La Banque centrale baisse son taux directeur de 25 points de base à 2%, en soutien à l'activité économique. Le Conseil de Bank Al-Maghrib n'écarte pas l'option de réunions exceptionnelles avant sa prochaine session trimestrielle s'il doit prendre des mesures supplémentaires.
par A.E
Le premier conseil de Bank Al-Maghrib de l'année 2020 avait fort à faire avec la crise mondiale du coronavirus qui frappe de plein fouet l'activité économique marocaine. Observateurs et investisseurs s'attendaient à un geste de la part de la Banque centrale. Ils l'ont eu : Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, a annoncé au cours d'une vidéoconférence post-Conseil, qu'il a été décidé de baisser le taux directeur de 25 points de base à 2% pour soutenir l'activité économique, et ce dans le sillage des mesures prises par les autres Banques centrales depuis deux semaines. Mais cette décision ne va pas assez loin, à en croire certains investisseurs qui s'attendaient à une baisse plus marquée. Aussi, la Bourse, qui était dans une phase de consolidation pendant les premières heures de cotation de ce mardi 17 mars, a-t-elle aussitôt accéléré sa baisse, immédiatement après l'annonce de A. Jouahri. Ce dernier s'est pourtant montré rassurant durant son intervention, n'excluant pas de prendre des mesures additionnelles avant fin juin, date à laquelle le prochain Conseil de la Banque doit normalement avoir lieu. «Il se peut que le Conseil se réunisse avant juin, tenant compte de l'évolution rapide du Covid-19», a assuré le gouverneur de BAM. Autant dire qu'un assouplissement supplémentaire avant la réunion de juin ne serait pas surprenant...
Des prévisions pas alarmistes Voilà pour les mesures de soutien. Pour les prévisions macroéconomiques, la Banque centrale a revu à la baisse la croissance pour 2020. Sa prévision pour l'année en cours passe de 3,8% (prévision établie en décembre 2019) à 2,3%. Mais il y a fort à parier que cette croissance relativement optimiste sera revue prochainement à la baisse. Jouahri en convient : «Ces prévisions sont entourées de fortes incertitudes et sont sujettes à une révision à la baisse si la propagation de la pandémie Covid-19 au niveau mondial n'est pas contenue à court terme», a-t-il martelé. L'arrêt d'activité de pans entiers du tissu économique du Royaume, que ce soit dans le textile, l'industrie automobile, ou encore le tourisme, etc., devrait vraisemblablement avoir un sérieux impact sur le rythme de croissance. L'économie mondiale, considérablement ébranlée par la pandémie, devrait également peser sur la demande adressée au Maroc. L'espoir d'une reprise économique 2020 s'est en effet largement estompé avec la propagation de la pandémie du Covid-19, dont l'ampleur de l'impact s'avère de plus en plus importante. «Dans les principaux pays avancés, la croissance s'affaiblirait significativement, avant de rebondir en 2021», estime Bank Al-Maghrib. Toujours est-il que la seule certitude concerne la campagne céréalière, qui ne sera pas au rendez-vous cette année. La valeur ajoutée agricole régresserait de 2,7%, avec une récolte céréalière estimée sur la base des données relatives aux conditions climatiques et à l'état de la végétation disponibles au 10 mars, à 40 millions de quintaux. Si les prévisions de croissance sont entourées de grandes incertitudes, de la même manière, quel crédit accordé aux prévisions concernant les comptes extérieurs, avec peu, voire pas du tout de visibilité sur les transferts des MRE, sur les recettes de voyages, ou encore sur le commerce extérieur ? Quoi qu'il en soit, BAM estime que les réserves internationales nettes progresseraient de 245,6 milliards de dirhams en 2019 à 246 milliards à fin 2020, puis à 251,9 milliards au terme de 2021. Elles devraient ainsi assurer une couverture de plus de 5 mois d'importations de biens et services. L'incertitude entoure aussi les prévisions relatives aux finances publiques, dans un contexte où le gouvernement va déployer un effort budgétaire conséquent pour contrer les effets de la pandémie. La Banque centrale souligne d'ailleurs qu'à moyen terme, le processus de consolidation budgétaire devrait se poursuivre, à un rythme «plus lent» que prévu en décembre. Ainsi, le déficit budgétaire hors privatisation devrait, «compte non tenu des efforts exceptionnels que le gouvernement est amené à consentir dans la conjoncture difficile actuelle», connaitre une légère atténuation à 4% du PIB en 2020, puis à 3,9% du PIB en 2021. Sur ce point aussi, Jouahri prévient que «l'évolution rapide de cette pandémie exige l'actualisation fréquente de l'évaluation de la situation et des prévisions économiques». Vous l'aurez compris, le flou est total et appelle à une vigilance de tous les instants.