L'espace universitaire est-il en passe de renouer avec le temps des années blanches ? Alors que les étudiants boycottent les études, les enseignants menacent de passer à la grève. A la veille de la fin du premier semestre universitaire, différentes composantes de ce secteur s'estiment à présent en mesure de présenter un premier bilan sur le déroulement des études depuis l'annonce de la réforme universitaire. Bien entendu, depuis l'installation des présidents des universités, le ministère ne dispose plus des mêmes prérogatives qu'il avait dans le passé. L'autonomie financière et de gestion est une réalité qui s'exerce quotidiennement et qui se vérifie à travers, outre la gestion des affaires courantes, l'annonce des concours de recrutement, les achats des fournitures, la mise en place des départements d'études (spécialisations), l'ouverture sur l'environnement socio-économique local, l'établissement de relations extérieures et la coopération avec des universités à l'étranger et des organismes internationaux, comme c'est le cas pour les réseaux méditerranéens (exemple MED –Campus) ou certaines fondations allemandes. Les quelques mois d'application de la réforme universitaire ont certainement montré la capacité de ce système d'éducation de s'adapter aux nouvelles donnes et de surmonter des obstacles jusque-là insurmontables, notamment en ce qui concerne la lenteur administrative et le poids de certaines mesures bureaucratiques centrales. Mais, force est de constater qu'en dépit de toutes les bonnes volontés, mais, en même temps leurs limites, et il n'en demeure pas moins important de relever la persistance de quelques difficultés. Avant même le début de la réforme, certaines voix sceptiques s'élevaient pour semer le doute sur les opportunités qui s'offrent aux différents partenaires en vertu de l'amorce de ce nouveau processus. Une fois de plus, des courants radicaux, qui voyaient dans cette réforme un moyen de rétrécissement de leur champ de mobilisation partisane, commencèrent à fustiger le gouvernement et à sacrifier l'unité syndicale et l'appartenance au Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESup) sur l'autel des calculs politiciens, de l'agitation activiste et de la surenchère verbale à l'égard des autorités de tutelle. Le gel depuis 2001 de la régularisation de la situation des universitaires, notamment en ce qui concerne les différents types de promotion ( accélérée, normale ou exceptionnelle) et la non promulgation des décrets d'application de certaines lois portant sur les indemnités des universitaires, leur donne constamment la possibilité de passer à l'action contestataire. Même le SNESup est obligé de suivre ce mouvement pour pouvoir conserver son statut de syndicat représentant les enseignants, d'où l'appel à la grève du 14 janvier. Soutenues dans leur démarche par l'absence de structures d'accueil à même d'apaiser la tension, des sections du syndicat ne cachent plus leur volonté de boycotter et les examens et le deuxième semestre de l'année scolaire. Le malaise des uns concorde objectivement avec le laisser-aller des autres. Le phénomène des fonctionnaires (enseignants) fantômes ne fait qu'aggraver la situation, particulièrement dans certaines villes comme Casablanca et Rabat, connues comme étant de véritables pépinières de cadres administratifs et politiques. Et la vague de protestation se propage surtout en raison de l'absence de l'encadrement des larges masses des étudiants. Ces derniers ne savent, des fois, même pas pourquoi certains mouvements de grève sont annoncés, qui est derrière eux et à qui ils profitent. Dans plusieurs villes, des minorités extrémistes font la loi dans les campus universitaires. Leurs dirigeants agissent soit au nom d'un Islam standard qui n'existe nulle part ou d'une utopie sectaire coupée de tout rapport avec la réalité du pays. A Fès, Meknès, Marrakech, c'est le délire. Les étudiants de ces villes impériales deviennent de plus en plus une proie facile entre les mains de l'extrémisme de tout bord. Dans certaines facultés, les enseignants ont peur d'accomplir leur tâches face à des «étudiants» préparés pour l'effusion de sang. Ceux-là même qui ont boycotté les élections menant à la participation aux Conseils des universités. Sans des interlocuteurs fiables, tout groupe d'agitateurs peut se proclamer de l'UNEM (Union nationale des étudiants du Maroc) et parlant, de ce fait, au nom de tous les étudiants, alors que les éléments politisés et appartenant aux partis politiques sont encore dans la défense et l'expectative et n'arrivent toujours pas à s'ériger en tant que syndicalistes et meneurs du mouvement étudiant.