Organisées par la Fondation américaine German Marshall Fund of the United States (GMF) et la Fondation OCP, à travers son Think tank policy center, les journées du Dialogue atlantique ont réuni un parterre de plus 360 experts représentant plus d'une cinquantaine de pays. C'est à la fois un cri du cœur et une interpellation ! Mostafa Terrab, président de OCP Group, ne sera pas passé par quatre chemins pour le dire. La langue de bois, le «politiquement correct», il les aura laissés au vestiaire des logomachies et des déclarations d'intention. En prenant la parole au panel organisé vendredi 25 et samedi 26 octobre dans le cadre de la 3ème édition du «Dialogue atlantique», il s'est fait l'avocat «pro domo» de la contradiction majeure qui risque d'imprégner ce même dialogue : «La zone atlantique, a-t-il dit, n'existe que par le nom, l'essentiel se passe au Nord» ! Celui qui préside aux destinées du premier groupe public, qui n'a cessé de se faire depuis quelques années l'initiateur de l'ouverture sur l'Atlantique, ce vaste océan de l'Ouest qui est notre futur horizon, qui s'est efforcé de renverser la tendance verticale, rappelle avec un brin de réalisme que les enjeux sont, mondialisation oblige, multilatéraux et non unilatéraux. L'année dernière déjà, ne sacrifiant qu'au principe du réalisme et de la logique, il avait prévenu des tendances exponentielles et des déplacements de ligne de la nouvelle réflexion mondiale, à la fois sur le commerce mondial, le développement durable, le poids de l'Afrique, la sécurité alimentaire, et le nécessaire redéploiement des mécanismes de croissance. Cet arsenal de beaux principes, inventé en son temps par les experts occidentaux – des Etats-Unis, du Canada et de l'Europe notamment – est confronté de nos jours au «principe de réalité» et de nécessité, car ce dialogue qui demeure unilatéral, et pour tout dire «vertical», s'inscrit dans une tradition de plus en plus indéchiffrable. Plus on en parle, moins on en saisit l'efficience. Sa conviction n'en démord pas : il existe un certain décalage entre l'engagement solennel, proclamé, affiché et réitéré au niveau des instances internationales, et la réalité : «Il est clair aujourd'hui, a-t-il soutenu, qu'on tend vers un renforcement des relations Sud-Sud. Nous le constatons dans différents secteurs, notamment dans l'investissement en Afrique. Mais il y a toujours un revers de la médaille. Les pays du Nord sont absents de cette dynamique» ! Mostafa Terrab, tout à sa volonté de refuser la fatalité historique, a plaidé pour un recentrage de la réflexion mondiale sur le développement multilatéral. Il a pris comme exemple la coopération entre les Etats-Unis et l'Union européenne, et affirmé qu'elle ne devrait pas constituer un champ exclusif, mais s'ouvrir sur d'autres continents, notamment l'Afrique, aujourd'hui perçue comme «relais de croissance» et, pourtant, mal perçue. Changer de vision «Il faut, a-t-il souligné, dépasser les problèmes de perception dont souffre l'investissement en Afrique et jeter un nouveau regard sur le continent et les entreprises qui sont le levier de l'investissement et de la croissance» ! Il précise qu'un certain esprit prédomine encore au sein des institutions financières quant à l'investissement en Afrique qu'il convient de réviser, selon lui. L'Accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l'Union européenne, selon lui, gagnerait en complémentarité s'il impliquait le continent africain, parce qu'il élargirait alors la vision Nord-Sud vers un schéma transatlantique, rapprochant les continents et les deux rives de l'Atlantique. Si elle adhère à un tel credo, Esther Parker, présidente de la direction Parker Group, ne l'entend pas de cette oreille. Elle explique, dans un plaidoyer chaleureux, que «cette perception ne changera point tant que l'instabilité et les problèmes politiques persisteront en Afrique. La politique migratoire, selon elle, devrait constituer «une ressource et non pas une charge». «Quand nous regardons l'immigration comme un passif, nous obtenons un résultat, quand nous considérons l'immigration comme un atout, nous obtenons un autre résultat». Le volet sécuritaire n'ayant pas été oublié, tant s'en faut, le rôle d'en parler officiellement en est revenu à Mbarka Bouaïda, ministre déléguée au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération qui s'est fait forte de lier économie et politique et, mieux encore, sécurité politique, développement et démocratie. S'exprimant aisément en langue anglaise, elle a affirmé que «la sécurité au Sahel ne peut être obtenue sans une stabilité économique, et l'union du Maghreb arabe nous permettra de mettre fin à l'insécurité» ! Et d'affirmer que «le Maroc est prêt à jouer le rôle de pont et favoriser la cohésion régionale et développer davantage ses programmes et ses contributions en faveur d'une nouvelle ère de prospérité partagée en Afrique». C'est, en fin de compte, une thématique à plusieurs constellations, qui a dominé d'un bout à l'autre la «3ème édition du Dialogue atlantique» : la sécurité alimentaire sur fond de crise économique et d'instabilité politique. OCP Group, sensible à une telle problématique depuis trois ans maintenant, a élaboré une politique continentale de distribution d'engrais et de semences pour optimiser la production agricole...Mao Zédong, premier président de la République populaire de Chine, avait pour habitude de dire : «Au lieu de distribuer du poisson aux populations chinoises, apprenez-leur donc à pêcher, elles s'en sortiront mieux...» ! Une adresse ne tombe-t-elle pas à point nommé ? La stratégie de OCP Group avait été déclinée par Mostafa Terrab en mars 2011 à l'occasion du «FMB Africa 2011» (Fertilizer market bulletin, conférence pour le développement de l'agriculture en Afrique), où il a déclaré : «Ce que nous avons fait au cours des dernières années a été de donner des volumes dédiés au marché africain et cela a fait une grande différence, car cela donne une visibilité pour les distributeurs et ils peuvent se sentir en sécurité pour agrandir leur marché et c'est très important. En fait, les prochains mouvements que nous allons annoncer dans quelques semaines ne sont pas des volumes dédiés, mais des capacités industrielles appropriées pour l'Afrique, en partenariat avec d'autres compagnies africaines. Je pense que c'est un ingrédient important, qui donne de la visibilité, prévisibilité et c'est une clé pour aider des opérateurs situés en aval à investir et avoir confiance dans le marché et avoir confiance dans le fait qu'ils auront le produit pour le marché» ! La confiance des investisseurs et l'engagement d'OCP Group, cheville ouvrière, s'il en est, de la nouvelle vision du codéveloppement en Afrique.