Le professeur Zoubida Charrouf est l'exemple type de la femme engagée pour la bonne cause. Ingénieur chimiste, professeur à la Faculté des Sciences de l'Université Mohammed V de Rabat, et présidente de l'Association Ibn Al Baytar et Slow Food au Maroc, elle a, depuis son enfance, décidé de contribuer à l'amélioration de la condition de la femme dans le milieu rural. Cette quête l'a amenée également à défendre un autre trésor du pays, l'arganier ! Née à la campagne, Zoubida Charrouf est très liée à la terre et à la nature. Enfant, elle s'est attachée à son droit à l'école malgré la réticence de son père. Elle a, très tôt, compris que le changement passe par le savoir. «J'étais révoltée de voir les femmes réduites aux tâches ménagères sans avoir accès à leurs droits ni à l'école. Or, j'étais persuadée que les femmes pouvaient faire beaucoup de choses pour la famille et l'environnement». C'est donc très jeune qu'elle décide de contribuer plus tard à l'amélioration des conditions de vie de la femme rurale. Après plusieurs années d'études, elle devient ingénieur chimiste et ensuite Docteur d'Etat… La matière et la molécule l'ont de tout temps passionnée. Mais, sans jamais oublier une promesse qu'elle s'était faite. En fait, comme sujet de thèse, elle choisit de faire des recherches, qui vont s'avérer très compliquées, sur un principe actif dans l'arganier cité par un auteur français du 19ème siècle (1888) et qui avait étudié la noix d'argan. Et c'est ainsi que de longues années seront consacrées à la recherche et à un travail académique qui donnera lieu à plusieurs publications scientifiques sur l'arganier. En effet, Zoubida Charrouf va contribuer, par son travail, à enrichir la littérature sur cette noix, tellement les données sont rares ou pas adossées à des recherches scientifiques. L'intérêt pour l'arganier vient du fait que c'est une essence qui ne pousse naturellement qu'au Maroc et qui, malgré tous les bienfaits qu'on lui attribue, est menacé de disparition. Mais, également, dont l'extraction d'huile est une tâche dont ont hérité les femmes en sus de toutes les autres responsabilités qu'elles assument. C'était donc une occasion pour Zoubida de concilier deux aspects qui lui tenaient justement à cœur : la femme et l'environnement. En tant que chercheur, Zoubida ne s'est pas contentée de travailler derrière un bureau ou dans un laboratoire. En effet, son travail de recherche l'a conduite sur le terrain, notamment dans les villages de l'arganeraie. «Il fallait faire d'un problème écologique une opportunité économique, notamment par l'encouragement des activités créatrices de revenus. Et ce postulat a été vérifié puisqu'en valorisant les produits de l'arganier, les gens le protègent mieux, puisqu'il représente leur source de revenu. C'est ce qui a arrêté l'hémorragie et l'on assiste à une reprise du reboisement». Chercheur, mais également mère de famille, Zoubida va accorder plus de temps au travail sur le terrain à partir de 1991. «Je suis très engagée, mais ma famille passait avant tout. Donc, j'ai attendu un peu que mes filles grandissent, quoique que je n'ai pas beaucoup vu la troisième parce que mon travail de recherche impliquait plusieurs allers-retours entre le Maroc et la France». Ce militantisme sera couronné en 1999 avec la création de l'Association Ibn Al Baytar. L'action de l'Association, dont le siège est à Rabat, couvre cinq provinces : Agadir Idaoutanane, Chtouka Aït baha, Essaouira, Taroudant et Tiznit. L'approche de l'Association Ibn Al Baytar tente de concilier entre la recherche et l'action sur le terrain. Ainsi, avant de promouvoir les bienfaits de l'arganier, tout un travail de recherche scientifique a été entrepris et rendu public, notamment à destination des compagnies internationales ou d'éventuels importateurs. Mais le plus gros du travail était fait sur le terrain, notamment auprès des femmes de ces provinces. «Il fallait faire un travail de formation auprès des femmes et les aider à se constituer en coopératives. Mais également les doter de moyens et de machines pour améliorer la torréfaction, l'extraction d'huile, le conditionnement…». Mais ce travail ne va pas se faire facilement. «On nous a souvent mis des bâtons dans les roues … Et certains ont été très ingrats…». Ainsi, rien n'aurait pu arrêter ses recherches, en comptant sur un allié de taille : son mari. Pour lui, Zoubida est une personne très généreuse, et bien qu'elle soit passée par monts et pas vaux, elle a toujours pu maintenir le cap. Néanmoins, cela demande un temps fou entre recherche, publications, séminaires, travail sur le terrain, mais aussi la famille. Un sacrifice récompensé par pas moins de quatre prix internationaux, rien que pour ce premier semestre 2011, en reconnaissance à ses travaux ayant contribué à l'intégration de la femme et à la préservation de l'environnement, notamment le Prix de la Banque Islamique pour le Développement qu'elle a reçu le 29 juin à Jeddah. Zoubida est d'ailleurs l'auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages, en plus de toutes les publications académiques qu'elle rend gracieusement publiques. Et encore, ce bout de femme n'a pas dit son dernier mot, puisque Zoubida poursuit son chemin et ne cesse de faire le plaidoyer pour l'arganier là où elle passe. Car, comme l'arganier qu'elle défend, elle est robuste et résiste aux aléas !