C'est le temps des consultations et des tractations. Pour la première fois de son histoire, le PJD, au centre de toutes les attentions, tire les ficelles. En l'absence de majorité absolue, le parti de la lampe est appelé à composer avec les autres mouvances politiques. Et, à l'évidence, jusqu'à la formation du prochain gouvernement, les thèses les plus improbables vont circuler. A propos des probables alliances. Mais aussi à propos de la capacité de l'actuel chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, qui vient juste d'être nommé par le Souverain, de tenir les manettes du pays. La Koutla (PI, USFP, PPS) s'alliera-t-elle, comme prévu, au PJD ? A quel prix ? Autant de questions auxquelles il est prématuré de répondre. Mais l'issue de ces législatives suscite néanmoins quelques réflexions. Primo : quoique meilleur que lors des précédentes élections, le taux de participation (45% contre 37% en 2007) reste relativement faible. C'est dire que les Marocains se sentent encore peu concernés par la chose politique. Ou, du moins, signifient-ils, à leur manière, qu'ils ne se sont pas encore réconciliés avec les politiques. Secundo : comme en Tunisie, en Egypte ou encore en Libye, les Islamistes, pendant longtemps décriés et écartés du pouvoir, ne sont plus craints. Malgré des discours parfois radicaux qui peuvent donner froid dans le dos. Tertio : sans aucun doute, le PJD doit sa victoire à sa virginité politique. En étant présent dans l'hémicycle, mais en s'écartant du pouvoir, les leaders du parti ont toujours clamé leur volonté de «ne pas être associés à l'échec» des gouvernements successifs du Maroc depuis l'avènement du nouveau règne (USFP, Driss Jettou – technocrate-, Istiqlal). Le temps semble leur avoir donné raison, car les Marocains ont plutôt préféré les «bleus», qui ont toujours assumé leur idéologie politique, que les partis historiques qui, malgré des décennies d'exercice du pouvoir, n'ont pas véritablement réussi à les convaincre et ont perdu de leur crédibilité. Quarto : Cette virginité politique lui servira-t-elle ou, au contraire, sera-t-elle une chape de plomb ? Disposera-t-il de suffisamment de marge de manœuvre pour imposer ses vues à une Koutla déjà très affûtée dans la conduite du pays et, surtout, ne pas se retrouver avec un gouvernement quasi identique à celui qui a jusqu'alors présidé aux destinées du Royaume ? En tout cas, ce ne sera pas simple. Car, le PJD, novice au pouvoir, devra forcément s'accommoder des exigences d'une Koutla déjà rompue aux rouages des affaires. Une chose est sûre : les attentes des Marocains sont grandes. Dans un contexte où les défis socio-économiques sont énormes, les islamistes, pour leur premier test, devront montrer qu'ils sont capables de coulisser de l'opposition au pouvoir afin de répondre concrètement aux attentes de ceux qui leur ont fait confiance. Nous aurons certainement un petit aperçu de leurs aptitudes quand il s'agira de passer au crible les 100 jours du gouvernement Benkirane. Wait and see. (Voir pages 37 à 41). ■