■ Pour respecter la pratique démocratique, des décisions de grande importance sont rejetées ou différées à cause des rivalités partisanes. ■ Même si la Charte communale donne plus de prérogatives au président, ce dernier reste à la merci de calculs politiciens des élus, compromettant ainsi les intérêts de la ville. Blocage, retard, mauvaise gestion, pratique non démocratique, la gouvernance locale est pointée du doigt ces derniers temps. Et pour cause, les Conseils des grandes métropoles du pays n'arrivent pas à mener à bien leurs programmes, voire de gérer au quotidien les affaires courantes. Le mode de gouvernance actuel a montré ses limites, des villes comme Casablanca ou Tanger ont vu des décisions de grande importance différées à cause du boycott de plusieurs conseillers formant la majorité pour vice de forme quant à l'existence du quorum pour entériner les différents programmes d'investissement ou de développement, surtout les grands chantiers. Il a fallu l'intervention du wali pour venir à bout d'une crise dont les soubresauts s'annonçaient douloureux pour les citoyens. Il faut dire que la réforme de la Charte communale adoptée en 2009 n'a pas donné les effets escomptés, notamment en matière de pratique démocratique. Au lieu de s'impliquer profondément dans la gestion de la ville, le président passe son temps dans le rassemblement de sa majorité. Les instances de contrôle, notamment la Cour des comptes, l'Inspection générale des finances ou de l'intérieur, relèvent des abus fréquents. On note notamment une faiblesse dans la programmation et la planification. Le choix du grand stade de Casablanca, de l'Opéra ou d'autres bâtiments à connotation nationale, a pris beaucoup de temps pour être adopté et les projet définitifs peuvent à tout moment être modifiés, voire arrêtés. Le nouveau gouvernement a fait de la moralisation de la gouvernance son cheval de bataille. Au niveau local, ces bonnes pratiques constituent une arme contre les violations de la législation communale, la corruption, les détournements des deniers publics et la mauvaise gestion des biens et des affaires de la commune. Le renforcement de la sanction et la lutte contre l'impunité sont parmi les moyens qui doivent aider à instaurer une bonne gouvernance locale. «Pour des raisons purement politiques, certains conseillers n'hésitent pas à bloquer ou rejeter des projets uniquement pour perturber le travail du président, même si la décision représente un grand intérêt pour la ville. C'est du chantage pur et dur pour assurer des intérêts personnels», explique un acteur de la société civile à Casablanca. La réforme a donné plus de prérogatives au président du Conseil, mais a limité son champ d'action à plusieurs niveaux. «Il y a des personnes qui sont payées par l'opposition pour seulement manifester et impacter le déroulement des assemblées ou des commissions. Des actes qui sont pour la plupart non civiques et comportent des injures et des diffamations à l'encontre des élus et qui n'ont pour finalité que de nuire», explique un conseiller de la ville. Par ailleurs, il faut noter que les entités locales disposent de plus en plus de ressources budgétaires. Certaines communes arrivent à dégager des bilans excédentaires, mais leur autonomie dans leur mobilisation est pointée du doigt du fait de la mainmise de la tutelle. La subvention centrale de l'Etat, notamment sous la forme de restitution d'une partie de la TVA, étant inscrite d'office, ne laisse qu'une marge très réduite aux Conseils communaux de juger de l'opportunité d'investir ou de programmer les fonds de leurs communes. Si 90% des collectivités locales parviennent à couvrir leurs dépenses, elles n'arrivent pas à offrir de nouveaux services (propreté, hygiène, sécurité…). Ce manque de moyens financiers entraîne la dépendance des collectivités locales vis-à-vis de l'Etat car elles n'ont pas les capacités de rechercher des financements. Cette insuffisance financière constitue donc un handicap dans la mise en œuvre de la Charte communale amendée, contraignant les communes à mettre en place un plan communal de développement, une commission spécialisée et une commission genre. Les élus locaux sont appelés à faire preuve de dynamisme et du marketing territorial pour drainer des ressources. En matière de contrôle, les organes dédiés relèvent toujours des défaillances comme l'insertion des appels d'offres dans des journaux à faible tirage en vue de dissimuler l'appel à la concurrence ; l'absence d'études ou l'existence d'études défaillantes. L'inspection a soulevé des carences dans l'élaboration des règlements de consultation et des cahiers de prescriptions spéciales. ■ Par C. Jaidani Quid de la charte communale ? En l'état actuel des choses, la Charte communale est imparfaitement respectée. Aujourd'hui, il est légitime de se demander dans quelle mesure les objectifs majeurs fixés par la charte amendée, en termes de gouvernance locale, peuvent être atteints. En effet, la nouvelle législation sur les communes et les provinces entend rationaliser la gestion communale, améliorer la participation et la transparence, uniformiser les méthodes de travail et renforcer les pouvoirs tant du président que des assemblées. Cette réforme a été motivée essentiellement par l'amélioration de la gouvernance. En fin de compte, les rapports entre les communes et les citoyens n'ont pas été améliorés. Autre défaillance de taille de la Charte communale, le manque de transparence et de communication avec le citoyen. La réforme avait insisté sur le fait de bien échanger avec la population d'une façon directe. Même la presse n'a pas échappé à cette lacune. Face à un climat tendu, seuls des journalistes initiés ou partisans ont eu droit à l'information. Lors d'événements qui ont secoué l'opinion publique locale ou nationale, comme les inondations de Casablanca, les responsables n'ont pas jugé opportun d'organiser une conférence de presse pour éclaircir la situation et arrêter les responsabilités ou rassurer les citoyens.