Bien qu'il soit un instrument de financement adapté aux PME, qui sont souvent confrontées à des problèmes d'accès au crédit bancaire classique, le leasing reste très peu utilisé. Sa pénétration économique reste insuffisante. Focus sur l'actualité du secteur avec Abderrahim Bouazza, Directeur général de Bank Al-Maghrib. Finances News Hebdo : Durant ces premières Assises africaines du leasing, on parle de nécessité de convergence de règlementation en matière de leasing dans le continent africain. Cette convergence sera-t-elle possible, si l'on prend en considération que certains pays africains s'inspirent du modèle francophone et d'autres de celui anglophone ?
Abderrahim Bouazza : D'une manière générale, les règles qui s'appliquent au secteur bancaire et à celui du crédit-bail s'inspirent des mêmes standards internationaux. Pratiquement, tous les pays tirent leurs règlementations des recommandations émises par les organismes internationaux, que ce soit en matière comptable, prudentielle, ou de gouvernance… La transposition de ces recommandations au niveau des régions, des pays… peut être différente. Sinon, je pourrais dire que cette convergence est possible.
F. N. H. : Comme signalé, le leasing représente à peine 27% des crédits d'investissement accordés aux entreprises par l'ensemble des établissements de crédit, se trouvant ainsi loin derrière d'autres modes de financement. Qu'est-ce qui empêche les entreprises de recourir à ce mode de financement ?
A. B. : Tout d'abord, il y a un effort de communication à faire parce que le produit n'est pas très bien vulgarisé. Les entreprises ont plus à faire aux banques, dont l'offre ne comprend pas le leasing. C'est dire qu'il y a matière à mieux communiquer sur le leasing, d'autant plus que les sociétés de crédit-bail sont des filiales de banques. Il est aussi important de communiquer sur les avantages du leasing. On peut citer, à cet égard, le peu de garanties demandées, les produits adaptés au cycle de production de l'entreprise…
F. N. H. : Où en sont actuellement les sociétés de leasing marocaines en ce qui concerne la gouvernance, les règles prudentielles, etc. voire en matière de convergence aux meilleurs standards ?
A. B. : Elles sont déjà dedans. Nous avons fait le choix de les soumettre aux mêmes règles que les banques, bien sûr parfois de manière plus adaptée. Nous essayons d'ajuster les règles aux spécificités du métier. Ajoutons à cela le fait qu'elles sont des filiales de banques et que ces dernières sont appelées à les consolider sous les mêmes normes, à savoir Bâle III, IFRS.
F. N. H. : En ce qui concerne la circulaire 19G/2002 relative à la classification des créances en souffrance, où en sont les concertations avec la profession ?
A. B. : Il y a toujours des discussions en cours. Nous avons déjà fait part d'un projet à la profession qui a émis ses propres remarques. Maintenant, c'est une seconde version qui est en cours de discussion. Espérons que les choses se mettent en place rapidement.
F. N. H. : A l'aune des réformes sectorielles entamées par le Maroc (Agriculture, industrie, énergies renouvelables…), quelles sont les perspectives du crédit-bail ?
A. B. : Assurément, l'activité de crédit-bail recèle un potentiel de croissance important eu égard aux différents chantiers économiques d'envergure, menés dans le cadre des politiques sectorielles des pouvoirs publics. Je me limiterai au secteur agricole et à celui des énergies renouvelables. Le Maroc a pour ambition de faire du secteur agricole, qui emploie 40% de la population active, un levier important pour son développement socioéconomique, et ce grâce au Plan Maroc Vert lancé en 2008. Ce plan a pour principal objectif de consolider et de développer une agriculture et une agroindustrie performante, adaptée au marché, en les protégeant contre les risques climatiques, en favorisant les investissements privés et en préservant les ressources en eau. Le plan mobilise des financements très importants provenant de l'Etat, des bailleurs de fonds internationaux et de banques nationales. Les établissements de crédit-bail, dont les financements au secteur agricole restent faibles, peuvent apporter des solutions de financement adaptées aux agriculteurs en partenariat avec les banques. Le Maroc a également de grandes ambitions dans le domaine des énergies renouvelables. Il a pris l'engagement de couvrir, à hauteur de 52%, ses besoins électriques à partir des énergies renouvelables. Lors de la COP22 organisée sous la présidence du Maroc à Marrakech, le secteur financier national a pris un ensemble d'engagements pour accompagner la politique du gouvernement et promouvoir la finance verte. Celle-ci ouvre de nouvelles opportunités d'investissements pour les entreprises qui nécessitent la mobilisation de financements très importants de la part du secteur bancaire et financier. Là aussi, les sociétés de crédit-bail pourraient se positionner pour apporter leurs concours financiers aux projets d'investissements basés sur des énergies propres. ■