À Fès comme à Marrakech, les étudiants boycottent les examens du premier semestre. De lavis des enseignants, les étudiants nont pas encore assimilé lessence de la réforme universitaire. Toutefois, une chose est sûre : il y avait beaucoup de précipitation et dimprovisation dans la mise en application de cette réforme. Pour plusieurs experts pédagogiques, la réforme universitaire, dans son esprit, est bénéfique pour le Maroc. Mais, cest en raison des calculs politiques quelle a été appliquée en 2003 avant même la mise en place des moyens nécessaires pour son application. Que veut dire la réforme pour un étudiant marocain ? «Aujourdhui, nous avons des cours de langues, des contrôles réguliers et, bien sûr, deux examens semestriels». Cest avec ces mots que Naïma Outaleb, étudiante en droit à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Casablanca, nous a expliqué la nouvelle réforme. Le ministère de tutelle na pas suffisamment communiqué sur le projet de la réforme avant son application. Il est vrai quil a organisé quelques ateliers et débats au sujet de la réforme, mais ces débats nont pas réuni tous ceux qui sont concernés par ladite réforme. Les étudiants se plaignent aujourdhui du fait quils nont pas assez de temps pour préparer les contrôles, voire lexamen semestriel. «Avant, nous nétions pas obligés dassister régulièrement aux cours; ce qui nous permettait de nous préparer à lexamen final dans des conditions plus ou moins favorables. Aujourdhui, nous sommes obligés dêtre présents tout le temps à la «Fac» et de nous pointer aux différents contrôles», souligne Jamal Ouadie, étudiant en seconde année économie, à la Faculté de Casablanca. Mais, à qui incombe la responsabilité ? Aucune réponse. Ce qui est sûr, cest que les grèves des facultés de Fès et de Marrakech peuvent bien sétendre à dautres facultés du Royaume. Rares sont les universitaires qui osent critiquer publiquement la nouvelle réforme de lenseignement. Certes, les enseignants saccordent à dire que la réforme comporte beaucoup de dysfonctionnements, mais ils nosent vraiment pas aller jusquau bout et lexprimer haut et fort. Pour eux, la réforme est très ambitieuse. Le nouveau système ne plaît pas aux enseignants Il a fallu penser aux moyens techniques et humains avant de lappliquer. On veut passer dun système archaïque, basé sur des cours magistraux, à un système moderne qui implique létudiant. Pour cela, il faut renforcer le corps enseignant, revoir larchitecture de nos Facultés et miser davantage sur les NTI. Ce nest pas le cas aujourdhui dans les universités marocaines. Pour ne citer que lexemple de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Casablanca, les enseignants se plaignent du manque despace et de moyens pédagogiques. Pour les filières «Droit» et «Economie», et suivant la logique de la réforme, lenseignant doit avoir au maximum 100 étudiants pour les cours et une trentaine pour les travaux dirigés. Malheureusement, ce nest pas le cas. Leffectif des étudiants est toujours quadruplé sinon quintuplé. Comment donc pouvoir réussir cette réforme qui impose aux enseignants deffectuer des contrôles continus et des suivis permanents et personnalisés ? Si El Habib El Malki, ministre de lEducation Nationale, de lEnseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la Recherche scientifique, avait déclaré à la presse «quil ne serait pas judicieux dattendre que toutes les conditions soient réunies pour pouvoir lancer la réforme», le corps des enseignants est dun autre avis. Selon les professeurs, on aurait dû mettre en place les moyens suffisants pour lapplication de la réforme. Une réforme ne peut réussir sans les moyens nécessaires pour la mener. Que faire ? Certes, on ne peut pas faire marche arrière. Mais, à lépoque du «e-learning», le ministère de tutelle doit revoir larchitecture des universités marocaines tout en y introduisant les outils technologiques nécessaires. Il faut également placer lenseignant au centre de la réforme car, sans lui, on ne peut la réussir. Ce qui est sûr, cest que ce ne sont pas les grèves qui feront évoluer les choses. Mais, disons-le clairement, au moins, elles auront permis douvrir les débats.