■ En attendant la séance plénière du Parlement européen qui se tient demain, jeudi 16 février, les agriculteurs européens et marocains retiennent leur souffle. ■ Le partenariat avec l'UE se trouve, aujourd'hui, à un tournant décisif et pourrait se frayer un cheminement nouveau. ■ Si jamais l'accord agricole ne passe pas, quel serait le sort du Statut avancé ? Après l'accord de pêche Maroc-Union européenne, celui agricole refait surface. En ce début 2012, les dés jetés par les deux parties, en dépit de leurs liens historiques, n'augurent rien de bon. Nous avons tous apprécié en 2008 le fait que le Maroc se soit vu accorder par l'Union européenne le Statut avancé. Il y a eu des sceptiques, mais nous étions nombreux à reconnaître que le Maroc était le seul pays sud-méditerranéen à avoir obtenu ce statut. Bref, cela relève de l'histoire ancienne et les fervents défenseurs du Statut avancé commencent à mettre de l'eau dans leur vin. Et pour cause, si deux secteurs aussi névralgiques que la pêche et l'agriculture ne passent pas en séance plénière, quel pourrait être l'avenir du Statut avancé ? Nous ne pouvons nous voiler la face, mais le partenariat avec l'UE se trouve, aujourd'hui, à un tournant décisif et pourrait se frayer un cheminement nouveau. Devant être ratifié par le Parlement européen du fait des nouvelles clauses du traité de Lisbonne, ce nouvel accord a été rejeté par la Commission de l'agriculture le 12 juillet 2011, mais approuvé par la Commission du commerce international du même Parlement européen le 26 janvier 2012. A l'heure où nous mettons sous presse, rien ne filtrait encore, ce nouvel accord devant passer en séance plénière du Parlement européen demain, jeudi 16 février, pour la décision finale. Aussi, à la veille du vote, nous avons essayé de recueillir les impressions d'Eneko Landaburu, ambassadeur de l'UE au Maroc et d'A. Ouayach, président de la Comader. Dans l'attente de cette phase ultime, les opérateurs agricoles tant marocains qu'européens croisent les doigts. Le dernier Conseil de gouvernement a affirmé jeudi dernier, qu'un éventuel vote négatif du Parlement européen sur le protocole d'accord agricole Maroc-Union européenne affecterait les intérêts supérieurs des deux parties. Réuni sous la présidence du chef du gouvernement, le Conseil a estimé qu'un tel rejet de l'accord en plénière, après son adoption par la commission du Parlement européen chargée du commerce international, livrerait un signal négatif concernant l'horizon stratégique qui encadre le Statut avancé du Maroc auprès de l'Union. Ces propos ont été confirmés par le ministre de l'Agriculture A. Akhanoouch qui a déclaré à son tour que le Statut avancé perdrait sa substance en l'absence d'accords sectoriels à même de donner un nouvel élan à la coopération bilatérale. Maroc-UE : deux poids, deux mesures L'ironie du sort c'est qu'au moment où le Maroc respecte ses engagements vis-à-vis de l'Union européenne, cette dernière, et ce n'est pas la première fois qu'elle le fait, fait passer ses intérêts avant tout. Il est toujours utile de rappeler que le 1er mars 2012, tous les produits industriels européens entreront sur le marché marocain en franchise de droits de douane. Une telle situation ne sera pas sans impact sur notre tissu économique qui continue à supporter le fardeau de la crise internationale avec toutes les contraintes internes qui persistent (voir www.financenews.press.ma). Ajoutons à cela que l'accord agricole avec l'UE ne prévoit pas le libre-échange des produits agricoles qui restent soumis aux mêmes conditions de quotas, de contingents… José Bové, député européen, a déclaré mener campagne pour que l'accord soit rejeté. Il avance comme argument le fait que l'accord est préjudiciable aux agriculteurs européens qui risquent de voir les produits marocains inonder le marché européen. Or, les exportations marocaines ne représentent que 2,5% des importations extra-communautaires. Il considère par ailleurs que ce sont les grands exploitants qui en profitent, au détriment des petits. Cette prise de position n'est pas partagée par notre ministre de l'Agriculture qui qualifie l'accord d'équilibré dans la mesure où il tient compte des intérêts des agriculteurs marocains et de ceux européens. Même son de cloche chez un opérateur qui considère que dans la filière des fruits et légumes, les grands exploitants, et les petits en tirent profit. Toujours est-il, qu'on le veuille ou non, le Maroc est grand exportateur de fruits et légumes dont la production nécessite une grande consommation d'eau. A cette problématique, A. Ouayach, président de Comader, répond qu'il est hasardeux de se prononcer sur de telles hypothèses sans une étude d'impact. Il rappelle à ce titre que la Comader a commandé une étude d'impact qui sera basée sur des éléments scientifiques. De cette manière, l'Etat et les opérateurs auront une idée précise sur les effets de l'accord et seront à même éventuellement de remédier aux insuffisances si elles existent. E. Landaburu, ambassadeur de l'UE au Maroc, est optimiste. Il considère que l'accord agricole Maroc-UE est bénéfique pour les deux parties. «Pour l'Union européenne, le Maroc est un partenaire important sur le plan économique et politique. A partir de là, nous considérons des deux côtés qu'il y a intérêt à développer la coopération». (voir interview) Il reconnaît que le Maroc souffre de déficit commercial. Mais selon lui tout se joue au niveau des négociations par le moyen desquelles chaque partie expose ce qu'elle attend des accords. ■ Dossier réalisé par S. Es-Siari, C. Jaidani et I. Bouhrara