Nous l'avions dit dans ces colonnes : toute mesure visant à réformer le système de compensation, quelle qu'elle soit et fût-elle courageuse, risque d'être impopulaire. Et le gouvernement n'aura pas mis longtemps à apprécier la portée de sa dernière décision relative à l'indexation partielle des prix des carburants sur les cours internationaux. La hausse des prix à la pompe qui en a découlé suscite, visiblement, l'ire d'une partie de la population. En témoignent la grogne sociale naissante, symbolisée par la manifestation de protestation qui a eu lieu dimanche dernier, et la grève de 72 heures déclenchée par les transporteurs le lendemain. Aujourd'hui, le gouvernement essuie une véritable volée de bois vert, dans une fronde menée par son allié d'hier, le parti de l'Istiqlal, instigateur de cette marche de protestation. L'indexation s'inscrit pourtant dans l'optique de résorber un tant soit peu l'hémorragie budgétaire, dans un contexte où le déficit se creuse de plus en plus, rogné par le pernicieux système de subvention. La non-application de l'indexation avait coûté, l'année dernière, 24 milliards de dirhams au budget de l'Etat, comme l'a confirmé récemment Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et Porte-parole du gouvernement. Ce qui est sûr, c'est que la réforme globale du système de subvention est une nécessité pour la viabilité à long terme des finances publiques. En tout cas, au regard de la réaction virulente de l'opposition et des diatribes nourries de la part de certains observateurs, il semble logique de se demander si, effectivement, c'est l'indexation en soi qui est aujourd'hui en cause ou, plutôt, la capacité du gouvernement actuel à gérer les affaires du Royaume. Entre le cafouillage qui a entouré la hausse des prix du carburant (www.financenews.press.ma), l'augmentation récente par les producteurs de 6% du prix du lait, sans que l'Etat puisse s'y opposer, les calculs d'épicier pour réduire le déficit public et l'impasse politique dans laquelle se trouve actuellement le Maroc, il est clair que c'est l'action du gouvernement, ou plus précisément du parti au pouvoir (PJD), qui est en ce moment décriée. Au point que certains demandent, en des termes à peine voilés, au Chef du gouvernement, Abdel-Ilah Benkiran, de rendre le tablier. Légitimement élu, il ne le fera certainement pas. Mais peut-être peut-il au moins... mettre de l'eau dans son vin. Car Benkiran est réputé têtu. Pour dire que la recherche systématique de consensus n'est pas sa tasse de thé. Il préfère les bras de fer, quitte à voir sa législature mise en péril. C'est d'ailleurs ce que lui reproche le PI, qui a claqué la porte du gouvernement. C'est peut-être cela qui explique, aussi, que les négociations entreprises avec le Rassemblement national des indépendants pour former une nouvelle majorité gouvernementale traînent en longueur. L'opposition le dit d'ailleurs assez clairement : ce ne sont pas tant les islamistes qui posent problème, mais c'est la personne de Benkiran. Et cet entêtement coupable risque de conduire le Maroc droit dans le mur.