Le développement des PPP au Maroc a constitué un changement culturel dans les relations entre les secteurs public et privé. Les PPP se sont développés dans notre pays malgré l'absence d'un cadre réglementaire et juridique spécifique. Pour Samir Mohammed Tazi, Directeur de la Direction des entreprises publiques et des participations (DEPP), l'adoption du nouveau projet de loi offrira aux investisseurs plus de visibilité et de garanties quant aux relations entre le secteur public et le secteur privé. Finances News Hebdo : Au cours de cette dernière décennie, les PPP au Maroc ont connu une accélération remarquable. Comment évaluez-vous ce développement sachant que les PPP touchent désormais différents secteurs, outre la gestion déléguée ? Samir Mohammed Tazi : Effectivement, au cours de la dernière décennie, le recours aux PPP a connu un développement remarquable dans de nombreux secteurs d'activité, notamment celui de l'énergie. Ils figurent actuellement parmi les priorités du gouvernement pour accélérer le rythme de réalisation des infrastructures économiques et sociales et l'offre de services publics de qualité, afin de contribuer à améliorer les conditions de vie des populations et à développer la compétitivité de l'économie nationale. Le PPP consacre ainsi un changement culturel dans les relations entre les secteurs public et privé, se traduisant par une mutualisation des ressources et un partage des risques dans une relation gagnant-gagnant pour les deux parties. F. N. H. : Jusqu'à aujourd'hui, le PPP se fait en l'absence d'un cadre réglementaire et juridique particulier. Quelle est la finalité de cette nouvelle loi et quels sont les enjeux pour l'économie ? M. S. T. : L'absence d'un cadre réglementaire et juridique particulier au PPP n'a pas empêché le développement des projets PPP. Le Maroc dispose en fait d'un arsenal juridique important en matière de gestion déléguée, matérialisé par la loi n°54-05 de 2006 et par un ensemble de lois sectorielles qui autorisent le recours au PPP pour la réalisation de projets dans certains secteurs tels que l'énergie, l'eau et les ports. Aussi, la mise en place d'un cadre juridique dédié au PPP applicable à l'ensemble des secteurs d'activité et des acteurs publics renforcera certainement la visibilité et constituera un élément important d'attractivité des investissements tant nationaux qu'étrangers. Le nouveau projet de loi sur les PPP a donc pour finalité d'harmoniser le cadre général de préparation, d'attribution et de suivi des projets PPP et d'assurer son alignement sur les meilleurs standards internationaux en la matière. Les PPP permettront de démultiplier et d'activer l'offre de services d'infrastructures de qualité, et ce sur l'ensemble du territoire marocain afin de satisfaire les besoins des citoyens. Ils constitueront, également, un élément important d'encouragement des petites et moyennes entreprises nationales à participer dans des projets structurants, notamment à travers la sous-traitance, ce qui va permettre un partage du savoir-faire et favoriser l'émergence d'acteurs locaux de référence. F. N. H. : Pourriez-vous nous rappeler les principaux axes de ce projet de loi ? M. S. T. : Ce projet de loi est basé, dans sa philosophie, sur les principes de la bonne gouvernance consacrés par la nouvelle Constitution. Il a pour objectif de renforcer la concurrence et la transparence et d'introduire de nouveaux procédés dans la gestion de la commande publique, notamment l'évaluation préalable des projets, le dialogue compétitif pour le montage des projets complexes, la rémunération sur la base de la performance, le partage optimisé des risques et le contrôle strict des engagements contractuels. Les PPP constituent une nouvelle génération de contrats qui lient les prestations à des objectifs de performance dont l'atteinte conditionne le paiement du partenaire privé, fixent les modalités de leur mesure et de leur contrôle, mettent les risques à la charge de la partie à même de les prendre en charge à moindre coût, instituent des sûretés et des garanties pour faciliter le financement des projets et régissent les modalités de règlement des litiges. F. N. H. : Ce cadre juridique et réglementaire va certainement porter sur l'équilibre et l'équité entre les deux parties, et donc sur une gouvernance pérenne de ces contrats. Cette démarche va-t-elle attirer d'avantage d'investisseurs étrangers ? M. S. T. : Avec ce nouveau texte, le Maroc va, désormais, disposer d'un cadre juridique clair et incitatif qui s'appuie sur les bonnes pratiques internationales en matière de PPP, offre les garantit d'une concurrence saine et d'un équilibre des relations entre le secteur public et le secteur privé. Il prévoit un dispositif efficace de règlement des différends, de contrôle et de suivi des projets et traite des sûretés et garanties nécessaires pour faciliter le financement. Le projet de loi sur les PPP constitue un outil important dans l'amélioration du climat des affaires au Maroc et contribuera, à côté des autres textes existants ou en cours de préparation, à développer davantage l'attractivité des investissements étrangers dans notre pays. F. N. H. : Outre le cadre réglementaire, quels sont les autres freins majeurs ? M. S. T. : A côté de la mise en place du cadre juridique, il y a lieu également de mettre en place une approche programmatique pour le développement des projets PPP, répondant aux priorités du pays et en phase avec les plans d'action des différentes stratégies sectorielles engagées par le Gouvernement. De même, nous sommes appelés à créer, au niveau des départements ministériels et des EEP, des centres d'expertise dotés des profils et des compétences nécessaires et à même de mener à bien les projets PPP et à renforcer la coordination entre les différents intervenants pour donner plus de visibilité aux investisseurs et réussir la réalisation des projets. Propos recueillis par Lamiae Boumahrou