Alors que le secteur de l'immobilier commençait à peine à se redynamiser, la politique de blocage adoptée par la nouvelle direction de l'agence urbaine est en train de faire fuir les promoteurs immobiliers. Les promoteurs immobiliers commencent à fuir Casablanca. Les architectes de la ville sont en colère. Et les investisseurs sont de plus en plus nombreux à abandonner des projets qu'ils comptaient lancer dans la capitale économique. Il ne s'agit pas là de révélations inédites. C'est une réalité que nul n'ignore à Casablanca. Autorités locales, Conseil de la ville, ministère de l'Habitat et professionnels du secteur, tout le monde est conscient du problème et les sonnettes d'alarme sont tirées de partout. Pourtant, la situation ne fait qu'empirer étant donné que la solution tarde à venir. À l'origine du problème, les blocages systématiques des demandes d'autorisations déposées auprès de l'agence urbaine de la ville qui, au nom de "la rigueur et de la méticulosité", se permet de laisser traîner les dossiers jusqu'à six mois sans motif apparent et sans en communiquer les raisons à qui de droit. Et, dans la plupart des cas, elle finit par rejeter lesdites demandes sans aucune justification. Devant cette situation, les promoteurs immobiliers ont commencé un mouvement de fuite vers d'autres villes du Royaume où les choses sont nettement meilleures. "Pourquoi devrais-je rester dans une ville où la demande d'autorisation de construire traîne six mois à l'agence urbaine alors que je peux partir dans une ville où mon dossier est traité en vingt-quatre heures ?", explique un promoteur immobilier qui, après avoir passé plus d'une quinzaine d'années dans la capitale économique, a décidé de se tourner vers d'autres horizons. Selon des opérateurs du secteur, la politique adoptée par la nouvelle directrice de l'agence urbaine, Fouzia Imansar, nommée à ce poste en septembre 2003, a cassé le rythme de développement de l'immobilier à Casablanca à un moment où il commençait à peine à se redynamiser. Ce qui est certain, c'est que la nouvelle direction n'a pas pu développer de stratégie d'action pour accompagner la nouvelle dynamique du secteur. Ainsi, elle n'a rien fait pour remédier à un problème de taille qu'est l'expiration du schéma directeur de la ville qui est entré en caducité depuis fin 2004. Aujourd'hui, quatre mois après, l'agence urbaine n'a pas encore remédié à cette situation et continue à travailler sur la base de l'ancien schéma alors qu'elle aurait dû préparer le nouveau plan avant l'expiration de l'ancien. Ce qui n'a pas été le cas. "Comment peut-on envisager des projets immobiliers dans une ville où il n'y a pas de visibilité ?", s'interroge un professionnel du secteur du bâtiment. D'un autre côté, il y a le problème des différents plans d'aménagements. Sur ce point, il faut rappeler que rien n'a été fait pour réunifier les anciens plans sachant que chaque commune avait sa propre vision. Le système appliqué depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle charte communale à savoir l'unité de la ville n'a pas encore été traduit sur le terrain par l'adoption d'un seul plan d'aménagement urbain. En plus, les anciens plans d'aménagement sont, eux-aussi, caducs, puisqu'ils devaient être changés depuis 1998. Là-aussi, aucune initiative n'est à mettre à l'actif de la nouvelle direction de l'agence urbaine. Les promoteurs dénoncent aussi l'absence de clarté en ce qui concerne les nouveaux périmètres urbains qui ne sont pas clairement établis et précisés par l'agence urbaine ce qui rend difficile toute planification de projets à moyen terme. Cette situation complexe a provoqué une hausse vertigineuse du prix du foncier dans la ville puisque les promoteurs se sont engagés dans une course vers les lots de terrain situés dans les zones urbaines classiques à savoir celles qui se situent à proximité du centre ville. Les spéculations ont ainsi provoqué une augmentation excessive du prix du mètre carré. "Les prix se sont multipliés par trois durant les deux dernières années", affirment les promoteurs. Cette hausse du prix du foncier rajoutée aux blocages des dossiers au niveau de l'agence urbaine ont fait que l'investissement dans l'immobilier est devenu une sorte d'aventure dangereuse pour les professionnels du secteur. D'où la ruée vers d'autres villes de la plupart d'entre eux. Cette fuite, certains d'entre eux l'expliquent par le fait qu'ils soient engagés avec l'Etat, selon les termes des conventions qu'ils ont signées en la matière pour construire 2500 logements sociaux en cinq ans. Or, avec les blocages systématiques qu'il y a au niveau de l'agence urbaine, il leur est impossible de tenir leurs engagements à Casablanca. Ils sont donc obligés de tenter leur chance ailleurs afin d'honorer leur accord avec l'Etat. "Il n'y a qu'à rappeler le cas du blocage qu'a connu le projet lancé par le groupe français Accor pour saisir l'ampleur et la gravité de la situation", explique un promoteur de la place avant de rajouter que "pour résoudre le problème, il a fallu l'intervention du ministre l'Intérieur qui a dû se déplacer à Casablanca et se réunir avec les autorités locales pendant des heures avant de convaincre Mme Imansar de changer d'avis". Ainsi, au lieu d'être un vecteur de dynamisation de l'immobilier dans la capitale économique, l'agence urbaine est devenue un obstacle qui décourage tous les promoteurs de la ville et qui les pousse à partir ailleurs.