Slow Food Maroc compte déjà 500 adhérents. La présidente Zoubida Charrouf explique les objectifs de son association et nous parle de la rencontre annuelle de Slow Food International qui se déroulera du 10 au 12 juin à Rabat. ALM : Qu'est- ce que le Slow Food ? Et sur quels principes s'appuie cette approche ? Zoubida Charrouf : Slow Food est une association internationale qui a été fondée par Carlo Petrini en 1986 afin de contrer le fast-food en redonnant la juste importance au plaisir dû à la nourriture. Elle s'attache à défendre la biodiversité agroalimentaire dans le monde, à promouvoir une agriculture durable pour la sauvegarde de l'environnement et des terroirs, sans oublier le soutien aux petits producteurs et à leurs communautés. D'où le slogan de Slow Food : Manger «Bon, Propre et Juste» Comment est venue l'idée de créer l'association Slow Food Maroc ? Et quels en sont les principaux objectifs ? L'association Ibn Al Baytar travaille avec Slow Food depuis 2001. Slow Food a beaucoup contribué à la promotion de l'huile d'argan qui est devenu une sentinelle depuis 2002. Par la suite, cette collaboration a été étendue à d'autres produits de terroirs comme le safran de Taliouine, le cumin d'Alnif, le sel de Zeradoun, les dattes de Souss-Massa-Drâa .... Au départ, il y avait un seul convivium à Rabat. Mais depuis la création du convivium, les terroirs du Bouregreg, le nombre des adhérents a considérablement augmenté. En septembre dernier, nous avons jugé utile de créer l'association marocaine de Slow Food (SFM). L'association a plusieurs objectifs. Nous souhaitons attirer davantage d' adhérents et créer des conviviums qui sont des associations locales. Ils sont formés par des citoyens volontaires qui vont renforcer le réseau Slow Food au Maroc à travers, la réalisation d'événements en faveur des petits producteurs, la mise en place des projets focalisés sur l'éducation au goût (bon, propre et juste) des jeunes et des enfants contre l'homologation au goût et pour la sauvegarde des traditions culinaires et agricoles. Parmi les autres objectifs de l'association figure la création d'un lien étroit entre les chefs restaurateurs du Maroc et le patrimoine inestimable que le Maroc a du point de vue de la biodiversité, sauvegardée grâce au travail des petits agriculteurs, éleveurs, pêcheurs. Pour l'année 2011, le projet «Mille jardins potagers en Afrique» de Slow Food International créera 50 jardins potagers au Maroc en collaboration avec le réseau local. Par quels moyens comptez-vous promouvoir ce mouvement ? Nous comptons le promouvoir à travers des conférences, des rencontres. Citons à titre d'exemple, la journée du Terra Madre Day célébrée chaque année le 10 décembre ou encore la conférence que Carlo Petrini va tenir à Rabat le 1er mars prochain. Il faut aussi faire connaître ce mouvement aux jeunes. D'ailleurs, les étudiants de la Faculté des sciences de l'Université Mohammed V-Agdal ont déjà commencé ce travail en organisant des ateliers du goût dans plusieurs villes du Maroc : Tanger, Rabat, Kénitra, Agadir ...Nous voudrions aussi impliquer la société civile qui se bat pour les mêmes valeurs que Slow Food. Ce mouvement compte déjà 100.000 membres partout dans le monde :du petit producteur de café au professeur universitaire. Comment peut-on retrouver le plaisir de manger face à la standardisation industrielle des goûts ? Pour retrouver le plaisir de manger, il faut faire de l'éducation alimentaire. On ne mange pas pour satisfaire notre besoin physiologique. Dans ce cas, « manger » devient un acte agricole c'est-à-dire qu'on doit savoir d'où et comment proviennent les aliments que nous mettons dans notre bouche. Le plaisir se traduit par la connaissance des produits et de ce qu'il y a derrière les produits. Nous devenons des consommateurs co-producteurs ; conscients que nos actes peuvent sauver une tradition, un patrimoine qui risque d'être perdu, que nous aidons des petits producteurs rémunérés à leur juste labeur. Est-ce que les Marocains sont séduits par le Slow Food. Et combien sont-ils à adhérer à ce mouvement ? Les Marocains sont séduits par le Slow Food parce qu'ils comprennent de plus en plus l'importance de valoriser les produits de terroirs,un patrimoine à sauver dans notre pays. Dans les milieux urbains, de plus en plus de personnes sont à la