C'est aujourd'hui que la sentence tombe. Le parlement européen devra se prononcer ce matin sur la suite à réserver aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche. Loin de jouer aux devinettes, bon nombre de signes avant coureurs, pour ne pas dire tous, plaident pour l'approbation de l'accord. Soutien ferme des politiques européens; appui fort et inconditionnel des autorités françaises, et tout récemment du Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy; renforcement de la politique de voisinage de l'Union européenne ; accélération ces dernières semaines du lobbying et du pressing des autorités nationales ; principe de complémentarité des intérêts offensifs et, cerise sur le gâteau, l'effet « Printemps arabe ». L'effet Printemps arabe A lui seul, cet élément stratégique pourra inverser la donne, du fait que c'est la crédibilité de l'UE qui est mise en jeu en tant que partenaire de premier rang. L'accord agricole en soi recouvre une dimension politique et géostratégique importantes. À la différence de l'accord de pêche (rejeté), qui profite essentiellement à certains pays européens comme l'Espagne, celui agricole présente un intérêt stratégique pour l'ensemble de l'édifice européen. « Le rejet de cet accord risquerait de bloquer toute avancée dans les négociations sur des dossiers importants pour l'UE comme les négociations sur les services et établissements, les indications géographiques, la réadmission ou le partenariat stratégique et politique », peut-on lire dans une note traduisant la position des autorités françaises sur le projet de résolution de José Bové, rapporteur de la commission INTA sur l'accord agricole Maroc-UE. « La ratification rapide de cet accord, ajoute-t-on, est nécessaire(…). Son adoption renforcera la crédibilité européenne dans sa volonté de soutenir l'évolution démocratique des pays de la rive Sud de la Méditerranée en favorisant, via le renforcement des relations commerciales, leur développement économique ». L'optimisme est de mise Contacté par Le Soir échos Ahmed Ouayach, président de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (Comader), assure : « à l'heure où je vous parle, notre optimisme est toujours de mise, sauf grande surprise de dernière minute. Suite à une tournée que nous venons d'effectuer la semaine dernière en Europe, je vous garantis que tous les grands groupes parlementaires sont de notre côté. Et d'ailleurs, il n' y aucune raison qui soit logique pour que cet accord soit rejeté. Car il sert l'intérêt de tout le monde ». Les Verts contre le Maroc vert Mais face au soutien politique de l'UE, surgit la lutte féroce du mouvement des Verts. Son leader, José Bové, croit dur comme fer que « le plan Maroc vert vise à favoriser le développement d'une agriculture d'exportation en attirant les investisseurs étrangers » et qu'un tel effet ne manquerait pas de se répercuter défavorablement aussi bien sur les petits agriculteurs marocains, que sur l'environnement et les ressources en eau du pays. Ouyach rejette catégoriquement cette critique acerbe qu'il qualifie de « partenarisme un peu excessif ». Un avis qui ne trouve en revanche pas bon échos auprès de l'économiste Najib Akesbi. « Les arguments présentés par Bové ne sont pas faux. En plus, tous les moyens sont bons pour que chacun défende sa cause », explique-t-il. Le professeur à l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat souligne qu'il ne prend là aucune prise de position que ce soit pour les Verts ou à l'encontre du Maroc. « Bien que cet accord serve plus particulièrement les intérêts d'une minorité (lobby,ndlr), au grand dam des autres agriculteurs du pays. L'agriculture tournée à l'export est par définition une agriculture intensive donc destructrice de l'environnement », conclut-il.