La promotion immobilière dans la région du Grand Casablanca traverse une mauvaise passe. Le blocage des dossiers au niveau de l'Agence urbaine et l'absence d'un nouveau schéma-directeur risquent dengendrer une migration de promoteurs vers de nouvelles villes en vogue. Détour avec Mohamed Hatim Idrissi, délégué général de lAssociation des lotisseurs et promoteurs immobiliers de Casablanca. Finances News Hebdo : Depuis votre nomination en tant que délégué général de l'ALPIC, quel état des lieux pouvez-vous nous faire de la promotion immobilière dans le Grand Casablanca ? Mohamed Hatim Idrissi : Depuis l'année dernière, le bilan est plutôt négatif. Le nombre d'autorisations de construire a beaucoup diminué durant l'année 2004 par rapport aux autres années. Ajoutons à ceci les blocages au niveau des autorités, les problèmes liés au foncier et le schéma-directeur de la ville de Casablanca qui tarde à voir le jour. Tous ces éléments indiquent que le secteur de l'immobilier souffre de nombreux problèmes à Casablanca. F. N. H. : Est-ce qu'on peut en déduire que ce sont ces éléments qui expliquent la hausse des prix dans la capitale économique ? M. H. I. : Outre les blocages au niveau des autorisations de construire, c'est surtout le foncier qui a modulé cette hausse du fait de sa rareté. De ce fait, on risque dassister, si cette situation persiste, à une migration des promoteurs immobiliers (qui en fin de compte sont des investisseurs) vers de nouveaux horizons comme ce que l'on voit aujourd'hui dans d'autres villes telles que Marrakech, Agadir, Meknès... F. N. H. : Comment les autorités expliquent-elles ces fameux blocages ? M. H. I. : Nous aussi, nous nous demandons pourquoi ce blocage de la part des autorités. Les réponses tiennent essentiellement au fait que les dossiers qui ont été présentés manquent de pièces. Mais les promoteurs, eux, disent qu'il y a quelque chose qui cloche au niveau de l'Agence urbaine, et ce dautant plus que même au cours des années 2000, 2001 et 2002, ce sont ces mêmes promoteurs qui ont présenté toujours les mêmes dossiers. Donc sil y a changement, c'est au niveau de l'acceptation ou du refus de dossier. Si on prend les statistiques de l'Agence urbaine, il y a à peu près 40% des dossiers qui ont été refusés. Ce sont des dossiers sujets à dérogation, mais dont on ne connaît pas les motifs du refus. A ce sujet, nous comptons organiser une rencontre avec la directrice de l'Agence urbaine de Casablanca pour essayer d'éclaircir ce point. F. N. H. : Qu'en est-il du nouveau schéma-directeur du Grand Casablanca ? M. H. I. : Il faudrait qu'il vienne d'abord. Parce que, comme vous le savez, la durée d'un schéma-directeur est de 20 ans. L'ancien schéma est venu à terme. Depuis deux ans, nous n'avons pas de schéma-directeur pour la ville de Casablanca. Jusqu'à présent, l'Agence urbaine travaille sans schéma-directeur; ce qui pourrait expliquer en partie le blocage des dossiers. F. N. H. : En matière de coût de l'immobilier, comment se situe Casablanca par rapport aux autres villes ? Mène-t-elle toujours la tête du peloton ? M. H. I. : Non, ça dépend. Parce que ce n'est pas toujours Casablanca qui mène la tête du peloton. C'est vrai que depuis deux ans, le prix de l'immobilier à Casablanca a augmenté de 30%. Pour le foncier, en trois à quatre ans, il a doublé dans certains quartiers. Dans d'autres, il a augmenté entre 20 et 50%. Par rapport à d'autres villes telles que Rabat, si on prend un quartier résidentiel de moyen standing et si on le compare à un autre de Casablanca, on remarque qu'à Rabat c'est plus cher. Si on prend Marrakech aujourd'hui, le prix de l'immobilier est similaire à celui de Casablanca. Certes, à Casablanca les prix ont augmenté, mais par rapport à l'année dernière, l'augmentation n'est pas assez prononcée. Entre 2003 et 2004, il y a eu une hausse, mais entre 2004 et 2005 il y a eu une stagnation. Donc, Casablanca n'est vraiment pas le leader parce que cela dépend des quartiers, de la superficie... F. N. H. : Quelles sont les principales dispositions de la Loi de Finances 2005 en ce qui concerne l'immobilier ? M. H. I. : Comme dispositions de la Loi de Finances 2005 pour l'immobilier, il y a l'enregistrement et les taxes locales qui ont été modifiés. A ce sujet, nous pouvons citer l'unification de la taxe urbaine et celle dédilité. Mais les nouveautés devraient vraisemblablement venir de la Loi de Finances 2006. On attend toujours létude des propositions des professionnels par le gouvernement. F. N. H. : Peut-on savoir en quoi consistent ces propositions?. M. H. I. : Les professionnels veulent avoir une visibilité à long terme, parce que le problème de la fiscalité immobilière est qu'elle change. Or, le cycle de vie dans la promotion immobilière est très long. Donc, si le gouvernement change de fiscalité entre temps alors que le promoteur est engagé sur des investissements lourds pour 5 à 10 ans, ce sont toutes ses provisions qui partent en fumée. Les promoteurs demandent ainsi plus de visibilité et de stabilité pour que les choses soient claires et stables. La première des choses qu'ils ont demandées est que l'article 19, qui exonère les promoteurs immobiliers de tous impôts et taxes s'ils construisent 2.500 logements sur 5 ans, soit maintenu. Donc, si un promoteur immobilier s'engage à construire les 2.500 logements sur 5 ans, et si entre temps il y a eu un changement au niveau de la fiscalité, c'est le fiasco. Ce sont là des choses que la profession ne peut tolérer. Si pour 2006 cet article est abrogé, ce serait la vraie catastrophe immobilière. On attend par conséquent que d'importantes mesures soient prises dans le cadre de la Loi de Finances 2006. Et si rien ne se passe en 2006, il est difficile d'attendre des mesures en 2007, date des élections où le gouvernement ne peut prendre d'importantes mesures. F. N. H. : Un dernier mot sur les perspectives de la promotion immobilière ? M. H. I. : Tout d'abord, nous espérons que ce blocage au niveau de Casablanca disparaisse, puisquil serait dommage de voir certains promoteurs migrer vers d'autres villes. Nous espérons également voir le schéma-directeur de la ville de Casablanca dans les plus brefs délais.