■ Les plus pessimistes tablent sur l'adoption de la Loi de Finances vers… fin juin 2012. ■ Situation inédite à laquelle la nouvelle Constitution apporte une réponse. ■ Dans tous les cas, le prochain gouvernement démarrera sa législature avec une patate chaude entre les mains. L' imbroglio autour du projet de Loi de Finances 2012 déchaîne les passions et suscite moult critiques. S'achemine-t-on, comme l'avancent certains, vers une année blanche, avec un nouveau gouvernement qui prendra les rênes du pays, pendant plusieurs mois, sans son principal outil de travail, à savoir la Loi de Finances ? Aujourd'hui, à seulement quelques jours des élections législatives, cela semble plus que probable. Car, dans la pratique, il sera difficile que ce soit autrement, vu que le projet ne peut être discuté pour l'instant. Ainsi, après les élections du 25 novembre, il faudra d'abord désigner le Premier ministre, lequel formera son gouvernement à l'issue de nombreuses tractations. Des tractations qui risquent d'être ardues et qui, sans aucun doute, seront le reflet des multiples alliances de circonstance nouées ici et là, et décriées par plusieurs observateurs tant les partis concernés n'ont en commun que leur volonté de récolter le maximum de suffrages. En cela, les plus optimistes parient qu'il faudrait au moins attendre plusieurs mois pour avoir enfin une loi de finances. Lahcen Daoudi, membre dirigeant du PJD, qui qualifie déjà le report de la discussion de la loi de finances de «honteux complot contre le prochain gouvernement (www.financesnews.press.ma)», ne dit pas autre chose. Selon lui, «le gouvernement n'aura pas d'outil de travail, ne serait-ce que pour le fonctionnement. Et jusqu'au 25 novembre, le pays sera pris dans les élections. S'ensuivra au minimum un mois de tractations, avant la formation du futur gouvernement vers fin décembre. Il faudra encore compter 10 à 15 jours pour préparer la déclaration devant le Parlement, soit la mi-janvier. Il faut au moins deux mois pour que ce gouvernement se mette d'accord sur tous les volets de son programme, soit le mois de mars. Durant la même période, démarreront les élections locales et régionales, ce qui rendra difficile, voire impossible de discuter la Loi de Finances. On risque donc de naviguer jusqu'au mois de juin sans Loi de Finances» ! «Je crains que ce ne soit une année blanche pour le prochain gouvernement», conclut-il. Les plus optimistes comme Abdeslam Seddiki, membre du bureau politique du PPS, tablent plutôt sur l'adoption de la LF vers fin janvier. Néanmoins, si certains pensent que, même compte tenu des législatives, la Loi de Finances aurait pu être discutée, d'autres s'y opposent, arguments à l'appui. Outre la contrainte temps, ils avancent, entre autres, un problème de légitimité, d'autant que le prochain gouvernement serait appelé à exécuter une loi de finances qu'il n'a pas élaborée et qui pourrait ne pas forcément correspondre à ses orientations stratégiques. Pour autant, face à ce scénario inédit, la nouvelle Constitution apporte certains éclairages. En effet, l'article 75 stipule que «si, à la fin de l'année budgétaire, la loi de finances n'est pas votée ou n'est pas promulguée en raison de sa soumission à la Cour Constitutionnelle en application de l'article 132 de la présente Constitution, le gouvernement ouvre, par décret, les crédits nécessaires à la marche des services publics et à l'exercice de leur mission, en fonction des propositions budgétaires soumises à approbation. Dans ce cas, les recettes continuent à être perçues conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur les concernant à l'exception, toutefois, des recettes dont la suppression est proposée dans le projet de loi de finances. Quant à celles pour lesquelles ledit projet prévoit une diminution de taux, elles seront perçues au nouveau taux proposé». En clair, sans loi de finances, le nouveau gouvernement, au mieux, expédiera les affaires courantes. Et même avec la LF… A l'évidence, la tâche de la nouvelle équipe gouvernementale, la première qui sera formée après l'adoption de la nouvelle Constitution, sera pour le moins difficile. Car, même si l'on s'imagine que le projet de LF actuel qui a été déposé au Parlement servira de planche de travail à la nouvelle équipe, il faudra le réaménager afin qu'il cadre avec la déclaration gouvernementale. Mais surtout avec les aspirations et attentes des citoyens, dans un contexte où il faut non seulement gérer les contraintes budgétaires, mais également régler le problème endémique de la Caisse de compensation, résorber le chômage et faire preuve de courage politique pour réformer en profondeur le système éducatif et de santé… C'est dire que le prochain gouvernement n'aura pas de période de grâce. Et sera jugé dès sa prise de fonction à travers sa première loi de finances. Une comparution immédiate qui pourrait laisser de nombreuses séquelles. ■ D. William Coalitions hétéroclites A la veille des élections, la multiplication des alliances, dont certaines paraissent pour le moins incongrues, laisse beaucoup d'observateurs sceptiques. Car les différents partis ayant choisi de former une coalition n'ont en partage que leur désir de remporter les élections. Une ambition certes légitime, mais encore faut-il que tous ces courants politiques qui se regroupent sous la même bannière partagent la même idéologie et aient la même vision de la chose économique, politique et sociale. Ce qui, à l'évidence, est loin d'être le cas. On imagine, dès lors, qu'il leur sera difficile, si tant est que l'une de ces coalitions hétéroclites remporte les élections, de concocter un programme qui s'inscrit en ligne avec l'idéologie politique de chaque membre et les aspirations de leur base respective. Un vrai casse-tête. Sauf si, naturellement, les convictions politiques sont sacrifiées sur l'autel des ambitions politiques personnelles.