En février prochain, les regards seront portés sur les Assises de la fiscalité promises par l'Exécutif comme l'événement déclencheur d'une réforme du système fiscal national. Ceci dit, avant d'en arriver aux Assises, en tant qu'évènement mais aussi en tant que tournant pour la fiscalité, le travail a semble-t-il déjà commencé dans les coulisses pour tracer les grandes lignes de ce que sera cette réforme. Si, sur le volet de l'IS, peu de doutes existent sur le contenu des nouvelles mesures, l'ajustement des tranches et éventuellement la revue à la baisse des taux d'imposition étant les principales attentes du marché, au niveau de la TVA, la donne est tout autre. Aujourd'hui, la situation est telle que le système de gestion de la TVA est est le plus décrié par les agents économiques dans le cadre de la fiscalité. Pourtant, depuis plusieurs années déjà, sous le mandat de Fathallah Oualalou à la tête du département des Finances, des signaux de cette réforme avaient déjà été donnés, sans pour autant passer réellement au stade de la concrétisation. «La TVA, qui suppose, comme son nom l'indique, que cet impôt, payé par le consommateur final, ne concerne que la valeur ajoutée créée par l'entreprise, s'est transformé au fil du temps en taxe sur les achats pour certains agents économiques ou en taxe sur le chiffre d'affaires pour d'autres», explique-t-on au sein du Conseil économique et social (CES), ce dernier ayant entamé la réflexion sur le système fiscal au Maroc et sur les pistes de sa réforme. De plus, beaucoup considèrent aujourd'hui que l'inclusion du secteur informel bute très largement sur un système de TVA dont la chaîne n'est pas maîtrisée. Certes, le gouvernement a fait des efforts en matière d'IS, en réduisant l'imposition des petites structures à 15%. Cependant, la TVA continue à être perçue par beaucoup d'opérateurs du secteur informel comme un frein devant leur «formalisation». Les incitations via les taux réduits de l'IS ne sont donc pas efficaces à eux seuls, le problème de l'informel étant plutôt lié à la TVA et à la charge fiscale et sociale pesant sur les salaires. Du coup, réformer la TVA devient clairement le sujet phare de la prochaine réforme fiscale. Consensus nécessaire À ce titre, le patronat a déjà annoncé le ton, lors de la présentation de ses propositions pour la loi de finances 2013. Certes, dans le fond, aucune demande budgétaire concrète n'a encore été présentée à l'Exécutif pour la prochaine loi de finances. Néanmoins, la Confédération patronale a déjà fait savoir, par la voix du président de la commission fiscalité, Abdelkader Boukhriss, que le chantier relatif à la TVA était prioritaire dans la refonte du système fiscal. Si par le passé, des impôts comme l'IS ont souvent fait l'objet de mesures d'amélioration, pour la TVA, le gouvernement n'a que très rarement accepté d'y toucher, ce qui a créé une situation où les taux se sont multipliés et les procédures se sont compliquées. L'enjeu des prochaines Assises de la fiscalité est de trouver un consensus entre opérateurs et pouvoirs publics, afin d'éliminer les distorsions inhérentes au mécanisme actuel de la TVA. L'objectif recherché consisterait, selon le patronat, à respecter la neutralité, à simplifier les obligations déclaratives et à mettre en place des taux différenciés par secteur d'activité. La généralisation à toutes les activités économiques est également préconisée comme un moyen de rendre cet impôt plus efficace. «Une telle approche permettrait de réduire d'une manière significative la tentation de migration vers le secteur informel», soutient-on auprès de la CGEM. Notons à ce titre que le CES considère que «la TVA ne touche pas de grands pans de l'activité économique». Des circuits entiers, de production ou de distribution, restent en effet en dehors du champ des impôts, alourdissant d'autant la part supportée par le secteur formel et dans celui-ci des entreprises les plus transparentes. D'autres mesures visant à soulager la trésorerie des entreprises devraient également figurer à l'ordre du jour des discussions. C'est notamment le cas de la généralisation du remboursement du crédit de TVA structurel que les entreprises considèrent aujourd'hui comme un atout essentiel en ces temps de crise, qui leur permettra d'atténuer la dégradation de leur trésorerie. Il en est de même pour la suppression de la règle de décalage d'un mois pour la récupération de la TVA, que l'on juge «non fondée» économiquement, sa suppression devant permettre d'instaurer la neutralité de la TVA. Ces mesures, bien qu'elles pourraient être envisagées dès la prochaine loi de finances, pourraient également être entérinées une fois pour toutes dans le cadre de la réforme fiscale attendue. Jusqu'où ira le gouvernement ? C'est dire l'attente des professionnels vis-à-vis du gouvernement pour les prochaines Assises. Ce dernier avait pour rappel promis, par la voix de son ministre délégué chargé des Affaires générales et de la gouvernance, que des chantiers devaient être ouverts dès 2013, en vue «de renfoncer la compétitivité du tissu économique». La TVA figure d'ailleurs parmi les points promis dans ce sens. Il reste maintenant juste à savoir jusqu'à quel point l'Exécutif osera-t-il aller, dans la mise en place de la réforme fiscale. Réduira-t-il sensiblement l'IS pour que le Maroc ne soit plus placé parmi les pays où la pression fiscale est la plus forte? Optera-t-il plus pour des sacrifices en matière de TVA ou bien osera-t-il les deux, voire même inclure l'impôt sur le revenu ? Ces questions trouvent toutes leur légitimité dans un contexte où le déficit des finances publiques semble se pérenniser depuis quelques années. Notons qu'un «ajustement» de la TVA implique des calculs précis sur l'impact des mesures, vu qu'elle constitue l'une des sources principales de recettes pour l'Etat. Les recettes générées par la TVA intérieure à fin août 2012 par exemple, ont atteint 14,4 MMDH, contre 13,9 MMDH un an auparavant, soit une augmentation de 3,5%. En tout, elles ont représenté plus de 12% de ce qu'a récolté l'Etat en termes de recettes fiscales. En tout cas, ce qui est sûr aujourd'hui, c'est que le soutien à la compétitivité des entreprises dont a besoin l'économie nationale en ces temps de crise nécessite clairement un transfert d'une partie des charges fiscales attachées au facteur travail vers la consommation finale. Ceci devrait impliquer une reconfiguration de la TVA, afin de permettre un élargissement de la base d'imposition et une réduction substantielle des taux nominaux correspondants. Si cela devait se concrétiser, cela représenterait un signal fort de l'Exécutif quant à sa volonté de mettre en œuvre les grandes promesses faites lors de la période électorale, la réforme de la fiscalité ayant en effet été annoncée comme l'une des priorités du PJD en période électorale.