La baisse des taux réduit sensiblement la rémunération des produits classiques d'épargne. Comment généraliser une offre en unités de compte mieux rémunératrice, mais plus risquée ? Les banques privées sont pour le moment le laboratoire de développement de ces produits.
Par A. Hlimi
Le sujet fait la Une des quotidiens économiques cette semaine en Allemagne et en France. Certains gros assureurs du Vieux continent ont refusé de nouveaux contrats d'épargne classiques, appelés communément fonds en Euros, car ils sont adossés aux obligations d'Etat. Ces obligations étant passées en taux négatifs depuis quelques semaines, elles ne peuvent plus assurer une rémunération aux épargnants. Au Maroc, nous sommes bien loin de cette situation de marché. Mais le constat immuable de la durabilité des taux bas fait l'unanimité chez les économistes et les professionnels des marchés. Le wali de la Banque centrale avait d'ailleurs expliqué en milieu d'année que d'autres baisses des taux constituaient un risque pour la rémunération de l'épargne longue. Au même moment, nous faisions réagir des institutionnels sur cette situation dans nos colonnes et, pour eux, la recherche d'alternatives de placement devenait un sujet de préoccupation : OPCI, partenariats publics privés, non-coté... Autant de pistes qui sont évoquées pour limiter l'impact de la dégradation de la rémunération des produits sans risques.
Unités de compte Les professionnels de la bancassurance ne sont pas confrontés au problème de la même manière. Les plus grands groupes financiers, avec une plus grande clientèle patrimoniale, sont les plus exposés à la problématique de la baisse des rémunérations. «Pour retenir les clients fortunés, il faut pouvoir leur présenter des alternatives», nous confie un professionnel du marché. Et quand on sait que la rémunération des dépôts n'est pas une option économiquement viable pour ces groupes, l'on comprend que le renouvellement de l'offre des produits est la seule issue. Les contrats en unités de compte sont indiqués pour cette problématique. Ces produits d'épargne permettent un investissement multisupport, avec une dose de risque adaptée au profil de l'épargnant. Le management de Wafa Assurance, leader sur l'épargne, évoquait ce point lors de la présentation des résultats semestriels tenue il y a quelques jours. Pour la compagnie, «il faut désormais penser à des produits d'épargne plus sophistiqués pour compenser l'impact de la baisse des taux sur le rendement de ces produits». «C'est la fin d'une époque de forte croissance. L'épargne atteint désormais un plateau», précisait Rasmès Arroub, PDG de la compagnie. Et pour capter de meilleures performances pour les clients, toute la démarche commerciale est à revoir. Ces contrats, qui peuvent même garantir le capital si la durée de détention est longue, ne sont pas si simples à placer.
Des produits difficiles à placer et à généraliser Les professionnels de l'assurance sont unanimes. Placer ce type de produits n'est pas facile. Il demande un minimum de connaissance de la part du client. Que ce dernier ait une expérience avec les produits en actions ou les OPCVM et donc qu'il soit familiarisé avec le risque (bien que les unités de compte offrent un risque moins élevé grâce à la diversification) et, deuxièmement, que le produit soit bien expliqué, et donc des ressources humaines qualifiées pour accompagner le client. C'est peut-être la raison pour laquelle les banques privées sont pour le moment le laboratoire de développement de ces produits. «Le contexte peu attractif du marché boursier, qui rend les épargnants peu intéressés par le produit, est un autre phénomène bloquant», poursuit notre source. Et si les placements affectés à ce type de produits ont bondi de plus de 50% en juillet, les professionnels n'attendent une réelle explosion des souscriptions qu'après une remontée du marché boursier. Un mouvement «moutonnier» pourrait se mettre en place, un phénomène de «mode» en somme qui mettra en avant l'attrait de ces produits. C'est d'ailleurs la promesse faite par les compagnies d'assurances à leurs clients : ces contrats permettront de capter la hausse du marché actions et d'en limiter les effets pervers. Mais, avertit notre source, «le plus grand défi des contrats en unités de compte reste leur généralisation au réseau bancaire classique». Les banquiers devront alors travailler à standardiser le produit, sans en limiter le potentiel. Mais sur ce point, le secteur ne se montre pas particulièrement pressé. L'industrie de l'épargne travaille plutôt à cantonner les frais de gestion et les coûts apparents des contrats classiques pour garder une clientèle qui, pour le moment, reste sur ces produits uniquement pour leur défiscalisation, avantage tout de même non négligeable pour les épargnants, qu'ils soient petits et grands.
Encadré : Manque d'instruments Le potentiel des produits d'épargne en unités de compte est intimement lié à la diversité des supports de placement sur lesquels ils peuvent s'appuyer. On parle d'OPCI, mais l'avènement des ETF's et d'autres instruments financiers alternatifs donnera de la profondeur au marché. Le marché européen de l'épargne a, par exemple, gagné en profondeur parallèlement au développement de nouveaux instruments financiers. Faire de la diversification à travers deux types de sous-jacents, actions ou taux, semble avoir atteint ses limites au Maroc au moment où aucun des deux n'offre suffisamment de rendement aux nouvelles générations d'investisseurs. ◆