Face à l'enlisement de la crise mondiale, Nizar Baraka appelle à la vigilance. Il ne cache pas que les marges de manœuvre du Maroc se réduisent, mais il appelle à oser et à innover, puisque les solutions alternatives se sont avérées peu porteuses. Plus la crise mondiale s'inscrit dans le temps, plus le Maroc voit sa marge de manœuvre réduite pour pallier ses effets. Et la crise est partie pour durer... C'est en sus ce qu'a déclaré Nizar Baraka, ministre de l'Economie et des finances cette semaine. Intervenant à l'ouverture de la 4ème édition du Forum de Paris-Casablanca Round, le ministre a décrit un contexte mondial de plus en plus imprévisible et de plus en plus complexe. «En effet, il est aux prises à de profondes mutations avec des incidences importantes...», estime-t-il. En effet, et comme l'a si bien souligné Albert Mallet, le président fondateur du Forum de Paris, les interrogations d'il y a douze mois, celles de la précédente édition, continuent de se poser avec acuité ! Les questions politiques restent également très préoccupantes. Faut-il pour autant en rester là à se lamenter parce que le temps presse et qu'il est urgent de trouver des solutions ? Malgré ce contexte très difficile, certains pays s'en sortent mieux que d'autres. Notamment les pays émergents qui, malgré une atténuation du rythme de croissance sous l'effet de la crise, enregistrent des croissances à plus de deux points. «Le Maroc fait partie de cette dernière catégorie. Mais la vigilance doit rester de mise. Car avec le temps, les marges de manœuvres de l'Etat marocain s'amenuisent et il est impératif d'éviter le risque de déstabilisation de nos fondamentaux et d'une baisse de croissance avec tous les effets politique, économiques et sociaux qu'elle peut avoir», martèle N. Baraka. Le ministre de l'Economie et des finances préconise qu'un renouveau dans l'appréhension de la crise s'impose. « Il nous faut définir vers quoi nous voulons aller. Il s'agit d'innover. Les solutions alternatives restent classiques et redondantes. Il faut oser la rupture dans la gouvernance et dans la manière d'agir», souligne l'argentier du Royaume. Il a d'ailleurs appelé de son vœu à humaniser la mondialisation ! Et aujourd'hui, le temps presse et le risque est grand de voir la crise s'enliser et, par conséquent, les marges se réduire davantage telle une peau de chagrin, aussi bien pour le Maroc que pour le reste du monde. « Oser ! C'est ce qu'il faut faire pour le Maroc. Il s'agit bien d'un pays modèle mais pour le maintenir en l'état, la solidarité et la mobilisation doivent prévaloir », telle est la recette de Nizar Baraka. En effet, le ministre estime que le Maroc dispose des ingrédients pour maintenir le cap, notamment avec la nouvelle Constitution, le Statut avancé, le Partenariat avec le Conseil de coopération du Golfe, le maintien de la notation du pays, la confiance du FMI qui maintient la ligne de précaution d'un montant de 6,4 milliards de dollars. Mais ces efforts ne sauraient prendre forme qu'avec une réelle convergence politique et économique du Pays. «On ne parlera plus de l'axe Rabat et de l'axe Casablanca mais de l'axe Maroc. C'est ce qui permettra de saisir pleinement les opportunités qui s'offrent, et de bien négocier les changements qu'impose la crise mondiale. Nous appelons de nos vœux la formulation de cette convergence dans un Pacte national qui constituera une feuille de route et donnera un élan à la dynamique de réforme que mène le gouvernement marocain», annonce le ministre. Et les réformes en attente sont légion, notamment celles de la Justice, de la compensation, de la retraite, de la fiscalité, de la Loi organique des Finances et du renforcement de la protection sociale ! Autant de réformes que le ministre espère qu'elles participeront à renforcer la compétitivité et la croissance soutenue du pays et, surtout, qu'elles renforceront le bien-être de la population. Le ministre a d'ailleurs rappelé l'ambition du pays de devenir un relais d'investissement, un hub régional du continent africain. Il a d'ailleurs évoqué le problème de l'intégration régionale. «Une alternative pour nous autres Maghrébins est l'intégration régionale. Parce qu'elle permet à la consolidation politique de la région d'en faire une plateforme d'investissement et, surtout de constituer un bloc de taille critique et compétitif». Une non intégration qui nous coûte jusqu'à deux points précieux de croissance par an ! I. Bouhrara Oeuvrons pour un Maghreb-Uni ! Le Forum de Paris se veut également une occasion de débattre de l'avenir des pays ayant connu le «Printemps arabe». D'après Jaloul Ayed, Premier ministre des Finances de la révolution du Jasmin en Tunisie, le pays a réussi sa première transition démocratique. « Aujourd'hui, la Tunisie aborde sa deuxième phase. Ce qui me rend anxieux, c'est surtout quand elle va tirer à sa fin» s'inquiète J. Ayed. Ensuite, il faut basculer dans une transition démocratique dont lacondition sine qua non de la réussite est la prospérité économique. Il ne faut pas omettre que les raisons de la révolution du Jasmin sont fondamentalement économiques. Et donc, tant que ce n'est pas encore réglé, elle risque de perdurer. J. Ayed donne ainsi l'exemple du taux de chômage qui oscille actuellement autour de 18%. Pis encore, dans certaines régions internes, il est de l'ordre de 40% au sein d'une population de diplômés chômeurs. Le Premier ministre est confiant : à des problèmes économiques, des solutions économiques. Il propose comme ultime solution l'investissement. Dans un pays comme la Tunisie, c'est l'investissement public qui se taille la part léonine. Le gouvernement est le premier investisseur et le premier employeur. Or, si on y regarde de près, il n'a vraiment pas beaucoup de latitude pour le faire. 60% du budget sont dédiés au fonctionnement et seulement huit Mds de dinars sont réservés à l'équipement. Ceci laisse prédire que le gouvernement tunisien appuie plus la consommation que l'investissement. «En 2012, seuls 60% des projets inscrits dans le budget sont réalisés», annonce J. Ayed. Il est temps que l'investissent privé prenne la relève. Malheureusement, les groupes privés n'ont pas cette propension à investir, pour des raisons d'insécurité. D'où le nouveau rôle que l'Etat est appelé à jouer. Il est exhorté à passer d'un Etat-providence à celui de partenaire. Ou plus précisément, il s'agit de créer les conditions propices à même de mobiliser toutes les forces vives de la nation. Sa participation pourrait également consister en une privatisation des entreprises publiques et en une disponibilité de réserves foncières. Et pour couronner le tout, il faut mener des réformes profondes (repenser le système éducatif, inculquer une culture d'excellence, développer le système financier). Valeur aujourd'hui, la Tunisie ne dispose pas d'un marché de capitaux performant. « Une chose est cependant sûre : la crise qui frappe encore à notre porte est beaucoup plus importante. Il faut absolument que nous soyons prêts par le biais de la mise en place des conditions d'une Union maghrébine » conclut J. Ayed.