Pour certains, l'investissement alloué au projet aurait pu servir à des axes autoroutiers ou ferroviaires d'au moins 600 km supplémentaires, surtout dans les régions peu desservies par ce genre d'infrastructures. Il faudrait des décennies pour assurer le retour sur investissement du projet, le nombre de voyageurs ayant la possibilité d'emprunter ce moyen de transport jugé élitiste, étant limité. La polémique sur le TGV reliant Tanger à Casablanca fait toujours rage. La question qui se pose avec acuité est : est-ce que le Maroc avait besoin de ce genre de projet aussi coûteux alors que son utilité n'est pas rationnellement justifiée ? C'est l'investissement mobilisé qui pose des interrogations. 20 Mds de DH uniquement pour les rames et la construction de la voie ferrée, en plus du foncier et des autres équipements. Certaines sources avancent le chiffre de 50 Mds de DH ; c'est ce que devra nécessiter a priori ce projet. Cette enveloppe budgétaire pourrait être revue sensiblement à la hausse, car les prévisions n'ont pas tenu compte de la flambée des matières premières dans le marché international. En tout cas, plusieurs voix se sont élevées contre ce projet. Pour Omar Belafrej, président de la Fondation Bouabid, «le TGV est une catastrophe monumentale. On va se payer une ligne à grande vitesse pour 20 Mds de DH, alors qu'on a besoin de cet argent pour autre chose». Le pire, explique Belafrej, c'est que «dans le programme de l'ONCF, on ne prévoit pas de train pour Errachidia et cela même à l'horizon 2040». Un avis partagé par Ahmed Amrani, professeur universitaire, qui a estimé que «l'investissement alloué au TGV aurait pu être employé pour desservir certaines régions de grande importance en lignes ferroviaires. Je cite notamment Agadir et Ouarzazate. Ou bien utiliser l'enveloppe au renforcement du réseau autoroutier ou routier». Amrani a précisé que «le TGV est un moyen de transport élitiste. Même en Europe, il est réservé à une classe d'un certain niveau. Dans l'ensemble il est parfois plus cher que l'avion. Dans un pays comme le Maroc, l'idée est de lancer des projets selon les moyens et, bien sûr, selon les besoins». En effet, si l'on compare les prix pratiqués en France, rares sont les voyageurs marocains qui vont emprunter ce moyen de locomotion. La première classe en train ordinaire sur la plupart des axes présente un taux de remplissage qui dépasse rarement 50%. Parfois elle est quasi vide, pourtant le tarif normal Casa-Tanger est de 185 DH mais les voyageurs préfèrent le tarif normal qui est de 125 DH en deuxième classe et qui affiche un taux de remplissage important. «Il faut des décennies pour assurer le retour sur investissement d'un tel projet. Ses initiateurs n'ont pas pris en considération le pouvoir d'achat des Marocains qui est dans l'ensemble limité. Il serait préférable d'avoir des trains rapides à une vitesse se rapprochant des 200 km/h. Ainsi on n'aura pas besoin de changer les lignes ferroviaires actuelles ni d'avoir un nouveau tracé. Il faut juste investir dans le dédoublement des voies et avoir un équipement plus moderne». A titre comparatif, le coût de la réalisation du TGV est l'équivalent de la réalisation d'une ligne ferroviaire Marrakech-Agadir ou Marrakech-Ouarzazate. Cela permettra d'ouvrir de nouvelles opportunités pour les deux régions sur tous les plans, notamment économique et aussi en matière de désenclavement. La région du Souss est l'une des plus riches du Royaume, surtout en rendement agricole et halieutique. Le train devrait lui permettra de doper ses activités dont l'impact sera également national. L'investissement alloué au TGV est inférieur à celui de l'enveloppe accordée à la réalisation des autoroutes Marrakech-Agadir et Oujda-Fès. La première a nécessité 8 Mds de DH et la seconde 10 Mds de DH. Il y a des investissements qui justifient leur pertinence. L‘autoroute Marrakech-Agadir en est le parfait exemple. Après son lancement, la destination engendre un dynamisme hors pair. Cela se manifeste par les arrivées touristiques. Agadir a été la seule ville au Maroc qui a connu une certaine progression après la crise qui secoue le secteur suite aux événements liés au printemps arabe et l'attentat du restaurant Argana. L‘autoroute a permis une fluidité des autres activités entre le Souss et les autres régions. Il faut rappeler que le Maroc a fait un pas colossal en matière d'infrastructures autoroutières car il devenait urgent de combler un énorme déficit en la matière. Le réseau sera porté à près de 1.500 km avec l'achèvement de l'axe Fès-Oujda. Il s'étendra à 1.800 km avec la réalisation de l'axe Casablanca-Béni Mellal et celui d'El Jadida-Safi qui devrait s'achever au plus tard en 2015, en plus des autres rocades comme celles de Casablanca et de Rabat pour éviter les embouteillages des deux villes. Certains axes de grande importance sont en projet ou à l'étude. Il s'agit du traçé entre Fès et Tétouan passant tout près de Sidi Kacem et Ouezzane. Long de 180 km, il permettra de relier la région du Centre avec celle du Nord en économisant le temps de parcours, ce qui réduira les accidents de la circulation et limitera la pression sur la route nationale. Les travaux devraient être lancés en 2014, et cet axe pourrait être étendu vers Marrakech via Beni Mellal, soit un circuit de plus de 500 Km ; déjà l'axe Fès-Mellal est long de 270 km. Le projet sera lancé en 2017. Il faut rappeler que l'étude de faisabilité du tronçon autoroutier Fès-Tétouan devrait nécessiter 500 MDH. Cette autoroute permettra de diminuer la durée de voyage entre Fès et Tétouan de 4 heures 30 minutes, actuellement, à 2 heures 20 minutes. En projet également figurent les axes Safi-Essaouira (130 km), Essaouira-Agadir (140 km), Agadir-Laâyoune (600 km), Marrakech-Ouarzazate (160 km) et Nador-Taourirt (120 km). Pour conclure, l'option du TGV a été dictée par des considérations politiques. «Le Maroc a voulu, avec le marché du TGV attribué à Alstom, compenser le non-achat à la France de ses avions Rafale préférant les F16 américains», a expliqué un politologue de la place. Il est clair qu'avec la nouvelle Constitution et un pouvoir élargi du gouvernement, un tel projet nécessitera plusieurs concertations et études, voire un débat national avant d'être validé.