La décision continue à faire couler beaucoup d'encre alors que d'aucuns sont convaincus, que ce n'est là qu'une petite décision parmi tant d'autres plus importantes, voire douloureuses, que le gouvernement sera amené à prendre. S'il y avait besoin de le refaire une énième fois, Mohamed Najib Boulif n'y manquerait pas. Le ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé des Affaires générales et de la gouvernance s'est une fois de plus prêté au jeu des questions/réponses avec la presse nationale, non sans hargne. Invité du Forum de la MAP pour débattre de l'impact de cette indexation sur la compétitivité et la paix sociale, il semblait résolu à lever tout équivoque sur cette question. Aussi, a-t-il rappelé que cette décision est une mesure parmi tant d'autres pour amorcer la réforme progressive de la Caisse de compensation, et pour permettre au budget de l'Etat de ne pas être à la merci des fluctuations des prix sur les marchés mondiaux. «Il ne s'agit pas d'une mesure commerciale mais d'une décision stratégique», a-t-il affirmé, arguant que les variations des prix se traduisent par un gel des investissements de l'Etat, pour soutenir la compensation, et par le gel des salaires également. Le ministre a insisté qu'il s'agit bien d'une décision unanime de la majorité gouvernementale tout en reconnaissant que les divergences concernaient surtout le timing et les mécanismes de cette réforme. Le responsable gouvernemental n'a pas voulu commenter la manifestation d'il y a deux semaines, mais, il a rappelé avec satisfaction, que la grève annoncée des transporteurs n'a pas été largement suivie et était contenue dans trois villes seulement. Il explique cela par le fait que le dialogue amorcé avec les professionnels a bien abouti, notamment avec les taximen, convaincus que cette décision est inéluctable et sera suivie par d'autres mesures. Poser la question autrement «La réforme de la compensation sera progressive et c'est une décision souveraine», répond le ministre à ceux qui demandaient si le pays subissait des pressions d'institutions internationales. «Il faut poser la question autrement, si le déficit augmentait d'un demi ou d'un point quels en seraient les effets? Et là, j'invite le HCP à faire une étude dans ce sens», conclut le ministre délégué qui n'a rien voulu divulguer concernant le PLF 2014, si ce n'est que la lettre de cadrage est bel et bien parvenue aux concernés. Nous avons toujours défendu la nécessité de démystifier les prix de l'énergie au Maroc, d'enclencher sérieusement et progressivement une réforme de la compensation pour aboutir in fine à une application de la véracité des prix, si et seulement si, dirait Pythagore, toutes les conditions étaient réunies. Quarante ans et quelque de débats, voici un gouvernement qui franchit ce pas psychologique avec l'indexation partielle. Qui, en soi, est une mesure beaucoup moins importante que le tollé qu'elle a provoqué. En effet, la subvention de l'Etat est maintenue puisque le prix à la pompe n'est revu à la baisse ou à la hausse que si les prix du baril à l'international accusent une variation de + ou - 2,5% par rapport au prix contenu dans la Loi de Finances. Et en cas de franchissement du seuil des 120 dollars, c'est l'assurance qui entre en jeu, puisque le pays a désormais intégré le système d'assurance «Hedging». Donc, la hausse est contenue dans un seuil précis, ce que s'est évertué à répéter le ministre lors d'une précédente rencontre avec la presse. Mais il s'était abstenu de livrer aux journalistes la date d'entrée en vigueur de cette mesure. Mais passons ! Cette décision n'aurait certainement pas autant provoqué de polémique si ce n'est le climat politique actuel, car même l'effet de la crise ne peut être pointé du doigt, le Maroc tablant sur un taux de croissance de 4,8% (grâce en grande partie à la campagne agricole). Preuve en est également que la rue ne s'est pas trop enthousiasmée pour manifester contre cette décision. Le ministre s'est appliqué à défendre l'idée que malgré la décision d'indexation, les prix en vigueur au Maroc, comparativement aux pays concurrents, s'inscrivent parmi les plus bas à l'échelle mondiale. Bien que l'Etat gagne à être plus rigoureux dans les contrôles car les intermédiaires n'attendent que ce genre de décision pour spéculer et augmenter leurs marges de bénéfices au détriment du citoyen. Et si l'on posait la question différemment : si cette décision et bien d'autres n'avaient pas été prises, quel en serait l'effet sur les équilibres macroéconomiques du pays ? C'est en effet la question qu'a posée le ministre à l'assistance, par ailleurs quelque peu turbulente. D'aucuns sont convaincus que la réforme de la compensation est inéluctable, mais avec quels moyens ? Le débat ne peut durer éternellement et ce n'est pas autre chose qu'être nihiliste si l'on se contente de critiquer sans présenter de sérieuses propositions. En effet, la politique est en phase de nous prendre en otage et cela ira crescendo, car ce gouvernement ou celui en devenir, sera amené à prendre d'autres décisions plus difficiles. Et si à chaque fois cela soulève un tollé, à défaut d'un débat qui verse dans l'intérêt général du citoyen, le pays risque le blocage. I. Bouhrara Le beurre et l'argent du beurre Dans son intervention, le ministre a soulevé un élément fondamental qu'est la compétitivité de l'industrie marocaine et la compensation. Il a révélé dans ce sens que l'augmentation de la subvention de l'Etat au fuel industriel ne se traduit pas forcément par la création de richesses et d'emplois dans l'industrie nationale. Donc, le pays ne récolte pas forcément un retour sur investissements sur sa subvention des produits pétroliers destinés à l'industrie. L'inexistence de corrélation entre la subvention et la création de richesses rend biaisé l'argument qui lie la subvention à la compétitivité. Modéré, l'Etat cherche actuellement à définir une subvention idéale pour ne pas impacter la compétitivité des entreprises, mais ces dernières aussi doivent lui renvoyer l'ascenseur, en partageant au mieux la richesse et en créant plus d'emplois. Autre argument avancé par le ministre est qu'en vue de limiter tout impact indésirable de l'indexation, l'Etat a mis en place des mesures d'accompagnement susceptibles de préserver le pouvoir d'achat du citoyen. Le ministre remet par ailleurs en cause le jeu à somme nulle de l'indexation, tant décriée par les économistres. Boulif a d'ailleurs formulé le vœu de voir dépassés les calculs superficiels liés à la hausse du prix des carburants et que tous les intervenants devraient chercher à adopter une approche globale fondée sur des études et des analyses susceptibles de fournir une évaluation correcte des retombées positives, de l'indexation sur l'économie du Royaume à court et à moyen termes.