On a souvent tendance à incriminer la Charte communale de 1976 dès qu'il est question des collectivités locales. Il est vrai que ce texte a besoin d'une profonde refonte. Mais ce n'est pas suffisant comme action réformatrice. Sommes-nous en train d'assister, impuissants et résignés, au naufrage de nos villes ? Cette question est légitime tant l'ampleur des dégâts est assourdissante. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur le pays au cours de ces dernières semaines n'ont fait que révéler au grand jour en accentuant le trait les mille et une défaillances qui sont plus visibles à l'œil nu, à travers l'état calamiteux des routes. Passons sur des pâtés de maisons ou des ouvrages de génie civil comme les ponts qui s'affaissent sous le coup des trombes d'eau ainsi que les réseaux d'assainissement qui se bouchent. Ajoutez à ce décor déplorable les rues sales jonchées d'ordures et l'absence d'infrastructures dignes de ce nom… Les pouvoirs publics, dépassés par tant de détresse, en sont réduits à constater les dégâts dans le rôle du syndic de faillite. Le cas de Mohammedia, qui a frappé les imaginations par son malheur, est un cas illustratif de l'incurie des gouvernants à commencer par celle des élus locaux… Qui a autorisé, contre toute loi, que des constructions soient érigées sur le lit de l'Oued El Maleh ? Ici, force est de reconnaître que la responsabilité du conseil municipal, des autorités de la ville et de la direction de l'hydraulique est engagée… Les pluies tombent, mais les sanctions, elles, ne tombent jamais ! Jusqu'à quand ? Ce qui arrive en fait au Maroc est la résultante d'une catastrophe à caractère moins naturel qu'humain. Il faut au moins faire la part des choses. Invoquer la fatalité là où il s'agit d'être ferme et lucide revient finalement à ne pas assumer ses responsabilités et à conforter les coupables dans leur insouciance… L'impunité qui continue de plus belle. On a souvent tendance à incriminer la Charte communale de 1976, dès qu'il s'agit des collectivités locales. Il est vrai que ce texte qui régit les communes a besoin d'une profonde refonte. Mais ce n'est pas suffisant comme action réformatrice. Il ne suffit pas en effet de vouloir mettre en place l'unité de la ville avec des mairies centrales et des mairies d'arrondissement à la manière française pour que le fonctionnement de la démocratie locale s'en trouve amélioré. Loin de là. Il faut que la réforme de la Charte communale soit accompagnée d'une mise à niveau du personnel local qui doit justifier d'un certain niveau d'instruction tout en mettant en plaçe les gardes-fous nécessaires en termes de contrôle a posteriori, d'évaluation et de reddition des comptes par les élus en fin de leur mandat. Le Maroc se trouve aujourd'hui au milieu du gué. Nombre de villes du pays, sa capitale économique en tête, ont perdu depuis longtemps les attributs dignes d'une cité, sous les coups de boutoir d'une ruralisation de plus en plus effrénée due essentiellement à l'exode rural. Avec son cortège de laissés-pour-compte, de chômeurs, de bidonvilles et de floués de la vie. Un terreau favorable aux forces rétrogrades qui se nourrissent et se fortifient au fil des jours de l'indifférence des pouvoirs publics. Le gouvernement Jettou sera aussi jugé à l'aune de sa volonté de préparer les conditions objectives de la naissance d'un nouvel édifice communal, avec une nouvelle génération de gestionnaires locaux, qui rompt avec les pratiques du passé…