Les pouvoirs publics sont de plus en plus conscients de l'impératif de protéger les données privées dans un contexte de digitalisation prononcée, génératrice d'opportunités mais aussi de risques. Internet est devenu aujourd'hui un outil de communication incontournable dans la vie de plusieurs personnes issues aussi bien des pays développés que ceux en passe de le devenir. A cela, s'ajoute la digitalisation croissante des économies, qui ouvre incontestablement de nouvelles fenêtres d'opportunités. Toutefois, à côté de ces avantages avérés, il existe des risques de violation de la vie privée. En effet, les citoyens sont de plus en plus susceptibles d'être surveillés ou tracés grâce à Internet par le truchement des tablettes, ordinateurs portables ou smartphones. C'est dans ce contexte que se tient à Marrakech du 17 au 20 octobre 2016, la 38ème conférence internationale sur la protection des données privées. Cette rencontre internationale, qui a réuni les commissaires à la protection des données et à la vie privée de plusieurs pays, a été rehaussée par la présence de Driss El Azami El Idrissi, ministre délégué au Budget, qui a rappelé que la Constitution de 2011, à travers son article 24, garantit la protection de la vie privé. «Le Maroc est devenu une destination sécurisée comme en témoigne la mise en place de la loi 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et la Commission nationale de contrôle de protection des données à caractère personnel (CNDP)», indique-t-il. L'enjeu est de taille pour le Maroc Saïd Ihrai, président de la CNDP, estime que la protection des données privées, composante essentielle des droits de l'Homme s'impose de plus en plus aux Etats. D'ailleurs, à l'échelle internationale, l'arsenal juridique en la matière est assez conséquent, pour ne citer que les recommandations de l'OCDE de 1980 et la Directive 95/46 de l'Union européenne. Cela dit, l'enjeu de la protection des données privées est loin d'être minime au Maroc. En effet, l'enquête de collecte des indicateurs TIC auprès des ménages, dévoilée en avril 2016 par l'Agence nationale de régulation des télécommunications (ANRT) est édifiante. Elle montre qu'au cours des trois derniers mois de 2015, plus de 66,5% des ménages marocains ont accès à Internet. De plus, sur les 17,8 millions d'internautes marocains (dont plus de la moitié passe entre 1 à 4 heures par jour sur Internet), 84% visitent les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.). Or, les réseaux sociaux et certains moteurs de recherche pour ne citer que Google et Yahoo essuient des critiques. Ils sont souvent taxés d'exploiter les données privées des utilisateurs. A ce titre, Tristan Nitot, ancien président de Mozilla Europe parle de «capitalisme de surveillance». Il estime que le modèle économique des géants du Web repose sur l'exploitation des données personnelles. Cela dit, il faut savoir que Facebook n'est pas contrôlé au Maroc par la CNDP, puisqu'il n'exerce pas son activité sur le territoire national (principe de territorialité). Par ailleurs, la rencontre, sous le thème : «Ouvrir de nouveaux territoires à la protection des données privées», était l'occasion pour John Edwards, président du Comité exécutif de la conférence internationale de rappeler les nouveaux défis de la protection des données privées. Il s'agit, entre autres, du développement de la robotique et de l'intelligence artificielle et l'exacerbation de la complexité technologique. D'où la nécessité de renforcer davantage l'échange d'expertise entre les différents commissaires à la protection des données et à la vie privée des différents pays. Des affaires qui se multiplient Le foisonnement des affaires à l'international atteste indubitablement de l'importance d'accroître le niveau de protection des données personnelles sensibles. Par exemple, les clients du groupe pharmaceutique américain Johnson & Johnson étaient sous la menace de voir leur pompe à insuline pirater, avec tout ce que cela implique, (modification de la dose d'insuline, risques graves sur la santé, etc.). Par ailleurs, en mai 2015, 29 autorités de protection des données dans le monde, dont la (CNDP) ont examiné 1.500 sites web et applications mobiles. Ce travail a révélé que 67% des sites et applications contrôlés collectent illégalement les données personnelles des enfants. En somme, au regard de ce qui précède, il n'est pas exagéré d'affirmer que l'un des plus grands défis de ce siècle en proie à une numérisation accélérée, est de garantir la protection des données personnelles. M. Diao 1.200 plaintes adressées à la CNDP A en croire Saïd Ihrai, en termes de protection des données privées, le Maroc est un leader en Afrique et au Moyen-Orient. Ce rang est la résultante d'une conjonction de dispositions institutionnelles et réglementaires. En effet, la loi 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, qui a institué la CNDP, précise entre autres un ensemble de principes et de droits des personnes concernées par le traitement des données. En effet, en l'espace de 4 années (depuis 2012), la CNDP a reçu près de 1.200 plaintes et effectué 300 contrôles. Sept dossiers ont été transmis au procureur du Roi.