La récente dégradation du classement du Maroc en matière de compétitivité inquiète à plus d'un titre. L'indexation partielle des produits pétroliers liquides qui va être appliquée risque de remuer le couteau dans la plaie. A défaut de mesures d'accompagnement, le Maroc peut voir ses parts de marché se rétrécir au profit d'autres économies plus agressives. Malgré les efforts déployés sur le plan économique et financier, le modèle de croissance, tel qu'il se présente aujourd'hui, pèche par un problème devenu structurel à savoir la compétitivité. Au moment où nous attendions à ce que notre économie améliore son classement sur le plan international, profitant du marasme politique qui règne dans certains pays à développement comparable, le classement de l'index global de la compétitivité du World Economic Forum (WEF) tombe comme un couperet. Le Maroc arrive à la 77ème place sur 148 avec un score de 4,1 sur 7, alors qu'il occupait la 70ème place sur 144, avec pratiquement le même score, une année auparavant. Pour plus de précisions, cet indice est calculé en prenant en compte plusieurs paramètres, parmi lesquels figurent les besoins basiques (institutions, infrastructures, environnement macroéconomique, etc), où le Maroc occupe la 69ème place et les rehausseurs d'efficience où il occupe la 84ème place. Comme il est bien souligné dans le document annuel du WEF, ce sont surtout l'inefficacité de la bureaucratie gouvernementale, la corruption et l'accès au financement qui entravent la compétitivité nationale. A en croire les économistes, cette hausse n'augure rien de bon. «Parce qu'un déclassement du Maroc va se traduire par des difficultés pour se procurer des ressources à l'international, et en tout état de cause, a un coût de plus en plus élevé, ce qui ne peut qu'accentuer le phénomène de la trappe de la dette» souligne N. Akesbi (voir p 16/17). Elément important de l'environnement macro-économique, le prix du baril de pétrole grève énormément la compétitivité du tissu économique national, à cause de son poids prépondérant dans les coûts de production. Et la question se pose avec acuité dans la perspective d'une répercussion de la hausse du prix du baril à l'international sur le prix national du carburant. Notre tissu économique ne risque-t-il pas de voir grignoter ses parts de marché au profit d'autres économies plus agressives ? A moins d'un revirement de situation, l'indexation partielle des prix de certains carburants aura lieu le 16 septembre. Le gouvernement n'a certes, pas encore ouvertement communiqué sa résolution, mais elle figure déjà dans la dernière édition du Bulletin officiel n° 6182 du 29 août. Sont concernés par cette mesure, les produits suivants : essence super, gasoil et fuel de type 2. Pour le moment, le gaz butane est épargné. Les révisions s'opèreront selon les variations du marché et seront activées à partir d'une fluctuation de 2,5%. «Jusqu'à ce jour, aucune trajectoire n'a été donnée sur l'évolution des prix des produits pétroliers, pas plus qu'une règle d'indexation sur les prix mondiaux», clament les conjoncturistes. D'après eux, la réforme s'apparente plutôt à un choc pétrolier exogène - à une différence près relative à l'amélioration des soldes budgétaire et commercial - qu'à une réforme structurelle bien réfléchie, dont l'objectif est une réallocation optimale des ressources et une mobilisation des potentialités locales. Et si on rationalisait la consommation ! «Le Maroc est arrivé à un niveau insoutenable, ce qui rend la réforme de la compensation urgente. Dans ce sens, cette indexation partielle des produits pétroliers liquides est annonciatrice de l'enclenchement de la réforme d'un système qui n'a que trop duré», affirme un professionnel qui souhaite garder l'anonymat. Et donc selon lui, il ne faut absolument pas voir cela comme une mesure entravant la compétitivité du tissu industriel national. Aussi, s'empresse-t-il d'ajouter : «Beaucoup de secteurs ne sont pas tous grands consommateurs d'énergie et pour les énergivores, comme le BTP, elle ne représente que 5% du coût de la production». Il rappelle à cet égard que les entreprises du bâtiment ont enclenché un processus de mise à niveau de leur procédé de production pour réduire la consommation. Il reste donc le secteur du transport qui bouffe beaucoup d'énergie à cause de son parc vétuste. D'où la nécessité de proposer une prime à la casse pour renouveler la flotte du secteur et réduire sa consommation. Il cite à ce sujet, l'exemple du renouvellement de la flotte des transporteurs de produits pétroliers qui a permis un gain de consommation de 9l/100 km. Assurément, le fardeau de la subvention directe des produits pétroliers pèse lourdement sur les comptes publics : il représente 5,6% du PIB en 2012. Ajoutez à cela le manque à gagner de l'application d'un taux de TVA réduit, le coût total incluant la subvention directe et indirecte des produits pétroliers serait encore plus élevé. Tous ces éléments justifient l'esprit purement comptable et budgétaire derrière l'élaboration de l'indexation, qui n'est guère dissimulée. Aussi, qu'on le veuille ou pas, un changement de mentalité est-il à espérer chez les Marocains pour s'adapter à la réalité que l'ère de l'or noir bon marché est bien révolue et, partant, opter pour des comportements rationnels conséquents.