Le système fiscal souffre de certaines carences importantes dans sa pratique, ce qui fait que de grands pans de l'activité et de nombreux contribuables continuent de fuir devant l'impôt. Face à un déficit budgétaire, la réflexion sur la réforme fiscale d'aujourd'hui doit porter sur la globalité de notre système de prélèvement et de réallocation de ressources. Cette réforme ne doit en aucun cas être traitée comme une réforme technique, mais comme une réforme politique profonde. La rencontre tenue récemment par le Conseil économique et social sur la fiscalité. Le choix du thème n'est pas fortuit, mais découle du rôle que joue la fiscalité dans le développement économique du pays et les questionnements qui se posent à l'heure actuelle à son égard, en termes de justice et d'équite. Les responsables du CES sont convaincus que la réforme du système fiscal devrait s'inscrire dans la continuité, au lieu de mesures ponctuelles à l'occasion de chaque Loi de Finances. Toutefois, le système fiscal marocain, tel qu'il se présente aujourd'hui dans son architecture générale, peut être considéré comme un système moderne, semblable à ce qui se pratique dans les pays à économie ouverte. «La réglementation fiscale a fait l'objet de profondes réformes au cours de la dernière décennie. Et notre économie nationale a bien enregistré les effets positifs de ces réformes, notamment l'allègement de la pression fiscale. Cependant, ces réformes restent insuffisantes si l'on juge le classement du Maroc en matière d'attractivité fiscale», explique un fiscaliste. Notre système fiscal souffre de certaines carences importantes dans sa pratique, dans la gestion de la relation entre l'Administration et le contribuable, ainsi que dans l'incivisme fiscal qui fait que de grands pans de l'activité et de nombreux contribuables continuent de fuir devant l'impôt. Dans un monde en profonde mutation, l'adaptation du système fiscal constitue désormais une priorité. Si on commence par la compétitivité des entreprises, elle est un élément fondamental pour la création de richesses et d'emplois. Inutile de rappeler que le système fiscal marocain a été construit à une époque où les entreprises bénéficiaient de protections douanières assez élevées. Etant donné que ces barrières sont levées, il est utile de s'interroger sur la capacité de ce système à être un facteur favorisant la production nationale. «Il est également primordial de veiller à ce que l'impôt ne soit pas considéré comme une contrainte, mais également comme un facteur de création de lien social et de solidarité». La cohésion sociale se veut également un facteur de stabilité sociale et politique qui doit être au centre des préoccupations. Notre système de création et de redistribution de richesses, notre capacité à développer la classe moyenne et à faire évoluer son pouvoir d'achat doivent être revisités, pour plus d'efficacité, mais également pour davantage de justice et d'équité sociale. Partant de ce diagnostic, le Conseil Economique et Social a décidé, dans le cadre d'une autosaisine, de lancer une réflexion sur le sujet de la fiscalité, comme levier de développement et comme instrument pour instaurer l'équité entre citoyens, comme le stipule la Constitution du Royaume. Après de nombreuses séances d'audition avec les différentes parties prenantes de la fiscalité et les représentants de différentes catégories, le CES a travaillé sur un diagnostic général du système, puis sur des propositions de réforme. Système fiscal vs protection sociale Dans la situation actuelle de fort déficit budgétaire, les arbitrages en faveur d'un alourdissement de la fiscalité, ou d'une allocation en faveur des dépenses courantes et en défaveur de l'investissement productif ou social demeurent très forts. C'est ainsi que la réflexion d'aujourd'hui doit porter sur la globalité de notre système de prélèvement et de réallocation de ressources. On ne peut donc isoler le système fiscal du système de couverture sociale ou de celui de la compensation. La protection sociale reste ainsi très largement parcellaire, des franges entières de la population ne bénéficient d'aucune couverture. Les couvertures existantes, comme celles des retraites, ont atteint un niveau où leur pérennité est menacée. Pour la C,aisse de compensation, au rythme où elle a évolué ces dernières années, il devient clair que ce système ne peut plus continuer à fonctionner sur les mêmes principes. D'après les responsables du CES, l'affectation des ressources rendues disponibles par la réforme de la Caisse de compensation doit être un sujet de débat national. Si une partie doit être destinée à réduire le déficit budgétaire, il est essentiel qu'une part significative de ces ressources n'aille pas aux dépenses courantes et soit orientée notamment vers le financement des besoins de la couverture sociale. Une couverture sociale qui doit évoluer, d'une part, dans sa composante retraite dont l'équilibre futur n'est pas assuré, d'autre part, dans sa composante santé qui s'élargit via l'AMO et le RAMED, mais aussi dans sa composante de soutien à la perte d'emploi avec l'instauration envisagée de l'Indemnité pour perte d'Emploi. Les responsables du CES estiment qu'il est plus judicieux de faire des choix en faveur de l'élargissement du financement de la protection sociale par des ressources autres que les prélèvements calculés sur le coût du travail. D'après eux, c'est dans cette logique que doit être appréhendée la réforme fiscale qui ne doit en aucun cas être traitée comme une réforme technique, mais comme une réforme politique d'ampleur, faisant partie de la révision de nos instruments d'incitation économique et de redistribution. Pages réalisées par S .E. & I. B.