Le PLF 2014 reprend les quelques mesures du budget 2013 pour éradiquer l'informel. Aucune étude d'impact n'a été initiée. Il est appelé à développer un régime fiscal spécifique à l'auto-entrepreneur et rendre le secteur formel plus attrayant. Telle une gangrène, l'informel continue de ronger le tissu économique par le biais d'un manque à gagner énorme. Un manque à gagner difficile à quantifier, à cause de l'absence de données et d'informations exactes sur le chiffre d'affaires généré au quotidien par ce secteur. Approximativement, l'informel au Maroc représente une part importante dans l'économie nationale avec plus de 14% du PIB et 37% de l'emploi non agricole. Le nombre des unités informelles dépasse 1,5 million. Il faut dire que le commerce concentre près de la moitié du secteur, suivi des services et des activités manufacturières. Ceci étant, cette sempiternelle problématique ne cesse de tarauder les esprits de chaque équipe qui atterrit au pouvoir. L'administration essaie par tous les moyens de sensibiliser sur les enjeux d'un basculement vers le formel. Et pour encourager ces unités qui se sont habituées à travailler dans le noir, elle les rassure à travers des mesures incitatives dédiées. Son premier souci est de travailler l'adhésion à l'impôt, tout en instaurant une relation de confiance. L'idée sous-jacente est qu'il y a un énorme travail de pédagogie à faire. Il est essentiel que l'impôt ne soit pas perçu comme une contrainte, mais comme un facteur de création de lien social et de solidarité. En dépit des efforts déployés, le résultat reste décevant. Le défi est de taille, parce qu'à l'instar des petites structures qui opèrent chaque jour dans le noir, il existe d'autres peu ou prou structurées, mais qui ne sont pas entièrement transparentes. De pareilles carences mettent en exergue l'iniquité et l'injustice fiscale qui grèvent lourdement notre système fiscal. Incitations fiscales : quelle portée ? La lecture du PLF 2014 fait ressortir une reconduction des dispositions des mesures contenues dans la Loi de Finances 2013. Rien de nouveau, et pourtant le tarissement des recettes fiscales plaide pour une cure d'assainissement. Reste à savoir quelle a été la portée des dispositions de la Loi de Finances 2013. Interrogé à cet égard, H. Houssifi, expert-comptable DPLE explique : «La Loi de Finances de l'année 2013 a prévu des dispositions encourageant la migration de l'informalité vers la formalité. A l'heure actuelle, nous ne disposons pas d'une étude d'impact de ces dispositions. Toutefois, il convient de préciser que ce basculement n'est pas seulement une affaire de fiscalité». Il ajoute que cette migration est encadrée par deux écoles économiques : la première, qualifiée de libérale, plaide pour une grande flexibilité dans l'application des lois dans les entreprises du secteur moderne. La conversion des entreprises évoluant dans l'informel permettrait de mettre un terme à une concurrence nuisible pour les structures pratiquant dans le cadre de la formalité. Le second courant néolibéral prône l'encadrement du secteur informel afin qu'il devienne viable. La prolifération de l'informel prive non seulement l'Etat de disposer de ressources lui permettant de développer des politiques économiques et sociales, mais aussi les entrepreneurs informels de la protection juridique et sociale. Une chose est sûre : la question de la fiscalisation du secteur informel se fait de plus en plus récurrente à cause du tarissement des recettes fiscales. Toutefois, pour être menée à bien, la fiscalité doit obéir aux critères d'optimalité, notamment celui de l'équité. La taxe doit être progressive et réduire les inégalités. Les entrepreneurs homoéconomicus de nature, comparent le coût de la formalité avec celui de l'informalité. Ils optent pour cette dernière à cause des avantages qu'elle leur procure. L'informalité se veut ainsi une issue face à une réglementation trop lourde, peu adaptée aux petits entrepreneurs. «Les dispositions fiscales prévues aussi dans la Loi de Finances ne sont pas attrayantes pour motiver un afflux vers la normalité», constate l'expert-comptable. Il s'empresse d'ajouter : «Seul un programme d'actions intégrées et cohérentes et faisant appel à des politiques transversales est à même de garantir une réussite à ce changement». Il est temps de développer un régime fiscal spécifique à l'auto-entrepreneur et rendre le secteur formel plus attrayant à travers des mesures économiques et juridiques lui permettant d'en évaluer la teneur. En dehors des mesures fiscales Au-delà des mesures fiscales coercitives qui dissuadent une frange du tissu économique à adhérer à l'impôt, il y a une peur bien ancrée chez le Marocain de tout ce qui relève des formalités administratives. Il s'agit donc également d'un problème de culture que l'Administration est appelée à vaincre par tous les moyens. Elle est appelée à améliorer davantage son image de marque afin qu'elle devienne plus accessible. Il est également temps de passer à l'action, tout en attaquant et sanctionnant la fraude. «A cet égard, il faut une politique volontariste de la part du gouvernement, qui donne les moyens à l'Administration fiscale» avait souligné A. Boukhriss, président de la commission fiscalité de la CGEM, à l'occasion des Assises nationales de la fiscalité. D'après lui, le dispositif légal existe, la fraude fiscale est pénale, mais elle n'a jamais été actionnée. Le principal écueil est d'ordre humain, sachant qu'au Maroc, il y a un agent de contrôle pour 13.790 contribuables contre un agent pour 2.816 au Chili. La relation de cause à effet entre le nombre d'agents et la recette du contrôle est bien établie. D'après le président de la commission fiscalité de la CGEM, «le levier fiscal est nécessaire, mais pas suffisant. Il est important que l'Administration et le gouvernement mettent les moyens et s'attaquent véritablement à ce fléau».