◆ Le nombre de transactions n'a pas dépassé 3.500/mois, en temps normal il culminait à 40.000. ◆ Le cadre législatif relatif à l'urbanisme est dépassé. ◆ La fiscalité, le financement, la verticalité, le foncier, le pouvoir d'achat sont les éléments phares sur lesquels il faut capitaliser. Par C. Jaidani L'immobilier est l'un des secteurs les plus importants de l'économie nationale. L'activité a été frappée de plein fouet par la crise sanitaire. Un webinaire a été organisé par Injaz Solutions en partenariat avec CIH Bank sur les perspectives du secteur de l'après Covid-19. Plusieurs intervenants de renom, issus de différents secteurs concernés par l'activité, ont marqué leur présence à cet événement. De prime abord, l'état du lieu du secteur s'est posé avec acuité. Tous les promoteurs présents ont affirmé un arrêt d'activité quasi total. Adil El Bitar, notaire,a résumé la situation en avançant quelques indicateurs révélateurs. «Durant les deux mois de confinement, 7.000 transactions ont été réalisées, soit une moyenne de 3.500 transactions par mois alors que le rythme était de 40.000 en temps normal pour un cumul annuel de 480.000 transactions par an», affirme-t-il. Le même constat est confirmé par les promoteurs qui estiment que le secteur est depuis des années sous l'effet d'unessoufflement qui semble perdurer. Le nombre de transactions a baissé en 2019 de plus de 7,7% et il va baisser encore en 2020 à cause du recul de la demande, des retards de livraison et aussi des perturbations des chaînes d'approvisionnement. «Nous avons vécu des crises mais celle du Covid-19 est brutale et soudaine. Nous avons été pris de cours. Nous n'avons pas pu opter pour le télétravail car notre métier est de terrain. Nous étions contraints d'arrêter la quasi-totalité de notre activité. Une situation qui a créé des problématiques majeures. D'un côté, nous devons honorer nos engagements au niveau des salaires, des banques ou des impôts, et de l'autre, il n'y a pas de recettes», indique Hassan Kettani, président du groupe Kettani Immobilier Pour sa part, Karim Beqqali, président de Yamed Capital, a souligné dans son intervention qu'«il existe une inadéquation entre l'offre et la demande. Les règles d'urbanisme sont rigides et dépassées et plombent le coût des produits. Elles pénalisent fortement le consommateur et donnent ce sentiment de cherté des produits. Le système est compliqué : il faut 120 signatures et six mois de procédures pour démarrer un projet». «Pour assurer sa relance, le secteur immobilier doit relever 5 défis. Il s‘agit de maintenir l'activité et relancer les chantiers; respecter les engagements envers les clients; ceux avec les banques et l'Etat, reprendre l'activité commerciale et enfin le secteur doit résister au choc de la trésorerie», ajoute-t-il. Quant à Mohamed Bouzoubaâ, président de TGCC Immobilier, il estime que «la reprise sera progressive, car elle est conditionnée par le retour des travailleurs dont la plupart habitent dans d'autres régions. Ils ont besoin d'une levée de restrictions sur la mobilité interurbaine». Le financement est un élément central qui a, depuis toujours, assuré le développement du secteur. Les banquiers sont les mieux disposés pour comprendre les atouts et les limites de l'immobilier au Maroc. Leur expérience leur permet de fournir un diagnostic précis et complet de la situation et de proposer quelquesrecommandations. En effet, les banques sont fortement engagées dans le secteur qui représente 250 milliards de DH, soit plus de 30% de leur bilan. Les 2/3 sont orientés au financement des acquéreurs et 1/3 pour financer les promoteurs. «Le secteur immobilier souffrait ces dernières années et les banques aussi à cause de l'inadéquation entre l'offre et la demande. Les politiques sont appelés à redoubler d'effort pour lancer un cadre législatif encore plus approprié pour le secteur. L'expérience du logement social est très réussie. Elle a permis de réduire le déficit dans ce segment de 1 million d'unités à 400.000 seulement», affirmeLotfi Sekkat, PDG du CIH. «Il faut transformer cette crise en une opportunité. Il faut travailler le volet«garantie» et aussi améliorer la qualité de service et des produits qui sont des conditions importantes pour rendre confiance aux acquéreurs. Nous avons voulu créer un label qualité pour ne financer que les promoteurs qui ont ce dispositif. Il faut trouver un terrain d'entente sur la VEFA. Pourquoi elle ne marche pas chez nous alors qu'elle fonctionne parfaitement dans d'autres pays ? Il faut réorienter l'important stockimmobilier vers le locatif et aussi simplifier les procédures et capitaliser sur la digitalisation», précise Sekkat. Les recommandations ou les propositions pouvant donner une nouvelle impulsion pour la reprise ont été bien relatées lors de cette visioconférence surtout que l'immobilier souffrait déjà de beaucoup d'attentisme. Il reste toujours impacté par des problèmes d'ordre structurel. «La relance passe par un retour de confiance chez les acquéreurs. Il faut soulager la pression sur la demande en réduisant les charges fiscalesimmobilières. D'autres mesures sont préconisées comme l'encouragement de l'offre destinée à la classe moyenne et aussi la verticalité pour remédier à la rareté du foncier et du coût de production», rapporte Leila Berrada, Directrice générale de Omnidior. Au niveau fiscal, tous les intervenants sont unanimes pour une révision profonde des dispositions fiscales ayant trait au secteur immobilier. D'autres mesures d'accompagnement peuvent donner une nouvelle vie à l'activité. Parmi les propositions citées, figure notamment la réduction du taux bancaire. Le référentiel immobilier est à revoir, il est disproportionné par rapport à la réalité. Il faut également revoir à la hausse le pouvoir d'achat des ménages. «L'immobilier est l'un des secteurs qui peuvent redémarrer la machine économique. Il faut lui donner les atouts nécessaires pour réussir cet objectif. Il est essentiel de capitaliser sur le patrimoine foncier pour relancer le secteur. L'accroissement du stock et la baisse des avances des clients devraient perturber davantage le marché. Les prix sont plombés par le coût du foncier qui est très cher», affirme Mohamed Hdid, expert-comptable. Il propose une révision des droitsd'enregistrement et de conservation foncière soit à travers des abattements ou des exonérations surtout pour les primo acquisitions. Il faut des arbitrages sur les mesures fiscales et penser au retour socioéconomique