Des experts de divers horizons se donnent rendez-vous à Skhirate pour débattre des nouveaux défis de la protection sociale. Les systèmes de protection sociale devraient s'adapter à l'émergence d'une “société de longue vie". «Il n'est richesse que d'hommes» écrit Jean Bodin, philosophe. Cette citation trouve aujourd'hui toute sa raison d'être. Les récents évènements qu'ont connus certains pays de la région ont révélé des mutations profondes, traduites par des revendications légitimes des citoyens pour le droit au travail et à la protection sociale. La persistance des inégalités économiques et sociales, accentuée par les effets de la crise économique, financière et alimentaire, a été à l'origine de tensions sociales contre des modes de gouvernance peu participatifs et ne répondant pas aux attentes légitimes des populations. Un lien de cause à effet s'établit alors entre la paix sociale et la performance économique. Une protection sociale inefficace va à l'encontre de la cohésion sociale. Des classes peuvent ainsi rester à la traîne du mouvement général sans pouvoir participer au développement économique. En vue d'un meilleur échange d'expériences entre les différents pays, la CDG organise aujourd'hui, sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Colloque International sur l'extension de la protection sociale. Scientifiques, universitaires, experts en la matière sont au rendez-vous afin de débattre des états des lieux, des enjeux et des défis de la protection sociale. Le dernier rapport de l'Organisation Internationale du Travail sur la sécurité sociale dans le monde, souligne que seul un tiers des pays du monde, soit 28% de la population mondiale, bénéficie d'une couverture sociale étendue (soins médicaux, retraite et chômage...). «En Afrique, seuls près de 10 % des travailleurs, essentiellement ceux qui opèrent dans le secteur de l'économie formelle, bénéficient d'une couverture sociale. Les exclus de la majorité se retrouvent dans le secteur de l'économie informelle et au sein des populations pauvres et vulnérables», apprend-on dans le même rapport. La réforme de la retraite traîne encore Au Maroc, 79% des salariés ne bénéficient d'aucune forme de protection sociale. La protection sociale reste l'apanage d'une minorité de privilégiés. Depuis qu'on en parle, la réforme de la retraite en est toujours au stade de projet ! Or, le durcissement du contexte économique impose, aujourd'hui plus que jamais, une réforme effective de notre système. Les systèmes traditionnels de protection sociale n'arrivent pas à faire face aux défis lancés par un contexte nouveau, singulièrement marqué par une série de crises économiques et financières. Un contexte caractérisé par une instabilité accrue en raison d'un taux de chômage élevé, d'une augmentation de la pauvreté, d'une précarité du marché du travail et d'une économie informelle qui gagne du terrain. L'ensemble de ces facteurs rendant de plus en plus complexe toute extension de la protection sociale. L'évolution démographique (baisse de la fécondité et allongement de l'espérance de vie) est à l'origine d'un vieillissement des populations et d'un accroissement de la population des “seniors". Les systèmes de protection sociale devraient s'adapter à l'émergence d'une “société de longue vie", dans laquelle les personnes de plus de 60 ans représentent un effectif important. Une réalité qu'il faut désormais prendre en considération. Les salariés et titulaires de pensions des secteurs public et privé bénéficient aujourd'hui du régime d'Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et d'un régime de retraite de base. Cette population représente environ 34% de la population totale. Par contre, la population des indépendants, estimée de l'ordre de 36% de la population, comme les professions libérales, les commerçants, les artisans, c'est-à-dire la population qui exerce une activité non salariée, ne bénéficie pas à ce jour d'un système obligatoire de protection sociale. Il convient de rappeler que la loi 65-00, portant code de la couverture médicale de base, énonce clairement que les dispositions relatives au régime AMO de base s'appliquent aussi à la population des indépendants, «toutes catégories socio-professionnelles confondues» explique C. Tazi, Directeur général de l'ANAM. Le régime AMO couvre pratiquement toutes les maladies, sans plafond de couverture, y compris les maladies chroniques dont la part qui reste à la charge des assurés ne dépasse pas les 250 dhs par mois, quelle que soit la nature de la maladie. En ce qui concerne la couverture retraite, qui constitue, évidemment, un volet essentiel de la protection sociale, le retard pris dans le bouclage de la réforme, engagée il y a maintenant près de 10 ans, rend la solution de plus en plus contraignante à supporter. La plupart des évaluations réalisées et des diagnostics établis ne permettent guère d'apporter les éléments de réponses à de nombreuses interrogations, notamment celles relatives à l'impact des réformes intervenues ou projetées sur la «redistribution équitable» dans le contexte des régimes marocains de retraite. Quelles sont les conséquences redistributives de ces régimes ? Les réformes engagées ont-elles atténué les inégalités ou, au contraire, les ont-elles aggravées ? Les mesures et les ajustements mis en oeuvre ont-ils tenu compte des conséquences négatives, des «aléas» de carrière et de précarité qui caractérisent certaines catégories de salariés ou secteurs d'activité ? Pour la couverture médicale, la mise en place des dispositifs Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et Régime d'Assistance Médicale (RAMED) marque un changement institutionnel majeur dans le financement du système de santé. L'AMO relève de l'assurance sociale, financée par des cotisations obligatoires. Relevant plutôt de l'assistance et financé par l'Etat et les collectivités locales, le RAMED concernera 8,5 millions de citoyens. Le débat public n'a certes pas manqué d'aborder, pour l'essentiel, les différentes problématiques liées à la santé et à la retraite mais, souvent, il a été fait de manière séparée et sans élucider les problèmes économiques afférents à la protection sociale dans notre pays. Pour faire face à cette situation critique, l'Etat est appelé, plus que jamais, à jouer un rôle fédérateur en tant qu'acteur fondamental dans la mise en place d'instruments adéquats. De même, l'urgence de renforcer la coopération et l'intégration régionale au Maroc s'impose, afin d'en faire un levier de croissance majeur et un moyen de concertation pour définir les solutions innovantes aux questions du développement social.. Pages réalisées par I. B. & S. E.