nous sommes sûrs que ces filières connaîtront un rythme de développement beaucoup plus important. Est-ce ce souci d'équilibre et de vouloir engranger le maximum possible d'opportunités pour notre tissu industriel, qui vous poussent à retarder l'ouverture de la moyenne tension ? L'ouverture du réseau de moyenne tension aux énergies renouvelables est un axe important de notre feuille de route, qui vise à encourager les investissements privés, à répondre à la demande des industriels pour le développement des projets d'énergies renouvelables et à poursuivre l'ouverture progressive du réseau et du marché électrique.Dans ce sens, un décret autorisant l'accès au réseau électrique national de moyenne tension, a été adopté en concertation avec les parties concernées. Ce décret prend en considération l'équilibre du système dans son ensemble avec toutes ses composantes, parmi lesquelles les distributeurs. C'est pourquoi nous avons opté pour une transition énergétique basée sur une ouverture progressive et harmonieuse du réseau électrique de moyenne tension, que nous accompagnons par la mise en place d'une autorité nationale de régulation, pour assurer un cadre transparent, non-discriminatoire et stable pour les investisseurs. D'ailleurs, dans le cadre de notre démarche d'amélioration continue, nous avons engagé un dialogue constructif avec les opérateurs publics et privés au sujet du cadre législatif et réglementaire régissant les EnR, notamment l'accès au réseau MT. Et l'Afrique? quelle place occupe-t-elle dans le business model du secteur de l'énergie ? La coopération sud-sud s'inscrit au cœur de la vision royale. Et les fondements d'un modèle de coopération économique mutuellement bénéfique sont déjà mis en place par le roi. En effet, le Maroc a initié plusieurs projets ayant pour objectif le développement durable de l'Afrique. C'est dans ce sens que s'inscrivent les projets d'interconnexion électrique avec les pays subsahariens via la Mauritanie et le gazoduc Maroc-Nigéria, qui contribueront à relever le défi d'accès à l'énergie de l'Afrique. Par ailleurs, il faut savoir que le modèle énergétique marocain suscite un intérêt remarquable des pays africains et plusieurs accords ont été conclus dans le domaine de l'énergie; ce qui fait que plusieurs établissements publics et privés marocains sont déjà présents dans les marchés africains: l'ONEE, grâce au savoir-faire acquis à travers ses expériences en matière de planification, d'exploitation, de maintenance et d'électrification rurale. Masen a également signé des conventions de partenariat avec plusieurs pays africains, l'Iresen aussi, sans oublier le secteur privé marocain présent également en Afrique dans le développement de projets électriques et hydroélectriques. Comment les rôles sont-ils répartis entre votre département, Masen et l'ONEE en matière de gestion énergétique ? Nous sommes en train de concrétiser un chantier important pour la reconfiguration du paysage institutionnel du secteur énergétique et ce, conformément aux directives royales visant à assurer une meilleure synergie et une grande efficience et complémentarité des institutions agissant dans le domaine des EnR. Dans ce cadre, le rôle du ministère consistera à veiller à l'élaboration et la mise en œuvre de la stratégie nationale, à l'élaboration des textes législatifs et réglementaires, et au placement d'un plan pluri-annuel de développement des énergies renouvelables. Les missions de Masen seront maintenues dans le cadre de la refonte institutionnelle intervenue en 2016, qui lui a permis d'englober le développement de toutes les EnR, à l'exception des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) et des projets développés dans le cadre de la loi n° 13-09. L'ONEE sera toujours chargée de la production électrique d'origine fossile, en plus de ses missions de transport et de distribution, ainsi que la gestion des STEP et des moyens de gestion de la demande destinés à garantir la stabilité du réseau électrique national. L'AMEE, quant à elle, se focalisera uniquement sur l'efficacité énergétique.