Le fait de se faire rembourser la TVA rapidement permet un soulagement de la trésorerie. Il est question aussi d'éviter le calvaire et la bureaucratie de l'administration. Cela est intéressant pour les sociétés qui répondent aux marchés publics. Eclairage de Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal. Finances News Hebdo : Pourquoi faut-il avoir des contribuables catégorisés ? Youssef Oubouali : Le système de segmentation ou catégorisation des contribuables n'est pas nouveau. Il a fait ses preuves dans d'autres pays et il est pertinent pour les entreprises nationales. Les contribuables ne sont pas homogènes. Certains sont disciplinés et ont une certaine fibre citoyenne, d'autres non. Au cours de ces dernières années, de nombreuses administrations fiscales ont abandonné leur approche uniforme. Elles ont élaboré des structures organisationnelles fondées sur des segments de contribuables. Les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande les ont adoptées à partir des années 90. Il y a quelques années, c'était au tour de la France et de la Grande-Bretagne. D'autres pays, non seulement européens, sont en train de faire l'étude de faisabilité ou en train de l'instaurer. Il faut dire que les administrations fiscales s'orientent, en général, vers cette tendance. F. N. H. : La catégorisation fiscale est devenue opérationnelle au Maroc. Quels sont les avantages de ce système ? Y. O. : La procédure de catégorisation des entreprises, lancée par la Direction générale des impôts (DGI), consiste à accorder des avantages aux contribuables qui font preuve de transparence et de civisme fiscal. C'est un système intéressant pour les opérateurs nationaux à plusieurs niveaux. Une entreprise catégorisée bénéfice automatiquement d'un statut particulier lui permettant un traitement de faveur de la part de l'Administration fiscale et d'accéder à certains avantages. Il s'agit, entre autres, du remboursement rapide de la TVA avant instruction du dossier et sans contrôle a priori à hauteur de 80% pour la classe «A» et 50% pour la classe «B», de l'intégration du critère «contribuable catégorisé» dans la matrice d'analyse risque servant à la programmation au contrôle fiscal et d'un traitement rapide du contentieux soumis à l'appréciation de l'administration. Les entreprises catégorisées profiteront, également, d'un guichet dédié qui peut servir, dans certains cas, notamment pour rappeler les éventuels retards vis-à-vis du fisc. F. N. H. : Mais, concrètement que vont gagner les entreprises catégorisées ? Y. O. : C'est un système basé sur des conventions valables pour deux ans entre le contribuable et l'Administration. Le fait de se faire rembourser la TVA rapidement permet un soulagement de la trésorerie. Il est question aussi d'éviter le calvaire et la bureaucratie de l'administration. Cela est intéressant pour les sociétés qui répondent aux marchés publics. Le label d'«entreprise catégorisée» lui permet une certaine notoriété dans le marché, surtout à l'international dont la réglementation est rigoureuse et l'image de marque est importante. Au niveau des guichets dédiés, elles se font relancer à titre amiable, via des appels téléphoniques, des SMS, des e-mails ou par fax avant que l'administration n'engage une procédure légale. F. N. H. : Que va gagner l'administration avec ce système ? Y. O. : L'administration a beaucoup de choses à gagner. C'est un système qui permet de faire la distinction entre les bons et les mauvais contribuables. Les agents du fisc devraient consacrer plus de temps pour les seconds. Les opérations de contrôle deviennent pertinentes, ciblées et rigoureuses. La catégorisation permettra d'assurer une certaine discipline fiscale entre les contribuables. F. N. H. : Pensez-vous que le système est attractif ? Y. O. : Les pays qui l'ont adopté le jugent pertinent. Au Maroc, il y a beaucoup d'entreprises qui aspirent avoir le statut de contribuable catégorisé mais encore faut-il qu'elles remplissent les conditions requises. Je crois que seules les entreprises les plus structurées et les mieux organisées peuvent avoir ce précieux sésame. Le ticket d'entrée nécessite des conditions très strictes. Les bénéficiaires doivent accomplir des obligations déclaratives et de paiement, ne pas être en infraction au Code général des impôts et d'être dans une situation financière solvable. Il lui est demandé de fournir des pièces justifiant la situation des déclarations et des paiements de tous les impôts et taxes au titre des quatre dernières années, l'état récapitulatif des affaires contentieuses au cours des quatre dernières années, l'état de recouvrement des droits (principal et majorations) issus du dernier contrôle fiscal et des procès-verbaux de la dernière Assemblée générale et de la réunion du Conseil d'administration. C'est une commission ad hoc, présidée par le Directeur général des impôts, qui se réunit à l'initiative de ce dernier et autant de fois que nécessaire, qui donne son avis. Si le dossier est accepté, l'entreprise devra alors fournir, en plus, un rapport économique et social et un rapport d'audit comptable et financier. Le Directeur général des impôts peut procéder au retrait provisoire ou définitif de ce statut, lorsque l'entreprise ne remplit plus l'une des conditions d'éligibilité prévues ou qu'elle commet des irrégularités fiscales graves ou qu'elle renonce elle-même à son statut.