recherche du produit de qualité. Ils demandent des produits bio, préparés de manière traditionnelle, comme le faisaient nos mères et nos grands- mères. De plus, le Maroc a également besoin comme beaucoup de pays occidentaux, d'une éducation au goût pour les enfants et les jeunes. Ces derniers doivent prendre conscience qu'il n'y a pas seulement le fast food, mais que les plats traditionnels sont un plaisir à sauvegarder surtout pour leur santé. Au Maroc, on compte actuellement environ 500 adhérents répartis dans 8 conviviums (ou associations-locales) à travers le Royaume. Parlez-nous du Conseil d'administration de Slow Food international prévu au mois de juin 2011. Le Conseil international (CI) va se dérouler pour la première fois en Afrique ; à Rabat du 10 au 12 juin. C'est la rencontre annuelle de Slow Food International qui réunit les présidents nationaux de Slow Food (les présidents des pays où existent les directions nationales: Italie, USA, Japon, Allemagne, Hollande, Suisse...) et les pays où Slow Food compte beaucoup d'adhérents (Kenya, Brésil, Espagne, France, Portugal…). Les représentants qui viendront à Rabat seront environ une cinquantaine provenant de 20 pays. Ils discuteront des stratégies futures de l'association. Pourquoi avoir choisi le Maroc pour abriter cet évènement ? La philosophie de Slow Food International cadre parfaitement avec le Plan Maroc Vert pilier II et les grands chantiers de développement durable, initiés par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Notre Royaume est donc considéré comme stratégique quant à la réalisation de projets de soutien des petits producteurs. Il a d'ailleurs été choisi comme le levier du développement durable, dans les projets concrets de SFI et plus précisément le projet «1.000 jardins potagers pour l'Afrique». En parlant, d'Afrique, il ne faut pas oublier que c'est le continent où la majorité de la population vit encore de l'agriculture (surtout petite agriculture : 60%-80%) et donc les défis de Slow Food doivent absolument se concrétiser dans ce continent. En plus, le continent africain est riche en biodiversité et en culture. Slow Food voudrait grâce au réseau des petits producteurs, des projets, des sentinelles, des chefs, des experts, des citoyens et des associations, valoriser le patrimoine agricole africain. Il s'agit de créer un réseau fort qui puisse combattre les grands problèmes du continent: de l'accaparement des terres jusqu'au problème de l'importation sauvage des produits subventionnés de l'agriculture occidentale qui tue les produits locaux et traditionnels africains. Un petit mot sur l'association Ibn Al Albaytar dont vous êtes également présidente. L'Association Ibn Al Baytar a déjà initié plusieurs projets visant l'organisation de la filière de l'argan suivant des méthodes de gestion modernes. Elle a, par ailleurs, contribué à la sauvegarde de l'arganier à travers plusieurs actions de reboisement dans les provinces de Chtouka Aït Baha, Taroudant et Agadir Idaoutanane et participé à la réflexion sur la labellisation de l'huile d'argan. Membre fondateur du réseau international des producteurs des indications géographiques (OriGIn), elle en est vice-présidente pour l'Afrique du Nord le Moyen-Orient. A travers ses programmes d'alphabétisation, l'Association vise la promotion de la femme rurale. De 2004 à 2006, 2.000 femmes de la région Souss-Massa-Drâa et de la province d'Essaouira et 600 femmes de la préfecture d'Agadir Idaoutanane en ont profité. Pour mener à bien ses programmes d'alphabétisation et de formation, Ibn Al Baytar, en collaboration avec ses partenaires et à leur tête le CNDA, a produit son propre matériel pédagogique adapté à la situation particulière des bénéficiaires. L'association travaille en partenariat avec le réseau Slow Food pour la promotion de l'huile d'argan à l'international : organisation de séminaires, colloques, ateliers de dégustation et participation aux foires, expositions, colloques et congrès internationaux. Loin de passer inaperçu, ce travail de fourmi a valu à l'Association Ibn Al Baytar plusieurs distinctions notamment le Trophée pour la solidarité en 2005, le Prix de la Fondation du Sud pour la recherche scientifique et la recherche en faveur de l'arganeraie et de la femme rurale et le Prix international du Parmegiano Reggiano.