Voilà qui va donner à réfléchir au nouveau gouvernement : le nombre de dispositions dérogatoires est passé de 384 en 2010 à 399 en 2011, dont 271 ont fait l'objet d'une évaluation. Ce qui porte le montant des dépenses fiscales évaluées à plus de 35 Mds de DH, soit une progression de 7,6%, représentant 3,9% du PIB. La part la plus importante des dépenses fiscales concerne la TVA (41,3% pour 13,2 Mds de DH), suivie de l'impôt sur les sociétés (22% à 7 Mds de DH) et des droits d'enregistrement et de timbre (17,2% à 5,5 Mds de DH). La part belle est faite aux entreprises qui accaparent l'essentiel des mesures dérogatoires avec 173 dispositions qui coûtent 19,1 Mds de DH, devançant de loin les ménages (110 mesures pour 9,6 Mds de DH). Force est de constater que ce sont les mieux «lotis» qui bénéficient plus de la «générosité» de l'Etat. Ainsi, à eux seuls, les promoteurs ont droit à 16 mesures dérogatoires pour 3,1 Mds de DH, tandis que les exportateurs en ont 12 coûtant 2,98 Mds de DH. Et, plus globalement, 16,9% des dérogations fiscales sont au profit des activités immobilières : sur 41 mesures, celles évaluées (33) totalisent 5,4 Mds de DH, soit une progression de 22% par rapport à 2010. Vient ensuite le secteur de l'agriculture et de la pêche (13,4%) avec 31 mesures, dont 23 évaluées pour un montant global de 4,3 Mds de DH. Exonérations, déductions, crédits d'impôts, taux préférentiels… : les exceptions aux règles de droit commun restent assez conséquentes au niveau de la fiscalité marocaine. Et, bien évidemment, dans ce contexte où l'économie nationale fait face à des contraintes budgétaires majeures, ces dépenses fiscales posent des problèmes tant liés à la maîtrise des finances publiques qu'à la simplification fiscale. D'autant que la multiplicité des démarches fiscales (réductions, exonérations, déductions, abattements, crédit d'impôts…) est pour le moins génératrice d'incohérences, voire de dérives budgétaires. Tout comme la superposition des mesures dérogatoires et leur instabilité pour certains secteurs est source de complexité. D'où l'importance de l'évaluation de l'action publique en la matière, histoire d'enlever toute suspicion sur le véritable intérêt de la plupart des mesures d'allègements fiscaux, surtout que certaines d'entre elles semblent être en contradiction avec les objectifs poursuivis par le Maroc, notamment en termes de simplification et d'équité fiscales. Et c'est justement l'évaluation qui pose problème, certains observateurs estimant qu'elle n'est qu'une vision relativement restreinte des impacts économiques et budgétaires, parce que dans la majorité des cas les estimations sont approximatives et basées parfois sur des hypothèses, faute de chiffres précis. A l'évidence, il urge d'opérer un toilettage des dispositifs dérogatoires assortis de coûts de gestion élevés et dont l'impact est insignifiant, tout en faisant fi des mesures d'allègement à caractère structurel qui appartiennent à l'équilibre général de l'impôt. Et, forcément, les secteurs les plus avantagés pourraient faire les frais des révisions des exonérations fiscales.