Renforcer la coordination avec l'appareil judiciaire est capital pour une application plus efficiente des dispositions de la loi sur le traitement des données à caractère personnel. Sur 13 dossiers transmis à la justice, 4 ont été jugés.
Les données personnelles des citoyens sont de plus en plus exposées à des risques aux effets parfois très graves. Réseaux sociaux, Internet, télécommunications, etc., le développement fulgurant des technologies de la communication a augmenté la vulnérabilité des personnes face aux guetteurs d'information, mettant à nu leur vie privée. Les données personnelles (nom, prénom, adresse, e-mail, loisirs, voire même coordonnées bancaires) sont devenues des informations précieuses sollicitées de plus en plus par des entreprises spécialisées dans ce domaine. Un business juteux qui a pignon sur rue depuis quelques années et qui a encore de beaux jours devant lui. Sauf que ces données sont, dans la majorité des cas, soustraites sans le consentement préalable des personnes concernées, soit de façon illégale. Ces informations peuvent être utilisées à des fins commerciales, d'arnaque, ou pis encore, pour causer du tort en divulguant des secrets de la vie privée des citoyens. Pour pallier toutes formes d'abus, le Maroc a promulgué en 2009, après plusieurs années de vide juridique, la loi n°09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et créé la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP). Le Royaume est ainsi le premier pays arabe à mettre en place un tel arsenal juridique. Cinq ans après, l'heure est au bilan. C'est dans ce sillage que la CNDP a organisé, en collaboration avec l'Amicale Hassania des magistrats, un séminaire sous le thème : «Le rôle du pouvoir judiciaire dans la protection des données personnelles». Animée par d'éminentes personnalités de la sphère judiciaire (juges, magistrats, procureurs du Roi, avocats, etc.), cette rencontre a été l'occasion de dresser l'état d'avancement de la mise en application de ladite loi. Le but étant également de renforcer la coordination avec l'appareil judiciaire en vue d'appliquer avec efficience les dispositions de ladite loi, en particulier le volet des opérations de contrôle et la mise en pratique des sanctions. L'accent a été aussi mis sur les avancées, les enjeux, les obstacles ainsi que les lacunes réglementaires nécessaires à mettre en place pour s'aligner aux standards internationaux. Surtout que face à l'émergence rapide des TIC, une veille juridique et technologique est indispensable pour suivre la tendance et réadapter le dispositif judiciaire. «Il est devenu obligatoire de mobiliser toutes les parties prenantes pour relever le niveau de protection de la vie privée et des données personnelles au Maroc aussi bien en matière de sensibilisation, de dénonciation des infractions ainsi que de l'application des sanctions», a appelé Aniss Lahoussine, secrétaire général de la CNDP. Même son de cloche chez Mohamed Rédouane, président du bureau régional de l'Amicale Hassania des magistrats, qui précise que «l'intérêt pour ce droit au niveau international a augmenté eu égard aux risques qui émergent du développement fulgurant des TIC. C'est pourquoi la communauté internationale a renforcé la protection à travers plusieurs conventions».
6.000 réclamations depuis 2012
Pour vulgariser la loi, la CNDP a mené plusieurs campagnes de sensibilisation via les différents canaux de communication et auprès des différents acteurs aussi bien dans le public que dans le privé. Une démarche qui a commencé à donner ses fruits. Depuis sa mise en service en 2012, la Commission a enregistré 6.000 réclamations, effectué 638 opérations de contrôle, adressé 54 avertissements et transmis à la justice 13 dossiers. Toutefois, seules 4 affaires ont été jugées. Des chiffres relativement faibles par rapport aux défis à relever dans ce domaine. «Malgré ces indicateurs positifs et encourageants, la CNDP reste persuadée que le chemin vers l'instauration de la culture de protection de la vie privée et des données personnelles dans notre pays est encore long», a souligné le SG de la Commission. En effet, si certaines institutions publiques et privées se sont conformées à la loi, d'autres en revanche traînent le pas. Raison pour laquelle les différents intervenants se sont accordés sur la nécessité de converger les efforts et d'accélérer la mise en application de la loi. Surtout qu'à l'échelle internationale, particulièrement au niveau de l'Union européenne, de nouvelles règles seront bientôt adoptées. En effet, la protection de la vie privée et des données personnelles est plus que jamais au cœur de la scène médiatique internationale. Plusieurs scandales de fuite des données personnelles et d'atteinte à la vie privée ont éclaté, mettant en garde la communauté internationale. C'est pourquoi, il est impératif de suivre la tendance internationale pour renforcer l'attractivité de notre pays et protéger ainsi les droits de ses citoyens et de ses investisseurs. ■