La région de l'Afrique du Nord a été affectée par les effets de la première vague des crises financières, économiques et alimentaires mondiales, puis par ceux de la seconde vague. Les résultats des réformes financières, à l'échelle de la région maghrébine, ne sont pas suffisants et méritent davantage d'actions communes et concrètes dans ce domaine. La crise qui sévit en Europe ne doit pas décourager les pays de la région. La Commission économique pour l'Afrique du Nord a tenu mardi dernier une réunion ad hoc sur l'intégration financière dans la sous-région. D'éminents chercheurs de pays maghrébins et d'Afrique étaient présents à cette rencontre, fructueuse à plus d'un titre. Ils avaient pour mission de réfléchir et de dégager les pistes devant mener à l'intégration financière en Afrique du Nord. Etait présent également à cette réunion, le Secrétaire général de l'Union du Maghreb Arabe, Habib Ben Yahia. En guise d'introduction, Karima Bounemra Ben Soltane, Directrice de la Commission économique pour l'Afrique, a tenu à rappeler que la réflexion sur l'intégration financière ne date pas d'aujourd'hui. «En janvier 2008, quelques mois avant la crise financière mondiale, nous nous étions retrouvés ici, certains d'entre vous s'en souviennent, afin d'engager une réflexion sur la mobilité des capitaux en Afrique du Nord», annonce la Directrice du CEA-AN. Durant cette réunion, plusieurs constats ont été faits parmi lesquels : les flux de capitaux entre les pays de l'Afrique du Nord étaient bien en deçà du niveau souhaitable, qu'il était nécessaire de rapprocher les marchés financiers des pays de la région en vue de favoriser leurs politiques de mobilisation de l'épargne, d'uniformisation des taux d'intérêt, de celui des taux de change et de promotion de la capitalisation boursière, susceptibles de développer les investissements financiers. Aussi, il avait été noté qu'il restait beaucoup de défis à relever par les pays de la région, notamment dans les domaines relatifs à la solidité et au renforcement de la compétitivité du secteur bancaire et à l'amélioration de la supervision du secteur financier, et ce en dépit des réformes déjà mises en œuvre par les pays à ces fins. En effet, l'idée sous-jacente est que les mouvements de capitaux restent des déterminants importants de l'intégration régionale, elle-même source indéniable de croissance, mais seulement lorsque des niveaux minima de commerce intra-régional et d'harmonisation des législations sont atteints. Depuis cette rencontre, la région a été affectée par les effets de la première vague des crises financières, économiques et alimentaires mondiales, puis par ceux de la seconde vague. «Elle subissait par ailleurs des soubresauts politiques et sociaux importants ayant entraîné parfois de profondes mutations dont nous ne voyons que le début», annonce K. Ben Soltane. La mise en place du Maghreb a pris tant de retard et il ne faut pas que la crise qui sévit en Europe, ayant servi, un temps de référence, refroidisse les ardeurs. La même vision est partagée par le Secrétaire général de l'UMA, H. Ben Yahia qui considère à son tour que l'intégration financière et économique dans notre région est de plus en plus menacée par les retombées des crises financières successives du monde occidental depuis 2007. Il faut ajouter à cela les effets du printemps arabe ayant aggravé ces retombées avec un déséquilibre macroéconomique constaté depuis quelques mois, provoquant une chute des marchés boursiers, un recul des engagements financiers national et international, un ralentissement des investissements dans la région mettant en crise la situation sociale avec un développement du taux de chômage sans précédent dans notre région. Les efforts déployés par certains pays de la région dans les domaines de la finance méritent d'être appréciés. En témoignent les différentes réformes réalisées à l'échelle des politiques fiscales, monétaires, juridiques et institutionnelles. Toutefois, les résultats à l'échelle de la région maghrébine ne sont pas suffisants et méritent davantage d'actions communes et concrètes dans ce domaine. Il faut cependant noter que depuis quelques années, les instances maghrébines ne cessent de déployer des efforts visant la concrétisation de projets ayant pour finalité l'intégration du domaine de la finance. Ils n'ont cessé également de se concerter à l'occasion de la tenue de rencontres internationales pour renforcer une coopération durable dans ce domaine. D'après H. Ben Yahia, l'intégration financière maghrébine est également consolidée à travers les actions et efforts consentis par l'Union des Banques Maghrébines. Cette dernière contribue, par la réflexion et la réalisation d'études prospectives dans le domaine, au développement du système bancaire dans la région maghrébine. Aujourd'hui, de nouveau le débat est lancé. Les experts et chercheurs présents sont appelés à proposer des pistes de réflexion aux questions suivantes : quelle configuration choisir pour une gouvernance régionale permettant de faciliter le développement financier des pays tout en minimisant les risques auxquels leurs balances de capitaux peuvent être exposées ? Que peut-on retenir comme leçons des expériences des autres sous- régions du continent ? Quelles seraient les réformes bancaires à mettre en œuvre selon le niveau d'intégration envisagé... ? Autant de questions qui exigent des réponses immédiates d'autant plus que les pays de la sous-région ont été mis à rude épreuve par la crise. Cette crise qui a certainement remis en cause l'Union européenne. A cet égard, les intervenants constatent unanimement que ce qui se passe aujourd'hui en Europe ne doit pas décourager les pays nord-africains. Bien au contraire, il faut réfléchir aux voies et moyens de relever les défis.