Plusieurs études ont montré que les produits islamiques sont plus résilients aux crises systémiques bancaires que ceux conventionnels. Bien que le volume des contributions reste marginal au niveau international (12 Mds $), dans certains pays du monde musulman le Takaful devient progressivement le système de référence. Au Maroc, le projet relatif au Takaful doit incessamment passer par des circuits d'approbation. C'est le Conseil des Oulémas qui est le seul habilité à se prononcer sur la conformité aux préceptes de la Charia. A la veille de l'adoption du projet de loi relatif à la finance islamique, le débat continue sur les soubassements de cette discipline, sa portée et, bien entendu, les critères de sa réussite. Des personnalités éminentes qui ont roulé leur bosse dans le monde de la FI sous d'autres cieux, ont été invitées récemment à la Conférence internationale islamique en vue de partager avec les opérateurs marocains leurs expériences. Cette conférence à caractère scientifique se veut un espace de réflexion et d'échange entre experts internationaux, hauts responsables et décideurs politiques. Elle permet de faire un benchmark des expériences des pays qui ont adopté ce système afin de tirer des enseignements. Le secteur de la finance islamique mondial connaît actuellement une croissance soutenue. Le marché financier islamique (banque alternative et assurance Takaful) regroupe dans le monde quelque 300 banques islamiques et 250 compagnies d'assurance Takaful. Dans un environnement évolutif, le Maroc reste à la traîne. «Au cours des dernières années, le Maroc a évolué à tous les points de vue sauf en ce qui concerne la finance islamique», constate R. Ouaich, chef des Opérations européennes à Wafra Capital Partners (Luxembourg). Une dizaine de slights des cartes géographiques présentées à l'auditoire montre que le Maroc est un grand absent. C'est donc la perception qu'a le monde du Maroc. Et pourtant, la FI est avant tout internationale, elle n'a pas de frontières et n'est pas spécifique aux pays musulmans. En Afrique, c'est moins développé. L'Asie du Sud-Est est la région du monde où la finance islamique est la plus développée. Dans cette région, l'Islam est arrivé par le biais du commerce. Ces pays ont tout de suite compris que la FI est très importante et ont tenté de la développer fortement, en particulier la Malaisie. Cette dernière est un laboratoire de produits de la FI. «Ce pays dispose de toute la panoplie des produits : Takaful, banque, capital market», confirme R. Ouaich. La Malaisie fonctionne à la fois de manière conventionnelle et islamique. Aussi, dans ce pays, la FI est domestique et s'intéresse en premier lieu au marché local. «Aujourd'hui, la Malaisie a bien réussi la FI en interne et commence à la développer à l'étranger», annonce-t-il. Côté chiffres, la FI draine aujourd'hui 1.329 Mds $. L'Asie à elle seule draine 284 Mds $ d'actifs islamiques. En Asie, les Sukuks* sont de l'ordre de 120 Mds $. En fait, le continent asiatique a développé simultanément le sukuk et le Takaful. Maroc : Où en sommes- nous ? Othman Khalil El Alamy, Directeur général adjoint à la DAPS, explique à ce sujet : «Pour ce qui est du la Takaful, nous n'avons pas encore une réglementation concernant ce type d'assurance, mais nous sommes en phase de la mettre en place». Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a une forte volonté du gouvernement à ce niveau. Avec la participation du secteur des assurances, les textes ont été quasiment validés. Mais nous en sommes encore au stade de projet. Un projet qui doit passer incessamment par plusieurs étapes : Conseil du gouvernement... jusqu'au SGG. D'après O. El Alamy, les principes généraux de l'assurance Takaful : le risque assurantiel est supporté par la collectivité des participants avec la possibilité d'octroi par l'opérateur d'une avance sans intérêt en cas de déficit ; l'investissement dans des valeurs conformes à la charia et la participation dans l'assurance Takaful est basée sur le don (Tabarru). Nous pouvons imaginer deux modèles possibles : soit que le Takaful est exercé par une entreprise classique, auquel cas on parle de window Takaful.Les contrats Takaful sont gérés d'une manière séparée à tous les niveaux. Le second modèle est le Takaful exclusif, ce qui signifie que l'agrément est donné à une compagnie d'assurance qui va gérer le fonds Takaful moyennant une commission. «Le système de gestion que nous souhaitons adopter au Maroc est hybride», précise O. El Alamy. Nous prévoyons que ce sont des entreprises d'assurance exclusives qui feront le Takaful. La particularité du Maroc en tant que pays musulman est la Commanderie des croyants. Si les autres pays ont des instances au sein même des entreprises qui vont se prononcer sur la conformité des produits à la charia, ici au Maroc, c'est le Conseil des Oulémas qui est le seul habilité à se prononcer. Quid des facteurs de réussite de la FI ? Entre 2007 et 2011, les actifs bancaires islamiques ont crû de 21%, sachant qu'aucun actif de la finance conventionnelle ne peut se targuer d'avoir réalisé un tel taux de croissance. Quels sont les éléments clés de succès de la croissance de la FI ? D'après R. Ouaich, ils sont au nombre de quatre : une performance financière stable, une croissance de la micro- finance, la croissance soutenue dans l'offre des produits islamiques à la population et une relation très forte entre les intermédiaires islamiques. Pour Ada Di Marzo, associée à Bain Company, il existe 5 facteurs clés de succès : l'engagement des autorités dans le développement de la FI, l'existence d'un centre de la finance conventionnelle crédible, notamment pour les pays en développement, la capacité à déployer un écosystème avec des infrastructures, un marché domestique attractif et un environnement des affaires favorable. Le benchmark de douze centres islamiques fait ressortir que la Malaisie se positionne en première position. Il y a aussi la Turquie qui voit émerger la finance islamique grâce à un marché domestique développé. Avant de développer la finance islamique, il faut se poser une question de positionnement (niche, multimétiers...). Et savoir comment mettre en place un écosystème durable. Au-delà des facteurs clés de succès, le développement de la FI nécessite une approche cohérente et bien établie dans le temps. Il est à savoir que bien qu'initiée à la fin des années 70 au même titre que la Banque islamique, l'Assurance islamique dite Takaful est restée peu connue. Dans le monde musulman, l'attitude face au risque, l'ambiguïté autour de la licéité de l'assurance, son faible taux de pénétration et la perception d'un système plutôt «socio-caritatif» par les milieux financiers, expliquent en grande partie son expansion tardive. Bien que le volume des contributions reste marginal au niveau international (12 Mds $), dans certains pays du monde musulman le Takaful devient progressivement le système de référence. (*) Le Sukuk est un produit obligataire islamique. Il a une échéance fixée d'avance et est adossé à un actif permettant de rémunérer le Placement en contournant le principe de l'intérêt. Sans surprise, les Sukuk sont structurés de telle sorte que leurs détenteurs courent un Risque de crédit et reçoivent une part de profit et non un intérêt fixe et commun à l'avance. Dossier réalisé par S. E. & I. B. Cas de la Malaisie Dans son voyage de la finance islamique, la Malaisie a traversé un cycle de trois stades de son évolution. La première étape a porté sur la mise en place de fondations telles que l'établissement des législations spécifiques pour les banques islamiques et Takaful. La deuxième étape à consisté a accorder une plus grande importance à l'environnement propice à l'innovation accrue pour le secteur. La dernière étape est enfin axée sur la promotion de l'intégration financière avec le système financier mondial islamique