La flambée des cours du pétrole place nombre de pays en développement dans une situation difficile, les contraignant à remettre en cause leurs mécanismes de subventions aux carburants, au risque de déclencher de graves remous sociaux. Là où la plupart des pays développés, en particulier européens, imposent de lourdes taxes sur l'essence, un grand nombre de pays en développement, un peu partout sur la planète, ont l'approche inverse : ils amortissent à coups de subventions le coût réel des produits pétroliers. Or, la spirale des cours du pétrole -les cours ont plus que triplé depuis début 2002 pour culminer à près de 71 dollars fin août-, font souvent faire le grand écart aux finances publiques des pays adeptes de cette politique, qu'ils plombent à hauteur de milliards de dollars. Au point même de les conduire à prêter une oreille plus attentive aux conseils de rigueur des grandes institutions internationales : celles-ci déplorent les distorsions que ces mécanismes infligent au marché, en particulier en encourageant une consommation effrénée d'essence au moment même où celle-ci se fait rare sur les marchés. Les pays les plus industrialisés, réunis vendredi dernier à Washington pour un G7 Finances en grande partie consacré au problème du pétrole, ont appelé dans leur communiqué à «éviter» les subventions et les mesures qu'ils accusent d'avoir «un effet négatif sur le marché mondial». Car les tensions sur l'essence nourrissent des inquiétudes, en grande partie responsables des cours élevés du brut. Certains pays y viennent progressivement : ainsi, l'Indonésie, gros producteur de pétrole et membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), s'apprête à augmenter de manière radicale (de 30% à 80%) le prix des carburants. L'enjeu est de taille pour cet archipel de 220 millions d'habitants, qui dépense actuellement 20% de son budget à maintenir l'essence à un prix artificiellement bas. Le pays a vu sa monnaie déstabilisée cet été par l'envolée des cours du brut, au point d'inquiéter ses voisins d'Asie du Sud-Est. Mais les exemples sont aussi légion ailleurs, affectant des centaines de millions de personnes sur le globe : en Chine, où les prix des produits pétroliers sont fixés par les autorités à un niveau très inférieur à ceux du marché international, les citoyens ont dû faire face à des pénuries de carburants au cours de l'été. Parallèlement, les compagnies Sinopec et PetroChina, contrôlées par l'Etat, ont subi une perte de 5,7 milliards de dollars au premier semestre du fait de la faiblesse des prix des produits pétroliers, tandis que la contrebande a pris son essor. Malgré cela, le gouvernement n'entend pas changer de politique. La Malaisie, exportatrice nette de pétrole, a été contrainte d'augmenter à quatre reprises les prix de l'essence depuis un an, faute de voir le montant des subventions dépasser les 2 milliards de dollars sur l'année. L'Inde s'est résolue à une hausse de 7% du tarif du carburant en septembre. Au Vietnam, le gouvernement a opté pour une hausse de 12% il y a un mois, tout en prévenant qu'un nouveau "réajustement" pourrait suivre si les cours mondiaux poursuivent leur envolée. La Colombie envisage une mesure similaire. A l'inverse, l'Iran a renoncé à modifier le prix de l'essence, et le Venezuela, où une telle hausse en 1989, avait provoqué le «Carazco», insurrection populaire conclue par des centaines de morts, devrait également s'abstenir. La controverse n'épargne pas l'Afrique : les troubles sont fréquents au Nigeria du fait d'un plan très impopulaire de dérégulation des prix du pétrole et du gazole, ou plus récemment aux Comores, où la capitale Moroni vient de subir plusieurs jours de paralysie suite à une grève générale déclenchée par les chauffeurs de taxis.