Au Maroc, les travaux autour de ce nouveau moyen de paiement sont en phase de cadrage chez les acteurs bancaires et les régulateurs. Par B. Chaou
La dernière nouveauté qui fait aujourd'hui débat auprès des professionnels du secteur de la monétique, c'est le virement instantané, connu aussi sous l'appellation de «Instant payment». Cette pratique consiste en la réalisation des virements bancaires en temps réel d'un compte bancaire à un autre. Selon Omar Benyahia, directeur au sein de Effyis Group, cabinet de conseil en management et technologie, «ce nouveau moyen de paiement s'inscrit parfaitement dans les nouveaux usages et intéresse fortement l'ensemble des acteurs, les banques, les établissements de paiement, les commerçants et les consommateurs». Si le virement instantané est opérationnel dans plusieurs pays, et connaît de plus en plus de succès, il n'en est encore qu'à ses premiers balbutiements au Maroc. Néanmoins, la réflexion pour l'introduction de cette innovation est déjà entamée. Pour notre interlocuteur, «au Maroc, les travaux autour de ce nouveau moyen de paiement sont en phase de cadrage chez les acteurs bancaires et régulateurs pour en définir les enjeux techniques et financiers». Les enjeux de l'«Instant payment» Le paiement instantané constitue une tendance mondiale majeure. A titre d'exemple, l'Afrique du sud, en 2006, et le Nigéria, en 2011, sont les deux premiers pays à l'avoir déployé sur le continent africain, et en Europe il est utilisé depuis 2018. Son introduction au Maroc comporte plusieurs enjeux, dont l'élimination du risque pour les commerçants en ligne de ne pas être payés, car il est facile de synchroniser l'envoi du bien acheté ou la prestation du service commandé avec le paiement, ou encore la réduction de la circulation du cash. Le paiement instantané pourrait se positionner en tant que mode de paiement alternatif du fait qu'il sera amené à «cohabiter» avec les transactions par cartes et les chèques. D'après Omar Benyahia, «en complétant la panoplie des moyens existants, il permettra d'effectuer des paiements instantanés, irrévocables, sécurisés sans la contrainte des plafonds et sans équipement supplémentaire». Exemple : aujourd'hui, pour payer l'achat d'une voiture entre deux particuliers ou entre un particulier et un professionnel, nous ne disposons que du chèque certifié qui permet d'avoir de la visibilité sur le bon déroulement de la transaction. Demain, nous aurons le moyen de le faire avec l'IP. Le compte du bénéficiaire est crédité en même temps que le compte de l'initiateur est débité. L'implémentation au Maroc L'exécution d'un IP implique quatre acteurs principaux: l'émetteur, la banque de l'émetteur, le bénéficiaire et sa banque. Côté banques, le déploiement de systèmes d'information capables d'émettre et de recevoir des messages ISO 20022 avec une infrastructure capable de gérer un grand flux d'information financière en temps réel, ainsi qu'un système de gestion de la fraude et de filtrage des transactions (blanchiment et terrorisme) en instantané, sont nécessaires pour la mise en place de l'IP. Du côté des opérations interbancaires, afin de réaliser la compensation et le règlement des transactions en temps réel, le rôle d'une infrastructure informatique capable d'exécuter et filtrer les transactions du paiement instantané est obligatoire. D'ailleurs, selon notre source, les chambres de compensation et de règlement de Bank Al-Maghrib et du GSIMT (Groupement pour un système interbancaire marocain de télécompensation) travaillent actuellement sur ce volet-là. Le paiement instantané serait par ailleurs géré par le SRBM (Système des règlements bruts du Maroc), qui a été mis en service en septembre 2006. Géré et administré par la Banque centrale, il constitue une infrastructure de paiement qui permettrait des transferts rapides et sécurisés entre les institutions financières participantes. BAM aurait ainsi un rôle catalyseur dans le déploiement de cette innovante solution, de même qu'un cadre réglementaire précis devrait être mis en place.