Total, qui a signé la semaine dernière un accord avec l'Iran en vue de développer la phase 11 de South Pars, est également en pole position côté qatari pour exploiter le plus grand gisement de gaz naturel au monde, a-t-on appris lundi de deux sources proches de Doha. Le groupe français est, selon ces sources, mieux placé que des concurrents comme ExxonMobil et Royal Dutch Shell dans la phase de développement de ce gisement situé à cheval entre les eaux territoriales de l'Iran et du Qatar. Le Qatar, soucieux de contrer son isolement diplomatique dans la région, souhaite accélérer le développement de sa partie du gisement appelée North Field. L'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte ont rompu le 5 juin leurs relations puis fermé toutes frontières aériennes, maritimes et terrestres avec le petit Etat du Golfe, qu'ils accusent de liens avec le terrorisme et de rapprochement avec l'Iran, des allégations que Doha réfute. Le PDG de Total Patrick Pouyanné, qui refuse de prendre parti dans cette crise diplomatique, a signé le 3 juillet un accord avec l'Iran d'une durée de 20 ans pour un projet South Pars, dont le coût total pourrait atteindre 4,8 milliards de dollars, devenant devenu ainsi la première des majors pétrolières à revenir en Iran depuis la levée des sanctions commerciales. Patrick Pouyanné a dit avoir informé le Qatar de ses projets avec l'Iran. "Le bloc iranien où nous sommes censés produire jouxte le Qatar. Quand je me suis rendu à Doha j'en ai parlé avec les autorités et on m'a dit 'C'est OK. On vous connaît.'" La stratégie d'ouverture de Total semble porter ses fruits. "Je m'attends à ce que Total soit le mieux placé pour le nouveau projet (qatari), en raison des problèmes politiques en jeu et de ses récents accords dans South Pars (avec l'Iran)", a déclaré une source haut placée dans le Golfe. D'un côté, travailler avec deux pays qui partagent un gisement gazier semble une évidence, mais de l'autre, cela n'est pas sans risques pour Total. Outre l'Iran et le Qatar, Total a également de gros projets en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis, ce qui souligne la complexité des ses investissements au Moyen-Orient.
DE POSSIBLES ECONOMIES DE COÛTS Le Qatar, déjà premier exportateur mondial de gaz liquéfié, a levé en avril une interdiction sur le développement du gisement de North Field et a dit la semaine dernière vouloir accroître la capacité de production de gaz d'environ 30% à 100 milliards de mètres cubes. L'initiative a été largement perçue comme une démonstration de force dans son conflit avec ses voisins du Golfe et l'Egypte. Le Qatar est devenu une puissance gazière au cours de la dernière décennie grâce au concours des majors comme Exxon, Total et Shell. Leurs projets ont généré des milliards de dollars de recettes pour le Qatar et ses partenaires occidentaux et l'accroissement prévue de la production de Doha va en faire un acteur encore plus incontournable car il contrôle déjà un tiers de la production mondiale actuelle de gaz naturel liquéfié (GNL). Des sources ont déclaré à Reuters ce mois-ci qu'Exxon, Shell et Total avaient tous exprimé des marques d'intérêt pour permettre au Qatar d'augmenter sa production de gaz. Sollicités sur le sujet, Exxon, Shell et Total n'ont pas souhaité s'exprimer. Même sans ce nouvel appel d'offres qui doit encore être annoncé, le rôle de Total au Qatar devrait croître sensiblement car le groupe a décroché en 2016 une participation de 30% pendant 25 ans dans l'exploitation d'Al-Shaheen, le principal gisement pétrolier offshore du Qatar. Total, qui reprendra l'exploitation du gisement à Maersk Oil le 14 juillet, prévoit d'investir deux milliards de dollars (1,75 milliard d'euros) dans le projet au cours des cinq prochaines années. Les coûts de production de gaz de l'émirat étant parmi les plus bas au monde, être choisi par le Qatar offrirait à Total un avantage stratégique sur ses concurrents sur le marché mondial à forte croissance du GNL. La participation du groupe français dans ce gisement des deux côtés de la frontière peut également lui permettre de réaliser des économies de coûts et une meilleure compréhension de la géologie des gisements, bien que Patrick Pouyanné ait déclaré qu'il n'y avait aucun mécanisme pour coordonner la production conjointement par les pays. Le développement de la production au cours des 5 à 7 prochaines années pourrait coûter entre 14 et 18 milliards de dollars, selon le consultant Wood Mackenzie. "Le Qatar pourrait également vouloir montrer qu'il est toujours favorable aux affaires en dépit des conflits diplomatiques actuels avec certains de ses voisins du Golfe", a-t-il déclaré. Interrogé samedi aux rencontres économiques d'Aix-en-Provence, Patrick Pouyanné a dit ne pas vouloir prendre parti dans la crise diplomatique qui oppose le Qatar à ses voisins du Golfe. "Je suis qatari au Qatar, emirati aux Emirats, iranien en Iran. Je n'ai pas à choisir entre ces pays", a expliqué le PDG de Total.